Pérégrinages physiques et métaphysiques
Métaphysique pour souffrir
L'obligation de cohérence
Les astronomes en sont toujours aux conjectures quant aux possibilités de vie dans notre galaxie. Aucun indice n'est probant, tout au plus peut-on hasarder une probabilité (un hasard est déjà lui-même une probabilité!) extrêmement faible que des conditions propres à laisser émerger la vie soient reproduites sur une quelconque planète d'une quelconque étoile de notre galaxie. Dans l'infini de l'univers, que peut-elle devenir? Notre géocentrisme nous joue sans doute encore des tours : nous passons peut être à coté d'autres formes de vie que nos instruments et nos raisonnements ne savent mettre en évidence.
Regardons-nous vivre sur la terre, regardons à quoi tient notre humanité: il aura fallu que le soleil ne soit ni trop froid, ni trop chaud, que l'orbite de la terre soit précisément là où elle est, que la terre soit, à cet instant de l'univers, ni trop grosse ni trop petite, ni trop chaude ni trop froide, ni trop ceci, ni trop cela, pour que nous vivions dans ce monde tempéré qui favorise une "éclosion harmonieuse des êtres".
Et pour que cette éclosion harmonieuse arrive à nous engendrer, nous pauvres humains, combien de chances heureuses, combien de parties gagnantes de bingo aura-t-il fallu ? Certains d'ailleurs se posent la question de savoir si notre terre, vu son âge, aurait eu le temps de gagner toutes ces foutues parties de bingo. Bref, si je suis là en train d'écrire, serait-ce parce que j'ai eu comme vous une sacrée chance? Non, je me refuse à être cet accident statistique que les scientifiques voudraient que je sois. Ce n'est pas parce que nous sommes tous des accidents statistiques que nos savants nous démontrent pour autant l'origine de l'origine.
Cette quête angoissée de la science à propos de la place de l'homme dans l'univers ne me parait pas être sur le bon chemin. Il y d'autres chemins, vertigineux eux aussi. Passons sur les chemins des mystiques, qui ressentent mais n'expliquent pas, mais gardons Dieu, il appartient à tous, aux scientifiques, aux frontières du Big-Bang, aux mystiques et aux autres...
Le chemin que je veux prendre est une spéculation, une pure hypothèse, certains pourraient dire une tautologie, qu'importe! Otez de votre esprit tout géocentrisme, toute référence philosophique (il sera bien temps d'en trouver), car il s'agit de penser à l'envers. Notre pensée, notre perception de l'existence, c'est notre besoin de cohérence. Ainsi, quand nos ancêtres voulaient une terre plate, leur perception de l'univers était cohérente avec leurs connaissances géographiques. Lorsque celles-ci se sont affinées, lorsque leur champ d'investigation s'est agrandi, il a fallu trouver un autre modèle de l'homme dans son univers. Chaque nouvelle investigation doit être cohérente avec le modèle, sinon celui-ci s'effondre dans sa totalité.
Pour la platitude de la terre, cela n'était pas trop grave, car le nombre de promoteurs du dogme était faible et qu'à l'époque, ce dogme n'avait pas une importance vitale. Imaginez qu'aujourd'hui, il faille remettre en question le dogme d'une terre ronde! Justement, maintenant que l'information va si vite et si loin, que chaque information a l'impérieuse nécessité d'être cohérente avec les autres informations, on peut dire que l'on a atteint un certain déterminisme.
Prenons les records d'athlétisme : croyez vous qu'il soit pensable que le record de vitesse sur 100 mètres tombe brusquement de 9,9 secondes à 6 secondes. Tous les sportifs du monde crierons à la supercherie. Est-ce pour autant qu'il n'existe pas au fin fond de l'Amazonie ou de la Papouasie des guerriers qui courent 100 mètres en 6 secondes? On raconte que des bonzes sont capables de parcourir 500 km à plus de 20 km/h de moyenne et ceci en plein Himalaya. Je demande à voir, vous aussi, mais qui sait. En athlétisme, on en est au centième de seconde près, dans le domaine scientifique, on en est aussi loin : nous semblons arriver à l'asymptote de nos forces et de nos connaissances, tant ce que nous connaissons de nous-mêmes et de notre environnement est cohérent.
Si je regarde une mouche, qui sait si bien prendre ses virages à quatre vingt dix degrés, je peux me dire que les brusques changements de direction sont possibles pour tout autre chose qui vole dans la mesure où j'ignore les problèmes d'inertie. Alors, je donne prise au mythe des soucoupes volantes, capables d'accélérations foudroyantes et d'aussi brusques changements de direction; mais si je raisonne en physicien, mes soucoupes volantes disparaissent, faute de faire disparaître les lois relatives à l'énergie cinétique.
De tout temps, toute nouvelle découverte est donnée à partir d'anciennes découvertes. A l'inverse les anciennes découvertes sont confortées par les nouvelles découvertes. D'où l'idée que l'univers est comme il est parce qu'il n'y a guère moyen de le faire autrement: notre univers n'est pas un univers de matière, c'est un univers de cohérence -
Nous ne pouvons pas nous permettre une seule incohérence dans notre façon de percevoir le monde,
SINON CELUI-CI SE CASSE LA FIGURE !
Nous possédons une échelle des temps, que la science par commodité toute personnelle, a référencée par rapport à l'homme, depuis l'instant zéro du Big-bang, en passant par 1969 Greenwich vers les milliards d'années que nous ne verrons probablement pas. Cette échelle des temps a du reste été bien malmenée ces derniers temps. Et Einstein avait bien raison de la malmener, cette échelle des temps, pendant qu'il est encore temps, avant que de nouvelles découvertes ne verrouillent les anciennes. La science a donc bâti, du fait de cette échelle des temps, un univers progressif. Le premier jour elle a fait l'air, le deuxième l'eau, le septième, elle se reposa -refrain ancien fort connu-. D'après la science, les choses se sont faites progressivement parce qu'il semble bien difficile qu'elles puissent avoir été faites autrement -bien que d'après certains saints écrits, la génération spontanée ait existé.
Et cette échelle des temps est un carcan épouvantable. On s'en est servi pour élaborer un modèle mathématique de l'univers et comme on trouve ce concept très pratique, on le récupère pour l'usage de notre propre vie en oubliant de vérifier si on a vraiment besoin d'une échelle. On pourrait dire la même chose de l'échelle des distances ou de l'espace à trois ou quatre dimensions. Ce sont des étais que la science s'est donnée pour avancer plus vite et plus loin, mais avons-nous vraiment besoin de ces béquilles ? C'est justement ici que commence la spéculation, en pensant que ces béquilles sont une perversion de la science.
Spéculations
Essayons de penser sans béquilles: peu nous importe que l'univers existe comme nous le concevons aujourd'hui, avec des temps et des distances, l'essentiel est qu'il soit là, avec toute sa cohérence, quand on en a besoin. En fait, je spécule que nous avons dans l'esprit toutes les données du problème. Si je suis assis à cette table et que je regarde vers la fenêtre, je ne peux faire autrement que de voir le peuplier et le puit. Il me semble que je n'ai pas vraiment besoin que ce peuplier et ce puit soient des choses concrètes, mais seulement des choses en cohérence avec ma vision du monde, qui est elle-même en cohérence avec la vision du monde du voisin qui est assis à coté de moi et regarde lui aussi par la fenêtre. Nous pensons que le monde est ainsi tout simplement parce que nous ne pouvons l'imaginer différent de l'imagination de ceux que nous mettons en scène dans ce monde. Une seule incohérence et ce monde imaginaire n'existe plus.Nous sommes dans un rêve, suffisamment solide pour que nous ne puissions nous en extraire et dont les règles sont infiniment plus strictes: nous ne pouvons pas rêver n'importe quoi.
En première lecture, cette spéculation est choquante, puisqu'elle renverse les rôles: ce n'est pas le monde et son Big-bang originel qui nous fait exister, c'est nous qui inventons le Big-Bang parce que notre logique intellectuelle nous conduit à l'inventer, comme elle nous conduit à inclure dans notre monde imaginaire les différents processus de reproduction de la vie, les lois de la chimie, de la physique et de la biologie. Peut-être qu'un lecteur, avec un peu de bonne volonté et d'imagination réussira, après plusieurs lectures de ce qui précède, à vaincre le vertige métaphysique que peut procurer cette spéculation. Vertige, parce que cette façon de spéculer permet beaucoup d'audaces dans l'explication du monde, et qui sait, peut conduire à de nouvelles hypothèses, à de nouveaux comportements, à de nouvelles logiques.
Tout d'abord, cette spéculation est anthropocentrique, puisque l'univers n'est que la projection de l'esprit humain. La base de cette projection est fruste, il s'agit d'un principe très simple: "imagine ce que tu voudras pourvu que ce que tu imagines soit cohérent avec ce que tu auras déjà imaginé". On conçoit que l'esprit a pu faire un certain nombre de tentatives ayant toutes abouti à un échec, jusqu'à la tentative qui est la notre.
A l'origine, si tant est que l'on puisse employer ce mot, l'esprit est, en dehors du temps et de l'espace, il serait, selon notre vocabulaire, de nulle part et de toute éternité. Un jour -mais qu'est-ce qu'un jour?- l'esprit imagine l'univers à quatre dimensions et quelque chose dedans, sans doute quelque chose du genre reproductible. A partir de là tout s'enchaîne, l'esprit a trouvé une solution viable par elle-même, en dehors de lui, puisque nous avons la perception du monde sans l'appréhender lui. Nous sommes un meta-monde.
L'informatique permet aujourd'hui d'approcher ce que peut être un méta-monde: systèmes générant des réalités virtuelles, ou des cellules virtuelles en interaction,... L'expérience informatique montre que ces systèmes sont capables d'apprentissage et de décisions qui leur sont propres.
Nous en sommes là: abandonnés à nous-mêmes avec ces postulats que ce que nous trouverons au confins de notre univers sera immanquablement cohérent avec le fait que nous ayons cinq doigts à chaque main, que ce que nous découvrirons du passé devra confirmer ce que nous vivons aujourd'hui. Passés et futurs n'existent pas vraiment, dans la mesure où nous pourrions nous inventer tous les passés qui ne remettent pas en cause tous les vestiges et les écrits que nous avons déjà inventés, et dans la mesure où les futurs possibles sont légions.
Echapper au présent est une autre paire de manche. Certains y arrivent peut-être, hors de la vue des cartésiens. Il est à noter que bien des faits "bizarres" rapportés par des observateurs "dignes de foi" n'ont jamais été reproduits devant la science. On comprend que la science ait été maintes fois jugée nuisible, dans la mesure où son implacable logique détruisait les méta-mondes du moyen-age. On pourrait cependant imaginer qu'un ensemble d'être pensants totalement isolés de notre monde pendant plusieurs années, puisse assumer un méta-monde différent du nôtre, ou par exemple le bleu deviendrait brûlant, la sphère serait immensément lourde, au contraire du carré qui ne pourrait que flotter dans l'air... J'ose penser que pour eux, les choses seraient réellement ainsi, plongeant ainsi notre science dans la plus grande perplexité, et confirmant cette spéculation pour un monde de l'esprit.
L'esprit humain doit être pris dans un sens pluriel, collectif, en vertu du principe de cohérence. Le Papou et l'Esquimau sont liés, comme des fourmis de la même fourmilière : Ce n'est pas véritablement la fourmi prise individuellement qui est un animal, c'est la fourmilière tout entière qui est un être constitué. Ceci veut dire que c'est l'espèce humaine tout entière qui est responsable de son destin, que la terre soit vivable pendant des millénaires encore, ou au contraire qu'elle soit victime d'une psychose collective. C'est ainsi qu'il existe quelques êtres suffisamment persuasifs pour vous faire prendre une vessie pour une lanterne. Je me souviens d'une promenade en montagne où, partant d'un village et passant un col, nous redescendions de l'autre coté vers un lac connu. A ce moment, un homme montait, avec qui nous liâmes conversation à propos du chemin sur lequel nous étions. Cet homme se croyait sur un autre chemin et malgré nos dénégations assurées, il finit par nous convaincre que nous n'étions pas là où nous étions, mais là où il croyait être! Humble exemple vécu de la vessie et de la lanterne, qui laisse à méditer sur notre faiblesse à croire n'importe quoi et, inversement, sur la capacité de l'esprit à inventer un méta-monde.
Imaginons que quelques savants suffisamment persuasifs nous expliquent qu'un phénomène géophysique détruise inéluctablement la terre, pourvu que ce phénomène soit cohérent avec ce que l'on sait déjà de notre méta-monde, il est probable que la terre sera détruite et nous avec. Heureusement, l'inconscient collectif veille et à toute mauvaise nouvelle, notre instinct de conservation nous fait découvrir la parade.
Immortalité?
Quand je parle d'instinct de conservation, j'ai tendance à penser élan vital qui fait que notre méta-monde est suffisamment bien fait pour nous éviter le suicide collectif. Au nom de l'échelle des temps et des étais des 3 dimensions de l'espace, la science ne nous offre que la mort comme sortie de notre monde. Elle décrète l'homme mortel, elle refuse l'immortalité. Mais si notre monde est un méta-monde de cohérence, sommes nous sûrs d'avoir besoin d'être mortel ? Il est possible que, nous mettant tous à bâtir notre futur mental, l'homme soit en mesure d'atteindre la parousie, c'est à dire qu'il enlève les frontières qui sépare notre méta-monde de l'esprit à l'état pur. Spéculation là encore .... Restons plus terre à terre et évitons ces sujets épineux, passionnels pour certains, tellement l'angoisse métaphysique peut faire d'inventions et de ravages dans les coeurs.
<>Ce qui m'intéresse, très égoïstement, c'est de donner le meilleur sel à ma courte existence, puisque tant que ma spéculation n'est pas vérifiée, je ne suis pas dans un méta-monde, mais dans un monde de chair et d'os. Mais rien ne m'empêche, en mon fors intérieur de penser le monde comme un méta-monde, de me forger un autre point de vue que le point de vue officiel quant à la cohérence du monde, de me forger parfois certaines entorses aux confidences de la science moderne, d'être un tricheur?
Doute infime
Certes, d'un point de vue intellectuel, certains hommes peuvent penser qu'un jour la techniques leur permettra d'être immortel (congélation, clonage,...). Je laisse à ces hommes leur droit de croire à cet espoir un peu fou. Il s'agit là d'un raisonnement matérialiste que je n'ai pas. Ma démarche est nettement différente. Je me place sur un plan philosophique. De Platon (les ombres dans la caverne) à l'évêque Berkeley (idéalisme immatérialiste), et encore de nos jours ("les atomes existent-ils?"), il semble que certains philosophes ont eu et ont encore une intuition quant à la matérialité du monde. Le monde ne serait que construction mentale, où toutes les consciences sont amenées à imaginer la même matérialité (dans mon esprit et dans ton esprit, ce que je vois et ce que tu vois ne peuvent être fondamentalement différents, sinon, notre monde s'écroule dans l'absurde). Nous sommes condamnés à la cohérence de nos perceptions et de notre vision du monde. A partir de là, il n'est point besoin que le monde soit réel. Cette théorie peut donner le vertige, je le conçois. Je revendique personnellement cette intuition, cette spéculation, qui m'amène alors à une autre intuition, à un doute infime. Je peux imaginer, spéculer que dans 100 000 ans, 1 million d'années, un jour, les hommes pourront avoir collectivement la force philosophique nécessaire pour modifier tous ensemble leur représentation mentale du monde et en faire un monde immortel.
Conclusion - S'il est vraiment permis de conclure!
De
cette nécessaire cohérence, j'en déduis qu'aucun commerce avec une
quelconque transcendance n'est possible. Il ne peut y avoir de
manifestation possible de la transcendance, car cela signifierait une
fuite, un "délit d'initié", un accès privilégié au futur - à l'éternité
diraient certain -. Certains croient avoir établi ce lien, mais cela ne
peut relever que de la "croyance", d'une "religio", pour aider
inconsciemment à résoudre cette confortable cohérence qui nous refuse
l'immortalité. N'est-ce pas ainsi que seraient nées les cultures
religieuses, au point qu'il ne faut pas s'étonner que certains
entretiennent la notion de peuple élu avec un bail terrestre, la notion
de Fils de Dieu ou d'Assomption, la réincarnation, les mânes,...
On peut y croire,.... mais seulement y croire !
Post scriptum