Encore faut-il y réfléchir plus longuement, quand la dignité est reliée à la morale. «!Plutôt
rouge que mort!!!» Qui est le plus digne, celui qui accepte le compromis ou celui qui le
refuse!?
Accepter un compromis, est-ce se déjuger ?
(d'après LaCroix Hebdo de fin janvier 2020, Dominique Greiner)
"Ce mot n'est guère aimé. pour certains, il est synonyme de compromission, de
renoncement à ses convictions. Pour d'autres, à vouloir ménager la chèvre et le chou, le
compromis ne peut échouer que sur une cote mal taillée, laissant les différents acteurs
insatisfaits. Ce serait une sorte d'entre deux, sans véritable choix. Le compromis serait un
pis-aller, une voie de sortie du conflit vers le bas, aucun acteur n'ayant réussi à imposer
ses vues aux autres. Mais c'est implicitement supposer que, pour mettre fin à un conflit,
un groupe devrait nécessairement l'emporter sur un autre. Cette logique est celle de la
lutte des classes : toute concession faite à l'adversaire est une défaite ; toute concession
qu'on réussit à lui arracher est une victoire.
Le compromis peut pourtant être envisagé plus positivement, comme une manière de
sortir non par le bas, mais par le haut. Mais il faut déjà porter un autre regard sur le
conflit et considérer qu'il fait partie de la vie normale d'une démocratie. Il est même le
signe de sa vitalité. Il manifeste que les citoyens exercent leur droit de peser sur les choix
sociaux qui engagent leur avenir et leurs conditions de vie. Et le conflit sera d'autant
plus violent qu'ils auront eu le sentiment d'être tenus à l'écart du processus de décision.
"Face à un conflit, certains regardent simplement celui-ci et passent devant comme si de
rien n'était, ils s'en lavent les mains pour pouvoir continuer leur vie. D'autres entrent
dans le conflit de telle manière qu'ils en restent prisonniers, perdent l'horizon, projettent
sur les institutions leurs propres confusions et insatisfactions, de sorte que l'unité
devient impossible. Mais il y a une troisième voie, la mieux adaptée, de se situer face à un
conflit. C'est d'accepter de supporter le conflit, de le résoudre et de le transformer en un
maillon d'un nouveau processus." (Pape François). Ce n'est pas la victoire ou
l'empiètement d'un partenaire sur un autre qui met fin au conflit d'une manière
satisfaisante. Sa résolution passe par l'élaboration d'un possible qui n'avait pas été
initialement envisagé par les différents partenaires concernés. Ce possible va s'inventer
au fur et à mesure. Il passera par des concessions réciproques.
Mais pour cela, des conditions doivent être réunies. Le compromis suppose une
reconnaissance mutuelle des acteurs, avec leurs références, leurs valeurs et leur
rationalité. C'est aussi reconnaître qu'aucun n'a d'entrée de jeu la solution aux
problèmes. Il va donc falloir la construire en inventant aussi des modalités de négociation,
avec les différentes instances représentatives concernées : "la fabrique du compromis se
met en route". Pour commencer à s'élaborer, un compromis a besoin que les acteurs
renoncent non pas à leurs convictions de base, mais à une logique d'affrontement et de
surenchère.
Le compromis est "le seul moyen de viser le bien commun. Nous n'atteignons le bien
commun que par le compromis, entre des références fortes mais rivales" (Paul Ricoeur).
Dans le compromis, par un jeu de concessions réciproques, mais aussi par l'invention de
nouvelles modalités d'action ou la mise en place de nouvelles institutions, les acteurs
manifestent leur capacités à dépasser leurs propres intérêts en vue de ce bien commun.
Loin d'être une solution de facilité, la voie du compromis est donc particulièrement
exigeante. Ce n'est pas se déjuger que de vouloir s'y engager. Reconnaître la nécessité de
trouver un compromis, c'est simplement faire preuve de réalisme et témoigner de son
attachement au bon fonctionnement de la démocratie."