Vous avez beau tourner la chose
en tous les sens :
Néfertiti
a existé.
Il y a bien longtemps, dans la plus haute antiquité,
Néfertiti
vivait avec un pharaon.
Ils faisaient bien l'amour ensemble,
Mais elle appartenait déjà à l'éternel.
Et Pharaon souffrait de cette possession.
Il portait fièrement
les habits de sa charge, Il faisait régner
la justice, Il établissait solidement les
principes... Mais, comme Avicenne l'a dit,
« Devant la beauté
du monde, Toute puissance perd ses droits. »
Et Pharaon souffrait d'un complexe d'infériorité...
A table, d'un air soucieux, il froissait
sa serviette en pensant à cela.
Il avait bien toute une armée, Il avait
bien des chars,
Mais elle avait des yeux,
des cils,
Un front illuminé d'étoiles
Et un cou merveilleusement
long.
Quand ils voguaient dans leur litière,
Tous les yeux des badauds se fixaient Non
sur le Pharaon,
mais
sur Néfertiti.
Le Pharaon avait des caresses maussades
Il se permettait les pires de grossièretés,
Car il sentait combien tout pouvoir est fragile
En face du pouvoir de la fragilité.
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Et les sphinx peu à
peu s’en allaient en poussière
Et les croyances à
tout jamais s'éteignaient.
Tandis que par-dessus les
mythes et les événements,
Par-dessus les mensonges du
temps
S'étendait
le cou de Néfertiti
S'étendait
jusqu'à nous aujourd'hui.
On le retrouve
dans
les dessins des écoliers et sur les
broches des ouvrières.
Néfertiti
purifiera toujours quelqu'un,
sans
se ternir,
qui
de nouveau se sentira inférieur à
coté d'elle.
Bien souvent, nous nous
enlisons dans la vie quotidienne...
Néfertiti,
quant à elle,
Néfertiti toujours,
Par-dessus la vie
les guerres, les visages
et
l'Histoire
Tend son cou quelque part...
Vous avez beau tourner la
chose en tous les sens :
Néfertiti
est bien vivante !
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Eugène Evtouchenko De la cité du oui
à la cité du non
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