Pérégrinages physiques et métaphysiques
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Inflation fais-moi peur !

Depuis le soit-disant choc pétrolier de 1976 qui avait servi de prétexte à une inflation sévère, les banquiers ont mis bon ordre. Il ont même réussi à ce que le Président Mitterand rende la Banque de France indépendante du Parlement. Depuis plus de trente ans, le discours est ancré dans les mentalités. On nous informe périodiquement de la préoccupation du Ministère des finances à propos d'une bouffée d'inflation.

Il n'y a pas que Bercy à s'en préoccuper : les banques, les assurances, tous ceux qui ont à manipuler des stocks d'argent importants ne sauraient souhaiter l'inflation. On les comprend. Les économistes ont relayé leur analyse. C'est ainsi qu'est né le spectre de l'inflation. L'analyse est d'autant mieux partagée par tous ceux qui ont un peu d'épargne. Le possesseur de quelques actions s'intéresse à la littérature économique pour vérifier qu'il a choisi le meilleur moyen de faire fructifier son épargne. De ce qu'il lit au quotidien, l'inflation doit être bannie, pour éviter la dépréciation de ses produits financiers.

Le raisonnement est juste pour la minorité de ceux qui ont beaucoup d'argent. Il l'est moins pour ceux qui, du haut de, quelques dizaines de milliers de francs en action, n'auront qu'un faible retour. Obnubilé par le gain, ou la non-perte de quelques centaines de francs chaque année, un tiers environ des français, en général de ceux qui sont politiquement agissant, cautionne un discours établi par l'infime minorité de ceux qui ont un énorme intérêt à bannir l'inflation. Ces oeillères empêchent de voir des choses autrement plus importantes, y compris financièrement. La vie ne se bâtit-elle vraiment qu'au vu des cours de la Bourse ?

La non-inflation empêche l'argent de se déprécier. C'est une vertu négative. L'inflation serait alors un vice positif ? Entre les deux, il y a un espace de réflexion. Principalement, le refus de l'inflation oblige la communauté à ne pas augmenter les prix à la consommation. Sauf à augmenter la productivité, le prix de revient ne peut bouger : les salaires, pas plus que les conditions de travail et la qualité des matières premières ne sauraient augmenter.

Si les salaires étaient tous honnêtes, si les entreprises étaient toutes bien organisées, toutes agréables à vivre, on pourrait admettre qu'un euro reste un feuro pendant longtemps. Ce n'est pas le cas, les inégalités sont patentes. Les agriculteurs, endettés à vie, qui reconnaît leur mérite? Les métiers de l'hôtellerie : pendant que vous mangez pour 20 euros, doutez-vous du salaire horaire du cuisinier ? Il est la plupart du temps misérable. L'hôpital près de chez vous a t-il tous les moyens de vous soigner, savez-vous les gains et responsabilités d'une infirmière ? Pour rester compétitif dans la grande distribution, les pêcheurs ont été conduit à la surpêche. Le poisson est plus rare et les pécheurs plus pauvres... La liste serait longue des inégalités de notre société, dont beaucoup provienne d'une stagnation trop longue des salaires et du maintien de conditions de travail d'un autre âge. Disons simplement que l'inégalité est dangereuse, elle nous guette tous. Nous serons peut-être un jour content que nos enfants aient des métiers avec des salaires et des conditions de travail décents.

Qu'à donc à voir l'inflation avec le problème social ? Permettre au chef d'entreprise d'augmenter légèrement chaque année ses prix de vente, c'est lui permettre d'augmenter son prix de revient et donc de mieux considérer son personnel, dans sa rémunération et dans ses conditions de travail. Admettre que le prix des choses augmente un peu chaque année, c'est admettre une petite redistribution dans la composition des prix de revient, qui profite à d'autres qu'à ceux qui ont le pouvoir de l'argent. De petite redistribution en petite redistribution, on peut espérer d'équilibrer un peu mieux la société. Avec un peu de recul, on peut comprendre qu'une inflation modérée est, sur le moyen terme, la seule façon de réduire progressivement les inégalités. Est-ce là un discours anti-économique ? Sommes-nous sûrs que tous les discours sur les méfaits de l'inflation s'appuient sur des arguments sans faille. N'y a t'il que des économistes infaillibles? La stabilité des prix est un motif puissant pour la minorité qui a le pouvoir de l'argent, elle est une illusion pour l'immense majorité. Elle se traduit par une stagnation démotivante globalement pour la société.

 

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