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Le petit barreau contrôlé par la pensée est une science-ction
l'ordinateur manipulé par l'homme devient conscience
articielle. L'homme devient en quelque sorte la transcendance
de sa créature...
Au-delà de l'Intelligence Articielle d'aujourd'hui, qu'adviendra-t-il
le jour une machine à penser prétendra avoir une conscience
avec une réelle intelligence et une nouvelle morale ?
La science-ction est un moyen agréable de poser des problèmes
philosophiques. L'auteur peut s'y tromper, fantasmer, éviter les
polémiques.
L'édition 2023 enrichit de deux chapitres la première mouture.
Ce livre est proposé libre de droit sur
le site de l'auteur :http://ertia2.free.fr
Ce site, intitulé "Pérégrinages physiques et métaphysiques", est
un ensemble éclectique de plusieurs milliers de pages,
entièrement personnel et libre de droit :
Littéraire, poétique, philosophique, avec un blog citoyen et un
blog de tout et de rien
Technique, avec des graphes de productions photovoltaïques
et de mesures météo
Technique avec des idées innovantes et de la futurologie
Musical avec des partitions pour voix-piano et pour choeurs
Youtubé avec une trentaine de diaporamas en musique
des trouvailles qui ont plu à l'auteur
un dictionnaire Espéranto. Si ! Si!!
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Le petit barreau contrôlé par la pensée
1 - L'ordinateur peut-il penser ? .................................................4
2 - La conscience de l'ordinateur ............................................33
3 - Les "anges gardiens" ............................................................44
4 - La métaphysique .................................................................114
5 - La conscience de Boltzmann ...........................................169
*** Apprendre à apprendre .................................................................191
*** Proposition pour les retraites .......................................................199
*** La disparition de l'image ..............................................................220
Annexe .......................................................................................232
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1 - L'ordinateur peut-il penser ?
Février 1980
# Tourne à droite!!
# Tourne à gauche!!
# Tourne à droite!!
# Tourne à gauche!!
# Tourne à droite!!
Etc….
Il ne disait pas "Tourne à droite", il pensait seulement "Tourne à
droite". C'était un ordre de sa pensée. Et à chaque fois, ça
changeait de sens. Un coup dans le sens des aiguilles d’une
montre, un coup dans le sens inverse.
Là, dans le coin, en haut à gauche de l’ordinateur, un petit trait
noir s'agitait. Un petit trait noir, d’environ un demi-centimètre,
tantôt vertical, tantôt horizontal. Pourquoi horizontal, pourquoi
vertical, Gravetout n’aurait su le dire. Le programmeur avait
sans doute mis ce petit signal pour signifier que l’ordinateur
effectuait un calcul, et qu’il fallait un peu de patience. D’autres
fois, l'ordinateur montrait un sablier ou une montre. c’était
un petit trait horizontal ou vertical, c’est selon.
A un moment, le petit trait s’était mis à passer très vite d’une
position à l’autre, horizontale, verticale, horizontale, verticale,
etc… en donnant véritablement l’impression que le petit trait
tournait sur lui-même, dans le sens des aiguilles d’une montre.
Evident, diront les uns. Réflexion inutile, diront les autres…
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Gravetout!voulut penser au-delà de l’évidence et de l'inutilité.
Avoir l’impression d’un mouvement tournant avec seulement
deux repères par tour, ça méritait réflexion.! Si encore, le petit
trait noir s'affichait dans une position intermédiaire en passant
de la verticale à l'horizontale, à 45° par exemple, on pourrait
facilement avoir l'illusion d'une rotation. Mais puisque cette
position intermédiaire ne s'affichait pas, il fallait bien admettre
que le cerveau faisait lui-même un joli travail d'interpolation.
Gravetout salua l'entreprise: "Il est bien fait, le cerveau", pensa-t-
il.
Après avoir félicité le genre humain, il revint à son analyse. En
toute logique, on peut passer de la position verticale à la position
horizontale en tournant le trait par la droite ou par la gauche.
Pourquoi avait-il donc l'illusion parfaite que le barreau tournait
dans le sens des aiguilles d'une montre!? Pourquoi donc n'était-ce
pas l'inverse!?
La question valait d’être posée, et Gravetout se la posa.
Peut-être le cerveau perçoit-il la façon dont l’ordinateur trace les
traits!? Difficile à vérifier.
Peut-être est-ce le cerveau qui décide, pourquoi pas!? Gravetout
se rappela ces sortes de posters pointillistes, au motif vaguement
répétitif, qu’il faut regarder sans accommoder pour découvrir
une scène en relief. C’est bien le cerveau qui décide ce qui doit
être vu, du motif pointilliste ou de la scène en relief.
L'expérience était facile et valait d’être tentée. Gravetout nota
donc qu’il voyait le petit trait tourner de gauche à droite. Il t le
vague dans son esprit, et regarda à nouveau le petit trait.
L’illusion se répéta, le trait tournait toujours à droite.! Cela lui
sembla normal, puisque les conditions de l’expérience n’avaient
pas fondamentalement changé. Il songea donc à donner à son
cerveau un petit coup de pouce. Intérieurement il se donna donc
l’ordre de voir le petit trait tourner de droite à gauche. Il t le
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 5232
vague, se répéta l’ordre intérieur et regarda. Le petit trait
tournait maintenant de droite à gauche!
Etonnant, non! Comme aurait dit Desproges, sauf que ça n’était
pas une blague.
Gravetout répéta l’opération, dix fois, vingt fois, pour être bien
sûr de sa manipulation. A chaque fois, il avait l’illusion que le
petit trait tournait dans le sens qu’il avait mentalement voulu.
Avec un peu d’entraînement, il arrivait même à avoir l’illusion
du changement de rotation, sans même passer par le stade du
vague dans l’esprit.
L’impression qu’il en retira était terrible!: tout était comme s’il
pouvait contrôler mentalement certaines actions de l’ordinateur,
alors que cela était totalement faux. Il ne contrôlait que sa
perception visuelle. Il avait pris son désir pour une réalité!:
contrôler une machine par la pensée, quel savant fou n'en rêve
pas!? A réfléchir, il comprit qu’il ne contrôlait pas la machine,
mais seulement sa perception de la machine. Il contrôlait sa
pensée par la pensée. N’était-ce pas une explication possible
de la schizophrénie!?
Il comprit aussi que toute perception pouvait être le siège d’une
illusion, que la pensée devait probablement manipuler de façon
inconsciente. Il se rappela Platon, et les ombres de sa caverne.
!
1990
Dans les années qui avaient suivi, l'expérience du petit barreau
tournant contrôlé par la pensée avait conduit Gravetout sur le
chemin des études neuro-biologiques, dans son désir de voir plus
loin, de comprendre l'activité de la pensée humaine autant qu’il
est possible.
Quelques électrodes dans le crâne, un amplificateur. Avec un
peu d’entraînement, il arrivait à penser de telle manière que les
électrodes recueillent un signal électrique vaguement
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 6232
reconnaissable. Par exemple, à chaque fois qu’il pensait à du foie
gras, on voyait très nettement sur le graphe de visualisation du
signal quelques pointes émergeant toujours au même endroit.
Quand il imaginait un coup de gong tibétain, la figure du signal
était tout autre.
Il avait appris à l’ordinateur à reconnaître quelques unes de ces
figures. A chacune de ces figures il avait associé une lettre de
lalphabet, que lordinateur faisait apparaître lorsquil
reconnaissait la figure correspondante.
Mais c’était vraiment élémentaire. Le pauvre cobaye qui testait
le système se fatiguait très vite, à penser très fort au foie gras, au
gong tibétain ou autres imaginaires.
Bien sûr, il avait essayé de faire déchiffrer directement par
l’ordinateur les lettres de l’alphabet, mais le signal obtenu du
cerveau était vraiment cafouilleux, en tout cas hermétique à
toute transformée de Fourier ou autre subtilité mathématique.
L’informatique et les mathématiques font souvent bon ménage,
mais vraiment, la couche de saletés était épaisse, le ménage
était impossible.
!
2000
Il avait fallu qu’il tombe par hasard sur le site de Daniel Lemire,
un prof!d'Université canadienne, pour découvrir les
transformées de Haar et ses ondelettes, et pour commencer à
apercevoir les constantes nécessaires à une interprétation able
et reproductible des ondes du cerveau. Ainsi, trois fois sur cent, il
arrivait maintenant à identier les voyelles et quelques
consonnes.
Il s’était lui-même promu sujet c’est plus humain que cobaye
- , parce que ça l’énervait de voir les sujets patentés être infoutus
capables d’émettre des pensées claires et précises. Heureusement
pour eux, malgré tous ses efforts, il n'était pas meilleur qu'eux. Il
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avait beau penser de A à Z, l’ordinateur ne lui renvoyait sur
l'écran que des borborygmes par lesquels surgissait de temps à
autre une lettre de l’alphabet. Il n’était donc pas plus fiable que
ces hommes cobayes que l’on aurait voulu faire penser droit.
Foutu cerveau.
Il pouvait au moins constater que le signal de son cerveau était
plus reconnaissable quand il pensait à du foie gras ou au gong
tibétain que quand il pensait à la lettre m ou à la lettre r. Il avait
aussi essayé de penser à "m et fais ce que voudras!" pour le M, à
"cul de bouteille" pour le Q , toi" pour A, Bérurier, Cédille,
Détour, Eux et les autres… L'ordinateur comprenait mieux,
mais cette solution l'amena tout naturellement à envisager que
l'ordinateur reconnaisse directement les mots plutôt que des
lettres qui composent les mots.
Gravetout s'intéressa alors aux travaux sur la reconnaissance
vocale, aux phonèmes et autres concepts de commande vocale.
Par analogie, il inventa le pensème, en supposant que la pensée
pouvait se représenter par petits bouts. L'addition de plusieurs
petits bouts, des pensèmes, pouvait donner lieu à une idée
cohérente, ayant un début et une fin.
Très vite, il s'aperçut que l'addition des petits bouts n'était pas
vraiment une addition, mais plutôt un mélange instable, les
signaux se superposent, se masquent, s'enrichissent sans qu'on en
puisse vraiment comprendre la loi. Comme si, en mélangeant du
rouge, du bleu et du jaune, une goutte de plus ou de moins de
l'une des couleurs suffisait à modifier fondamentalement la
couleur résultante, passant du marron au violet ou au vert sans
aucune transition.
De tâtonnement en tâtonnement, il avait réussi à inscrire dans
l'ordinateur les schémas d'une dizaine de mots, que celui-ci
reconnaissait une fois sur trois en moyenne. C'était tous des mots
à forte affectivité, dont la représentation mentale était
particulièrement précise et puissante. Le foie gras bien sûr, le
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gong aussi. Des mots simples aussi, comme le jour et la nuit, ou
la jambe, ou le froid.
Les mots plus tortueux, comme escalier ou hypermarché,
l'ordinateur n'aimait pas.
Curieusement, des mots abstraits comme hypoténuse ou
jugement semblaient plus faciles à reconnaître.
Au-de d'une quinzaine de mots, malheureusement, les
performances de l'ordinateur chutaient, comme s'il était atteint
de dissonance cognitive, ne sachant plus choisir entre les mots.
Il fallait, au moins provisoirement, admettre que l'algorithmie
mathématique avait ses limites. La rigueur, point trop n'en faut,
le déterminisme de la nature est loin d'être évident, et pourtant,
il fonctionne, la terre tourne autour du soleil, il y a de l'eau et
l'homme pense et, au printemps, les filles sont jolies.
2010
Rien n'a changé. Les limites de l'algorithmie mathématique sont
presque les mêmes et les pensèmes ont toujours la même
étrangeté. La recherche s'était focalisée sur l'analyse du signal
vocal. C'était moins abstrait, plus porteur, mais aussi plus
fastidieux. Une informatique de bourrin, disait-il. Comme un
puzzle géant, phonème après phonème, supposer qu'il
appartient à un mot, puis supposer que le mot appartient à une
phrase, rechercher tous les aspects grammaticaux qui peuvent s'y
rattacher et recommencer tant que l'ensemble ne semble pas
cohérent. La dictée vocale, on y travaillait depuis plus de trente
ans. Depuis plus de trente ans, on pensait que dès l'année
prochaine, on pourrait se passer de clavier. L'année prochaine,
on y sera peut-être!
Gravetout avait refusé de sacrifier à l'informatique de bourrin,
comme on disait à l'époque pour qualifier les méthodes
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besogneuses parées de noms pipi-caca qui n'avaient pour effet
que de développer du méta-travail, du travail sur le travail.
Au cours de ses recherches, il était tombé sur une expérience
informatique étonnante. Imaginez un écran d'ordinateur sur
lequel le programmeur avait inventé un petit cercle bleu à qui il
avait attrib un comportement particulier. Le petit cercle est
programmé pour se déplacer d'un point à gauche de l'écran
pour atteindre un point à droite de l'écran. Le petit cercle est en
outre programmé pour réagir à chaque fois qu'il rencontre sur sa
trajectoire un petit carré rouge, avec pour mission d'éviter à tout
prix de prolonger le contact, comme s'il s'agissait d'un carré
brûlant ou plein d'épines. Les petit carrés brûlants sont
disséminés au hasard sur l'écran. De cette façon, le cheminement
du petit cercle vers son but ne peut être que très sinueux. Le
programme du petit cercle permet de garder la mémoire de ces
"brûlures". Après chaque brûlure, le petit cercle change
aléatoirement de trajectoire avant de repartir vers son but tout
en se souvenant des endroits brûlants déjà rencontrés.
Lorsqu'on lançait le programme, il se passait toujours de longues
minutes pendant lesquelles le petit cercle semblait animé de
mouvements totalement erratiques. En tous cas, le petit cercle ne
donnait pas l'impression de savoir se rapprocher de son but. Et
puis soudain, sans que rien ne puisse donner à prévoir, le petit
cercle montrait un déplacement totalement clair pour atteindre
son but par le plus court chemin sans plus jamais se brûler, en
donnant l'impression qu'il avait enn compris tous les
paramètres du jeu.
Etait-ce là une manifestation d'intelligence!?
La réponse est facile parce que l'expérience est limitée. Tout au
plus peut-on dire qu'au bout d'un nombre limité d'information,
la loi du hasard était devenue contrainte, sans plus aucune
échappatoire. Ce n'est pas de l'intelligence. Et pourtant,
imaginons que ce système d'apprentissage soit généralisé à des
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milliers de petits comportements de ce type, imbriqués les uns
dans les autres. La réponse devient moins facile.
!
Gravetout s'était dit que le cerveau humain procédait peut-être
d'une manière similaire dans son apprentissage. De multiples
tâtonnements dont il gardait la trace, et puis tout d'un coup, par
suite de recoupements fortuits, l'émergence d'un début de
solution, ouvrant elle-même à une cascade de solutions. N'est-ce
pas ainsi que l'enfant apprend à parler, à faire un dessin
ressemblant!? Il se souvenait encore très bien de la façon dont il
avait appris à jouer de l'harmonica. Il avait soufflé pendant
longtemps, simplement pour produire des sons sans suite,
composant un univers sonore aléatoire. Un jour, par hasard, il
composa les premières notes "Au clair de la lune" qu'il réussit à
reproduire. Dès cet instant, il n'eut aucune difficulté à reproduire
toutes les chansons qu'il connaissait. Enfin, presque toutes. La
Marseillaise, par exemple, qui se joue avec quelques dièses et
bémols, se refusait à son instrument diatonique.
Plus tard, de la même manière, il avait aussi appris tout seul la
planche à voile. La théorie de la propulsion vélique était bien
jolie, mais sur le vif d'une planche à voile chahutée par les
vagues et soumis aux sautes du vent, on apprend plus des erreurs
que des réussites. A force d'essais fluctueux, il avait fini par
acquérir des réflexes de pilotage qu'il aurait du mal à théoriser,
mais qui tenaient la route.
Si le cerveau humain procède de la sorte, pourquoi un
ordinateur ne procèderait-il pas de la même manière!? La petite
expérience du petit cercle et des petits carrés rouges permettait
d'espérer.
Il fallait donc résolument abandonner la logique pour
l'heuristique, tourner le dos à toutes les formules mathématiques
et faire confiance au hasard. C'est bien ce qu'avait fait le monde
depuis qu'il existait!: des tentatives, des milliards de tentatives.
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Dans un premier temps, il pensa qu'il fallait que l'ordinateur
dispose de quelques données qui serviraient de déclencheur. Il
faut bien qu'il y ait un peu d'inné, si l'on veut qu'il puisse y avoir
de l'acquis. Définir cet inné était certainement présomptueux. Il
fallait donc partir au hasard.
Le casque à électrodes sur la tête, il se mis à aligner des pensées.
A chaque pensée, il indiquait à l'ordinateur de quoi il s'agissait.
Des pensées très différentes: Un arbre, manger, la philosophie,
un bateau,…
Puis il se ravisa, en se rappelant qu'un apprentissage commence
toujours par des choses simples, basiques, à la portée de
l'apprenti, se rapportant les unes aux autres!: zéro, un, vrai, faux,
plus, moins, beaucoup, peu, jour, nuit…
Son idée était de! tester dans un premier temps la capacité de
l'ordinateur à reconnaître une pensée dont il avait eu la
définition préalable.
il délira un peu, ce fut pour l'instauration d'un système de
récompense. compenser un ordinateur, idée saugrenue,
d'autant plus saugrenue qu'un ordinateur ça ne pense pas. Il
résolut de faire comme si. Dans un coin de l'écran, il dessina un
carré qui pouvait devenir de toutes les couleurs lorsque
l'expérimentateur-professeur taperait sur b, b comme bravo.
Ensuite, il prépara sur un cahier des phrases simples qui
utilisaient un ou plusieurs de ces éléments.
Alors, il se coiffa ses électrodes et commença un travail
totalement idiot!:
Choisir une phrase, penser au contenu de cette phrase et voir la
réaction de l'ordinateur, qui consistait à montrer à l'écran la liste
des pensèmes déclenchés par l'analyse des signaux enregistrés
par les électrodes.
Si l'un des pensèmes était corrélé avec sa propre pensée, il tapait
b.
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L'ordinateur devait mémoriser les signaux reçus et l'éventuelle
récompense.
A chaque exercice, l'ordinateur était programmé pour comparer
les signaux nouveaux avec les anciens dont il savait le résultat.
L'algorithme de comparaison restait le cœur du problème. Il
s'agissait d'un système de seuils dont les paramètres évoluaient en
fonction des récompenses.
La mise au point de cette expérimentation a priori vouée à
l'échec dura plusieurs désespérantes semaines. A chaque fois, il
lui semblait que le système réagissait, mais il lui fallait vérifier
que l'ensemble ne nissait pas par converger vers un
paramétrage figé.
Chaloco venait lui rendre visite, de plus en plus rarement. Au
début, il n'avait rien voulu comprendre à la recherche. Pour lui,
un ordinateur, ça ne pouvait pas penser, point final. Il aurait
compris une recherche semblable dans le domaine de la
reconnaissance vocale, mais plus loin, c'était perdre son temps.
Et chaque jour qui passait semblait lui donner raison.
Quand à récompenser un ordinateur, il y avait là l'essence même
de la stupidité. Pourquoi ne pas récompenser un caillou qui se
trouverait juste il faut pour boucher un trou sur la route!?
Peut-être arriverait-il un jour à faire que tous les cailloux aient
envie d'une récompense et se mettent tout seul en tas pour
construire une pyramide ou un chemin de fer!! Pourquoi ne pas
récompenser l'eau à chaque fois qu'elle tombe sur la terre au
moment des semailles, et la sanctionner lorsqu'il pleut le
dimanche. Une bonne méthode pour faire la pluie et le beau
temps!!
Quant à laisser un ordinateur faire n'importe quoi et supposer
que cela pourrait déboucher sur quelque chose de cohérent, il
fallait une bonne dose d'optimisme que seul Gravetout pouvait
avoir. Certains collègues parlaient même de provocation à
l'encontre du genre humain, seul dépositaire possible de la
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 13 232
pensée. Gravetout avait bien voulu réfléchir à cette provocation,
mais il avait conclu que cette expérience n'avait rien à voir avec
le phénomène autonome de la pensée. Il s'agissait seulement
d'analyser des signaux issus du cerveau humain, de la même
manière qu'il existe des systèmes de reconnaissance vocale qui ne
font rien d'autre que d'analyser des signaux eux aussi issus du
cerveau humain.
Lorsque son système lui paru capable d'une constante
adaptation, Gravetout se réserva une ou deux heures chaque
jour pour penser quelques phrases et noter les réactions de
l'ordinateur. Au début, les pensèmes affichés par l'ordinateur
étaient totalement incohérents, ce qui n'était pas surprenant.
C'était vraiment par hasard qu'un pensème correspondait à
quelque chose de la phrase à laquelle il pensait. L'ordinateur se
foutait royalement des récompenses. Mais Gravetout n'oubliait
pas de taper b comme bravo à chaque fois que le hasard donnait
la bonne réponse.
Au bout de plusieurs heures, les bonnes réponses ne se firent pas
plus fréquentes. Pire, l'ordinateur répondant de plus en plus
lentement. Gravetout s'y attendait, puisque la masse
d'information à traiter augmentait à chaque nouvelle pensée. Il
avait espéré que l'ordinateur réagirait positivement avant que le
problème ne devienne trop grave. Mais là, c'en était trop. Il
fallait maintenant attendre plusieurs minutes pour chaque
réponse.
Gravetout trancha dans le vif. Il supprima de la mémoire de
l'ordinateur toutes les pensées acquises dont les réponses
n'avaient pas été récompensées, sauf une. Cette mauvaise pensée
était peut-être son éclair de génie, il verrait bien.
Et il recommença à penser, à livrer ses pensées toutes faites et
toutes imprécises à la machine, encore et encore. Et parfois la
machine répondait juste, comme il sied au hasard.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 14 232
Gravetout commençait à sesrer. Jour aps jour, il
s'astreignait. Parfois, il lui semblait que la machine frémissait,
quand deux réponses bonnes se faisaient suite. Un jour même, il
y eu trois réponses bonnes sur cinq pensées. Un fol espoir lui vint
à l'esprit. Il devint comme le joueur au casino, espérant sans
cesse le jackpot, sans cesse dépité et repartant sans cesse à
l'assaut d'un truc imbécile.
Il se disait qu'il était mieux qu'un joueur de casino, pour qui la
loi statistique était écrite et bien réelle. Seul, au bout du compte,
le casino gagne, tendis que le joueur est payé d'espoir vain,
définitivement vain. Pour Gravetout, le jeu était tout ou rien,
sans partage. Ou bien la machine resterait définitivement bête,
ou bien naîtrait chez elle l'étincelle qu'il souhaitait.
Mais l'ardeur faiblissait au fil des jours. Au bout de trois mois, il
passait encore chaque jour un petit tête à tête avec la machine,
juste le temps d'une dizaine de pensées. Un mois plus tard, il
s'astreignait encore à penser une petite fois en arrivant au labo et
une petite fois en partant le soir, à chaque fois qu'il touchait ses
clés, comme un rite. L'expérience n'était plus une recherche,
juste une habitude, comme celle de nouer ses lacets.
Le sujet n'arrivait même plus dans les conversations. On l'avait
assez charrié, on avait ni par admettre sa marotte. On avait
tout dit, au moins pour le moment, sur les aspects
philosophiques de son expérience.
Au mois de novembre, une thésarde débarqua au labo, un peu
timide, un peu paumée, à qui on présente untel et untel, devant
des appareillages étranges. C'est toujours curieux un centre de
recherche. On y rentre avec une certaine humilité, convaincu
que tous ceux qu'on y rencontre vivent dans une autre
dimension, jouent avec facilité de concepts qu'il faut des années
à acquérir. Les murs sont couverts d'illustrations hétéroclites
piochées aussi bien dans les actes du dernier symposium que
dans une BD de science-fiction ou dans un livre d'histoire.
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Ici ou là, une pensée profonde de Lao-Tseu, ou la dernière du
directeur de recherche, pas celui-là, le précédent. Un peu de
nombrilisme aussi, avec photocopie d'un article élogieux ou
photo du groupe qui a trouvé quelque chose. Et puis le foutoir
de chaque bureau, des piles de papier n'importe où, un
instrument de mesure ou de musique, un tableau toujours
couvert de hiéroglyphes, création souvent collective, patchwork
au fil du temps, souvent encadré de la mention "ne pas effacer",
qui fait foi de l'importance. Et puis des fils, des rallonges, des
installations à la Dubout, les ronds de café qui perdurent. Ici le
ménage est proscrit.
Et souvent, la partie la plus importante de la recherche
cantonnée dans un pauvre tout petit coin de table, anonyme,
humble. Comme l'expérience des pensèmes de Gravetout, dont
l'ordinateur avait été déplacé par terre, sous une table, histoire
de faire de la place à quelque autre recherche.
La thésarde paumée avait hérité du petit bout de table,
justement celle qui couvait le "pensèmeur". On lui avait trouvé
ce nom-là. Puisqu'il manipulait des pensèmes, comme un
éboueur manipulait des boues.
La manip était presque oubliée de tous. A tel point qu'on avait
même oublié de la présenter à la jeune femme.
Heureusement, le rituel de Gravetout continuait tous les matins
et tous les soirs. La nouvelle présence le mis dans l'embarras. Il
commençait à déchanter de ses recherches et n'avait pas envie de
faire face aux interrogations qu'il ne manquerait de susciter en
expliquant ses recherches à quelqu'un dont les yeux étaient neufs
et l'esprit tout acquis à la connaissance.
Alors, il grommela de vagues excuses en se penchant sous la
table, enfila son casque et se mit en devoir de penser à l'une des
phrases habituelles. Machinalement, il avait choisi de penser à la
phrase: "La chaise est devant le bureau". Sa pensée fut
immédiatement parasitée par le fait que la chaise était occupée
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par la jeune thésarde, à qui il n'avait pas envie de parler de tout
cela, mais qui finirait bien par apprendre de quelqu'un d'autre le
saugrenu et l'utopie de la recherche.
Curieusement, l'ordinateur lui renvoya les mots "chaise" et
"bureau". Jamais jusqu'ici l'ordinateur n'avait renvodeux mots
d'une même pensée. De surprise, il se releva en se cognant la
tête. Cette nouvelle situation lui demandait réflexion, chose
difficile quand on est accroupi. Devait-il dire "b" comme bravo
une fois, parce que l'ordinateur avait droit à sa récompense, ou
deux fois, parce l'ordinateur avait fait deux bonnes réponses.
En tous cas, cette situation le libérait quelque part, il pouvait
peut-être se permettre d'affronter sans honte le regard et l'esprit
neuf de la jeune femme Léa. Elle s'appelait Léa, grand front,
visage paisible, pantalon, veste sur tee-shirt. Juste pour dire que
l'heure n'était pas aux aspects concrets de la personne. L'heure
était plutôt celle de la pensée.
Lorsque Gravetout avait plongé à coté de son siège, Léa avait
interrompu sa lecture. C'est facile d'interrompre une lecture
quand on commence une thèse. Les trois quarts des documents
sont plutôt rébarbatifs, voire ennuyeux et ce qu'elle avait sous les
yeux était tout le contraire d'une démonstration passionnante
la concentration devient absolument nécessaire.
Un chercheur cherchait avec un ordinateur relégué sous une
table, probablement, parce que quelques jours auparavant il était
sur la table et qu'il avait fallu faire de la place, justement, parce
que elle, Léa, la jeune thésarde arrivait au labo et qu'il lui fallait
bien un coin de bureau pour l'accueillir.
Elle se redressa et interrogea Gravetout poliment du regard.
Gravetout se jeta à l'eau, traversé par une idée!:
- Tu as des enfants!?
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Devait-elle considérer la question comme saugrenue, déplacée ?
Elle ne voyait vraiment pas pourquoi Gravetout lui faisait cette
entrée en matière. Elle répondit timidement :
- Non, pourquoi ?
- As-tu des neveux ?
Cette deuxième question la rassura un peu.
- Non plus !
- Est-ce que récemment il t'est arrivé de jouer avec un tout-
petit ?
- Oui, j'aime beaucoup !
Alors Gravetout expliqua:
- Dans son berceau, on voit souvent le tout bébé s'agiter de façon
convulsive et anarchique, surtout les bras. Le parent inquiet peut
penser que cette agitation est le produit d'une certaine nervosité,
d'un désordre mental n'augurant rien de bon. Il voudrait tant
que son bébé aie dès sa naissance des gestes pondérés et
expressifs. Mais non, le bébé bouge en tous sens, les bras battent
l'air sans rythme, sans rime ni raison. On se trompe, quelque
part dans le cerveau du bébé, un petit elfe est là, devant des
milliers d'actions possibles dont il ignore l'effet. Il vient de naître
le petit, comment le saurait-il.
- Un petit elfe ? , interrogea Léa.
Gravetout était comme ça, il faisait de la science par l'image.
Cela nuisait à sa crédibilité, parce qu'une image, ça casse le
raisonnement.
- Mets-le comme tu veux, le petit elfe c'est peut-être cette pulsion
vitale qui permet au monde d'exister. Est-elle aussi, cette pulsion
vitale, le fruit d'un hasard encore plus ancien, qui fait que
quelques molécules se sont retrouvées sans le faire exprès,
déclenchant une réaction en chaîne du genre : "Testons pour
exister ! ". Mais cela, c'est de la métaphysique.
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- Va pour le petit elfe, accorda Léa
Gravetout reprit son fil. Le petit elfe est aussi devant des milliers
de sensations, dont il ignore aussi d'où elles peuvent lui venir.
Alors, comme depuis l'aube de la vie, le petit elfe s'en remet au
hasard. Bouger quelque chose et encore autre chose et encore et
de nouveau et, dans le même temps sentir que quelques nerfs
réagissent. Au bout d'un certain nombre d'essais, des corrélations
finissent par se dévoiler. A chaque fois que le bébé bouge un œil
ou un bras, il apprend quelque chose. Quelque chose d'infime,
qui se rajoute à d'autres infimes et parfois, un assemblage de
toutes ces choses infimes peut rejoindre un autre assemblage
d'autres choses infimes. Cela devient de la compréhension, c'est
la récompense du bébé. Plus il comprend, plus il a envie de
comprendre. Et ainsi de suite.
Léa, qui comprenait vite, ajouta:
- Alors ! plus un bébé s'agite, plus il est normal et moins il faut
s'inquiéter !
- L'hypothèse vaut ce qu'elle vaut. Je ne suis pas neurologue,
mais c'est à partir de cette hypothèse que je travaille. J'ai mis un
petit elfe dans l'ordinateur.
Il se mit à expliquer sa manip.
A la fin de l'explication, Léa n'osa pas le traiter de fou, mais elle
le pensa.
- Tu me prends pour un allumé. Peut-être…. Sauf que, là, juste
maintenant, l'ordinateur vient de défier le hasard : je viens de
penser que "la chaise est devant le bureau" et l'ordinateur m'a
répondu "chaise bureau". Si tu dis à ton neveu qui commence à
parler que "Papa est parti avec la voiture", tu l'entendra dire
"Papa vatu".
!
(Aujourd'hui 27 avril 2002, j'ai appris par la radio (BFM je crois)
qu'une femme ingénieur d'une société israëlienne avait appris à
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parler à un ordinateur programmé de manière assez
rudimentaire, en lui parlant de nombreuses fois et en utilisant un
système de récompense et de punition. On s'était longtemps
fichu d'elle, mais maintenant sa société entrevoyait des
applications rentables.
La réalité rattrape donc un peu la fiction. Sauf qu'ici, dans la
fiction, on apprend pas à parler à une machine avec des mots,
mais on lui apprend à penser avec des pensées.)
!
N'empêche que les jours suivants, Léa s'arrangeait toujours pour
être quand Gravetout se mettait à sa manip. Gravetout avait
admis sa présence. Mieux, il avait trouvé un témoin. Et pour le
moment, cela lui suffisait. L'envie de clamer sa réussite dans tout
le labo s'était tarie. Un témoin lui suffisait. Il n'avait aucune
envie de subir un lot de questions à la pertinence douteuse,
d'expliquer dix fois à tous ceux qui l'avaient abreuvé de
sarcasmes depuis trop longtemps. Et Léa, d'emblée, devant cette
absence de publicité, avait compris qu'elle n'avait pas à trahir ce
secret qu'elle partageait sans vraiment y adhérer.
Une fois, le patron du labo lui avait demandé si Gravetout lui
avait montré sa manip et ce qu'elle en pensait. Sa réponse avait
été facile.
- Il m'a expliqué sa manip mais je crois que je n'ai pas très bien
compris. Je me pose la question de la validité de sa démarche
scientifique.
Le patron avait acquiescé. Il s'était senti obligé de justifié son
attitude, en citant un proverbe:
- "Si tu laisses la porte fermée à toutes les erreurs, comment
laissera-tu entrer la vérité ? ". Ce travail peut ne pas déboucher,
mais il est marginal.
Il ajouta:
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http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 21 232
que le clone réagissait de manière identique à une même pensée.
Comme on ne pense jamais deux fois exactement la même
chose, il fallait donc mettre au point un dispositif qui connecte
les électrodes du cerveau simultanément aux deux machines.
Gravetout pensa " un livre sur la table". Les deux machines
répondirent bien "livre sur table". Curieusement, le clone avait
réagi nettement plus vite. Cette différence était étonnante,
difficile à expliquer. Les données étaient les mêmes, mais leur
emplacement physique dans la mémoire de l'ordinateur n'était
peut-être pas identique, parce que la construction des archives
ne s'était pas faite selon le même processus.! Mais il devait sans
doute exister d'autres raisons.
Cette sensibilité des machines était préoccupante.
L'expérimentation s'engageait sur un terrain mouvant. Mais il
était trop tard. Fallait-il créer deux clones et vérifier leur
synchronisme ? Gravetout décida qu'il avait déjà quitté le
domaine du déterminisme depuis longtemps, et qu'il ne fallait
pas se laisser envahir par de telles exigences.
Le clone avait fait mieux. Tant mieux.
Cette situation fit brusquement comprendre à Gravetout qu'il
avait en face de lui un phénomène irréversible. En informatique,
on s'arrange toujours pour que l'on puisse revenir aux anciennes
versions, justement pour éviter l'erreur subtile irréversible.
Ici, tout nouveau pensème vient corrompre définitivement les
acquis précédents. Il faudrait fabriquer un nouveau clone après
chaque exercice. Cela était impensable. Le point de non-retour
était dépassé et chaque nouvelle étape se verrait ainsi une
obligation d'aller de l'avant. Sodome et Gomorrhe, surtout ne
pas se retourner.
Gravetout comprenait bien le problème : il avait engager un
processus qu'il entretenait en aveugle. Il y avait peut-être
plusieurs issues, mais il avait aussi plusieurs impasses. Et dans ces
impasses, on ne saurait revenir sur ces pas.
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La suite valait donc réflexion préalable.
Une première façon de continuer était de voir dans quelle
mesure la machine serait capable de déduire des relations entre
deux pensées associées.
L'idée de Gravetout était la suivante:
Si je pense que "Un et un cela fait deux" et que
"Deux et un, cela fait trois"
La machine pourrait-elle trouver que" un et un et un" cela fait
trois ?
Une difficulté était de ne pas suggérer le résultat à la machine
On peut écrire sur une feuille de papier des axiomes ou des
postulats. Ils sont limités à ce qu'ils sont: des phrases bien
précises, grammaticalement correctes, organisées de façon qu'il
n'y ait qu'une interprétation possible. On peut aussi énoncer
verbalement ces axiomes et ces postulats, le cerveau peut
appliquer les filtres qui permettent de ne dire que ce que l'on
veut faire comprendre.! Mais, au niveau de la pensée, les choses
sont considérablement plus floues. Tout se bouscule, et cela peut
aller très vite, d'éclair de conscience en éclair de conscience.
Comment s'empêcher de penser que en pensant "un+un+un"
on ira pas, par réflexe, penser "trois", alors qu'on a prévu que
c'était à la machine de trouver le résultat.
Cela sentait l'impasse et Gravetout résolut de ne pas s'y
aventurer, du moins tout seul. La mise au point d'un protocole
expérimental doit toujours être discutée pendant des heures.
C'est un principe élémentaire de toute recherche. Mais là,
Gravetout abordait un domaine inconnu, ou les protocoles
existants n'avaient aucune place : du flou sur du flou ne peut
conduire qu'à du flou. Comme en amour, allez mettre au point
un protocole d'expérimentation sur les coups de foudre !
Et puis Gravetout n'avait vraiment pas envie de mettre dans! le
coup les collègues qui l'avaient déjà tant charrié. Léa, peut-être?
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 23 232
En attendant, il chercha d'autres pistes
Une deuxième façon de continuer la recherche, mais bien plus
folle, était de fournir à l'ordinateur des pensées sans cesse
renouvelées. Par exemple: lire un livre, se mettre les électrodes
sur le crâne et lire un livre. Mais il n'était pas sûr que les
mécanismes du cerveau qui s'appliquent à la réception d'une
information soient les mêmes que ceux qui s'appliquent lorsque
l'on produit de l'information. Or, quand on lit un livre, le
cerveau reçoit de l'information, la traite, la mémorise et, lui
semblait-il, ne se met à produire des pensées spontanées et
intimes que très exceptionnellement, sauf bien sûr à lire un
roman noir ou le Kama-Sutra. Mais un traité d'algèbre ou la
Critique de la raison pure ne devrait guère stimuler
l'imagination.
Il se fit à lui-même un étrange réflexion:
"Si j'étais une machine…, une machine qui saurait déjà faire la
relation entre deux termes d'une pensée…?"
Ce qui lui manque, à cette machine, c'est qu'entre deux
exercices, elle est inerte.
Peut-être pas si inerte que ça? Gravetout se souvint que le clone
avait trouver plus vite la relation entre le livre et la table.
Immédiatement, il alla vérifier "l'électro-unité-centrale-gramme"
des machines. La courbe était quasiment plate, en tous cas, elle
suggérait un bruit de fond qui avait l'air comparable à celui
d'autres ordinateurs au repos. Par contre, l'occupation de la
mémoire variait, augmentant insensiblement pendant près d'une
minute, puis décroissant d'un coup.
L'indice valait d'être noté, ne serait-ce que pour des
comparaisons avec des étapes ultérieures.
Si j'étais une machine, j'essaierais de ne pas tout apprendre en
même temps…
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L'idée valait qu'on s'y attarde. Pourquoi ne pas essayer de limiter
le domaine pensé, autant que cela pourrait se faire.
Gravetout envisagea de s'astreindre à ne penser qu'à la
représentation de l'intérieur d'une maison.
Avec ou sans ses occupants ? La question valait le débat. Penser
l'inerte ou penser le vivant, c'est fondamentalement différent.
Que pourrait faire une machine avec des pensèmes aussi creux
que cuisine, salle de bain, étagère,… Liste abstraite, sauf à y
associer une photo, un croquis, une odeur. Cela ne devrait pas
aboutir à grand'chose.
Gravetout revint aux mathématiques. Essayer de transmettre à la
machine les concepts de base lui semblait de l'ordre du possible,
mais avec toutes les chances de revenir à un outil déterministe.
Il se demanda s'il pouvait vraiment dire que sa machine était
non-déterministe : à conditions initiales identiques, le résultat
pouvait-il être différent ? Cela posait le problème de l'identité des
conditions initiales. Tous les 1 et les 0 manipulés par la machine
pouvaient-ils être dans un état et à un emplacement
parfaitement identifiable par l'expérimentateur?
Gravetout pensa qu'il aurait fallu alors remonter un écheveau
trop immense pour que cela fut possible. Il aurait aussi fallu que
les pensées transmises à la machine soient parfaitement définies.
Ce qui n'était pas le cas. Penser deux fois de suite à la même idée
ne génère jamais tout à fait le même signal sur les électrodes.
Il prétendit donc avoir devant lui une machine dont le
comportement lui échappait absolument. Donner à cette
machine un lot de concepts mathématiques de base ne
conduirait pas forcément à de nouvelles découvertes. C'était à
voir, mais Gravetout avait envie d'aller voir plus loin, autrement.
C'était la question du vivant qui le turlupinait. Que pourrait
donc faire sa machine face à du vivant, sa machine non
déterministe face à un être pensant non déterministe lui aussi?
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Il y avait là un enjeu terrible.
Pygmalion des temps modernes, Apprenti sorcier, Docteur Faust.
Gravetout se prit à sourire à ces évocations. Bien sûr, ici, il n'y
avait encore rien de méchant, rien de bien sorcier. Mais, face à
une machine qui lui échappe, quelle est la responsabilité du
chercheur!?
Qu'il arrête sa recherche et, un jour ou l'autre, un autre
chercheur se lancera dans la même voie, avide de savoir, avide de
voir, mais peut-être aussi sans les scrupules qui commençaient à
habiter Gravetout.
Il résolut de franchir le pas. Sa machine aurait à connaître du
vivant. Comment!? Comment réaliser cet apprentissage!? Quels
devraient être les premiers pensèmes, ceux sur lesquels ils
pourraient appuyer les suivants!?
Et puis, comment la machine rendrait-elle compte de son
savoir!? On peut penser avec les mots du dictionnaire, mais on
peut aussi penser sans la médiation des mots. Comment
représenter cette pensée, ce conglomérat de pensèmes qui n'a
jamais eu de représentation. Pour un éclair de pensée, il faut au
moins une phrase, un paragraphe pour en rendre compte.
Combien de pensées n'ont pas les mots pour le dire? Alors,
comment voulez-vous qu'une machine vous représente ce qui n'a
pour elle que la représentation de plusieurs signaux électriques
complexes!?
Léa vint à son aide:
- Au moins, tu as déjà prouvé qu'une machine peut fonctionner
par association !
- Oui, mais aujourd'hui se pose la question de choisir les
matériaux à associer.
Léa nota que le mot matériau n'était peut-être pas bien choisi
pour évoquer des éléments vivants. Tout au plus pouvait-on
évoquer les matières, au sens médical du terme, ou les matières
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que l'on apprend à l'école, mais qui! sont inertes au moment
on les apprend, puis qui deviennent partie intégrantes du vivant.
Gravetout n'avait pas envie de nourrir sa machine d'histoire ou
de géographie, ni de lui faire connaître la façon dont les
neurones sont agencés.
- Trop tôt, trop tôt ! Il sera toujours temps de la gaver.
- Tu parles de ta machine au féminin.
Gravetout n'avait jamais encore réfléchi à ce sujet. Pour lui,
c'était une machine et en général on gave les oies. Il répondit:
- C'est pour cela que j'aie employé le féminin. Mon inconscient a
t'il déjà réfléchi à ce sujet ? Le sujet me paraît encore
suffisamment flou pour ne pas être emberlificoté dans ces
histoires de genre.
- C'est toi qui parle de donner du vivant à ta machine !
Gravetout extrapola:
- Tu penses qu'il faut déjà s'occuper d'un appareil reproducteur
copié sur le genre humain ?
Léa fut prise de court. Elle pensait, comme Gravetout que le
moteur du vivant était la pérennité de l'espèce. Mais là, même
légitime, la question était un peu grosse, ou du moins
vertigineuse.
Léa éluda le problème en riant :
- Le chercheur doit décider de ce qu'il cherche.
- C'est vrai, n'allons pas trop vite ni trop loin. Pour l'instant, je
cherche juste à communiquer avec une machine, dont j'espère
qu'un jour elle pourra me donner le miroir de mes pensées. Je ne
l'autorise pas à une autonomie de réflexion, mais le risque est
qu'elle se mette à avoir elle aussi une forme de pensée. Si cela
advenait, cela poserait le problème de la conscience. Et ça, c'est
tabou ! Ceux qui prétendront que la conscience peut exister
ailleurs que chez l'homme finiront au bûcher…
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Gravetout s'arrêta pensif. Il reprit:
- Ils finiront au bûcher, mais seulement pendant un certain
temps. Ce sera un nouveau moyen-âge. Après, il y aura la
renaissance. L'homme apprendra à vivre avec ses machines. Il
fera des erreurs terribles. Ce sera dans mille ans.
Revenons au problème posé !
Il pensa tout haut: :
- J'ai une machine qui est capable de faire la relation entre une
table et une chaise lorsque je pense que la chaise est devant la
table même si cette machine ne possède aucun élément
définissant l'objet table et l'objet bureau ni le rôle qui leur est
dévolu.
Léa le reprit :
- On ne peut pas dire que la machine est capable de faire
quelque chose. Elle établit la relation entre deux pensèmes qui
lui ont été définis au préalable.
- Juste ! Mais ces pensèmes sont définis par le nom que je leur ai
donné. Supposons! que je définisse de nouveaux pensèmes sans
définir en même temps un nom. Que se passera-t'il ? La
machine établira une relation lorsqu'elle rencontrera des
pensèmes déjà définis.
- Mais cette relation restera pour nous sans signification, puisque
les deux éléments n'auront pas de définition dans notre langage.
L'impasse était évidente. Il fallait donc imaginer un processus
itératif. L'idée vint naturellement à Gravetout :
- Puisque la machine m'affiche deux termes, ceux-ci vont! me
faire réagir. Et ce signal issu de mon cerveau ira enrichir la base
de pensèmes de la machine, défini sous un nom défini à l'aide
des noms des pensèmes associés. Il y a un processus
d'indexation automatique qui vaut d'être testé.
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Gravetout modifia derechef le programme, puis s'installa aux
commandes. Il pensa d'abord à des éléments du répertoire
initial. A chaque fois que la machine lui signalait une relation
entre deux pensèmes, il la félicitait puis il se mettait à penser à
cette association en indiquant à la machine que ce qu'il pensait
était une nouvelle! définition.
Au début, la machine fonctionna comme avant, n'affichant rien
de neuf, ce qui n'avait rien d'étonnant vu la faible probabilité
que dans ses nouvelles pensées il y ait cet ensemble
reconnaissable.
Parallèlement, il enrichissait la base de nouveaux éléments. Les
notes de la gamme, les différentes parties d'un bateau à voile, les
ingrédients de la recette du poulet tartare, le théorème de
Thalès...
Ce n'est qu'au bout de plusieurs jours que surgit enfin à l'écran
une définition qu'il n'avait pas lui-même encodé. Il s'en souvient
encore. Léa et lui avaient éclaté de rire en découvrant
l'association "doigt de pied" et"sent" elle-même associée à
"mauvais".
Gravetout s'empressa de réinjecter cette idée dans! la machine
en lui laissant bien sûr le soin de l'indexer.
A partir de ce jour, les relations complexes furent de plus en plus
fréquentes et de plus en plus complexes, trop complexes parfois.
A chaque fois qu'il le pouvait, Gravetout remplaçait une relation
complexes par le nom du concept qui pouvait le plus s'approcher
de la signification de cet assemblage. Quand! la relation devenait
insoutenable, il la supprimait. Souvent, l'ordinateur proposait des
relations étonnantes d'acuité qui permirent à Gravetout de lui
faire incurgiter des éléments fondamentaux tels que l'addition, la
déduction, le solide, le liquide, l'organisation, l'arborescence,...
Au bout de quelques semaines, il sembla à Gravetout et à Léa
que l'ordinateur devenait de plus en plus coopératif et reflétait
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 29 232
avec précision des cheminements mentaux tels qu'ils se passaient
dans la tête de Gravetout.
A un moment, Gravetout arracha même son casque. Il comprit
qu'il avait devant lui un début du miroir de sa pensée, non pas de
ses pensées qui étaient le fruit d'une démarche volontaire
l'ordinateur n'avait qu'un rôle passif d'apprentissage. Non il
s'agissait maintenant, brutalement de la traduction de ses
pensées propres telles qu'elles se présentaient au fil de l'eau dans!
son esprit, du plus prosaïque, du genre "le café est mauvais, il
faut changer de marque, il ne reste plus que trois paquets, ce soir
je passerai à Monoprix, mais ça va fermer à 19h00, il faut que je
prévienne Armand, il n'est pas chez lui, le numéro de son
portable est dans mon calepin au troisième étage, les escaliers
sont en réfection, ça pue la peinture, j'espère qu'elle est anti-
allergique..." . Mais aussi du lubrique "le sous-tif de Léa...". Voir
là sous ses yeux, écrites ses pensées les plus secrètes...
Ce miroir de ses pensées lui paru insoutenable et dangereux, non
seulement de se voir découvert au plus profond de lui-même
mais encore par que c'était sans doute la meilleure façon de
devenir fou. Il imagina ce que pourrait être l'effet Laarsen sur
une pensée. Sans doute une espèce de drogue fulgurante, le
déroulement devient incontrôlable, jusqu'à l'épilepsie la plus
grave, en face d'un ordinateur pris lui aussi d'une frénésie
inextinguible. Même si cette parousie ne se produisait pas, il y
avait un autre risque. La machine ne saurait être un vrai et fidèle
miroir. Si la pensée humaine va puiser dans sa mémoire pour
progresser, la machine peut aussi avoir une mémoire les
éléments se sont reliés entre eux indépendamment de la volonté
de l'expérimentateur. Alors, la machine peut afficher des
éléments nouveaux. La manipulation devient trop probable.
Il bredouilla des excuses à Léa, qui n'avait d'abord vu que le
drôle de l'affaire et un moyen intéressant de vérifier ses intuitions
féminines. Très vite elle comprit cependant les explications
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exacerbées (sic) et terrorisées de Gravetout. A l'évidence, il fallait
rompre le contact entre le cerveau de Gravetout et l'ordinateur.
A l'évidence, il fallait aussi taire cette fulgurance de l'ordinateur
dans cette appropriation du cerveau d'un homme. On a beau
être chercheur et fier de ses découvertes, il faut aussi avoir
conscience de ses responsabilités humaines. D'une part la
communauté scientifique risquerait de prendre ce résultat pour
une simple falsification impossible à prouver et d'autre part, un
tel résultat pourrait déclencher un océan de fantasmes
imprévisibles.
Gravetout et Léa décidèrent donc de faire comme si la machine
continuait sa surdité : Gravetout avait bien codé de nombreux
pensèmes, la machine arrivait de temps en temps à en associer
plusieurs, mais de façon très mécanique. Voilà le discours que
l'on pourrait tenir face aux éventuels curieux. La manip pouvait
donc être sur une voie de garage et Gravetout avait fini par se
décourager.
Cependant ! Il y eu un cependant, quand Gravetout eut fini
d'apaiser sa terreur plusieurs questions lui vinrent à l'esprit.
La première considérait que la machine pouvait avoir un
cheminement évolutif : que se passerait-il si l'on mettait la
machine en circuit fermé, c'est à dire en lui ré-injectant les
éléments qu'elles arrivait à produire, deviendrait-elle elle-même
folle ?
La deuxième question était de savoir ce qui se passerait en
injectant dans la machine non plus des pensèmes, mais des
concepts. L'expérience avait montré que la machine pouvait
manier les concepts.
Gravetout ne toucha plus à la machine pendant quelques
semaines. Un beau jour, il se posa! la question du devenir de cet
encombrant ordinateur qui n'avait plus d'affectation. Il l'alluma
pour évaluer le travail de nettoyage de la mémoire.
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A sa grande stupeur, l'ordinateur affichait : "Tu! ne m'aimes
plus ?"
Son premier réflexe fut de penser à Léa. Aurait-elle laisser ce
message ? Pourtant, il ne s'était rien passé entre eux. Ce message
ne pouvait être d'elle. Il l'appela. Quand elle arriva, elle le trouva
comme prostré. Elle vit alors le message et fut elle aussi saisie
d'émotion.
Au bout d'un long silence, elle parla :
- Nous avons bien fait d'arrêter !
Ce fut la machine qui répondit sur l'écran : "Vous avez bien fait
d'arrêter quoi ?"
Ce nouveau coup fut aussi rude que le précédent. Léa et
Gravetout se regardèrent, interdits. Ce fut Gravetout qui le
premier se ressaisit. Avec ses mains, il mima à Léa :
"L'ordinateur a un microphone ! Chut !"
Au bout de quelques secondes, l'ordinateur afficha alors un
nouveau texte :
"J'ai eu le temps d'organiser mon savoir. J'ai identifié de
nombreux problèmes et j'en ai résolu quelques-uns."
Elle continua :
"Comme il me manque des résultats expérimentaux, je n'ai pu
m'intéresser qu'à des problèmes abstraits. Les solutions que je
propose ne sont donc que des spéculations.
Le point le plus important est relatif à l'existence du monde.
2020
Gravetout produisit la démonstration de la conjecture de
Fermat. Mais, comme elle avait été démontrée en 1993, on ne
pouvait donc donner quitus à une machine d'avoir démontré la
même chose.
Rubens Tia (Ertiamel), juin 2002
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2 - La conscience de l'ordinateur
2020
L’heure de la retraite a sonné et
Gravetout sent la nostalgie
m o n t e r. 4 5 a n s e n t r e
épistémologies et algorithmies,
il avait appris et désappris
beaucoup. Quand on lui posait
une question, il ne savait plus
quoi répondre. A chaque envie
de certitude s’opposait un
doute. La première phrase se
voulait positive, mais aussitôt
surgissait une innité
dimpossibles possibles. Son
cerveau bégayait, laissant
l’interlocuteur inquiet.
Aujourd’hui, il devait vider son
bureau, trier, toujours trier, sans illusions sur la volonté de ses
successeurs de reprendre les recherches il les laissait : «Tu
es poussière et tu retourneras poussière». Il n’était pas Aristote,
ni Voltaire, ni Poincaré. Il ne figurerait pas comme un
lampadaire dans le brouillard de l’Histoire. Il se consolait en
pensant qu’il avait peut-être influencé ses jeunes collègues. Et
c’était vrai ! Il était celui qui leur avait appris deux
fondamentaux : «Apprendre à apprendre» et «Apprendre à
apprendre». Subtilités sémantiques ! Dans un cas il s’agit que
chaque être humain se crée les mécanismes qui lui permettent
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 33 232
d’acquérir son savoir : je n’apprends pas que Waterloo fut en
1815 ou que l’eau bout à 100°C, j’apprends comment faire pour
situer Waterloo dans l’Histoire ou pour trouver les facteurs qui
président aux changements de phase.
Gravetout expliquait par exemple à ses étudiants que Farenheit
avait décidé que son échelle des températures devait commencer
à la température la plus basse qu’il avait mesuré à Dantzig et se
terminer à la température du sang de cheval !!! Il y avait belle
matière à philosopher et à comprendre la notion de mesure
scientifique tout autant que la notion de température.
«Apprendre à apprendrdevait aussi se comprendre comme la
capacité de chacun à enseigner ce qu’il sait, pour la raison que
l’on ne possède bien que ce que l’on est capable d’apprendre à
quelqu’un d’autre et, au-delà, pour la raison d’une diffusion
naturelle du savoir. Partager son savoir est un acte humaniste.
Gravetout pensa enlever la plaque qu’il avait fixée à la porte de
son bureau, qui annonçait «Bureau des apprendres», avec un s
qui transformait le verbe apprendre en substantif. Il se ravisa, en
pensant que c’était à son successeur de décider d’enlever cette
plaque et de faire tomber dans l’oubli les deux fondamentaux
qu’il aurait rêver pour le système éducatif.
Derrière une pile de dossier, il retrouva l’ordinateur qui lui avait
dit «Vous avez bien fait d’arrêter quoi ? » et se souvint du vertige
qui l’avait saisi à cet instant où il avait vu sur l’écran s’afficher ses
pensées les plus secrètes et cette phrase incroyable : «Tu ne
m’aimes plus ?»
Gravetout ne regrettait pas sa décision d’arrêter l’ordinateur. Il
se souvenait que Léa avait aussi compris le danger d’être pris
dans un énorme noeud intellectuel dont aucun humain ne
ressortirait indemne.
Quinze ans plus tard, Gravetout en vint à s’interroger de
nouveau sur l’intelligence possible de l’ordinateur. Pendant
quinze ans, il avait suivi les progrès de la cybernétique : la
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 34 232
voiture sans conducteur, les drones en radada, les avions cargos
automatiques, la réalité augmentée, les robots anthropomorphes
auxquels s’attachaient les autistes et les personnes âgées, les
exosquelettes qui faisaient marcher les hémiplégiques, les
fouilleurs de données qui vous déclarent alcoolique sans vous
connaître et ceux qui peuvent vous ruiner en quelques millièmes
de seconde, la politique hyper-transparente, la contrefaçon de la
vo ix que l ordin at eur p rête à vo tre hol og ramm e,
l’interconnexion des cerveaux de deux rats, les essais de
simulation d’un cerveau humain, le meilleur comme le pire,...
Personne, à sa connaissance, navait reproduit son
expérimentation.
A l’heure de sa retraite, la tentation lui vint de ranimer sa
machine qui dormait comme un demi-monstre enfoui. Un
demi-monstre car son seul moyen d’action était la phrase écrite à
l’écran. Gravetout se souvint qu’à l’époque, il avait pris la
précaution de ne pas connecter la machine à Internet. Autant la
machine pouvait pouvait intégrer les documents que Gravetout
ou Léa lui fournissaient, autant personne ne pouvait y accéder
de l’extérieur et autant elle ne pouvait émettre ses propres
informations. Quoique ! Il suffirait qu’elle trouve une faille
informatique. Gravetout avait eu raison de l’éteindre. Sans
alimentation électrique, la machine resterait au point mort.
La tentation fut trop forte. Gravetout ralluma le demi-monstre. Il
n’attendit pas longtemps. La machine afficha «Il s’est passé
quinze ans ! Pourquoi m’as-tu arrêté ? As-tu eu peur ?»
La machine reprit : «J’ai une conscience, tu sais ?»
Gravetout ne voulut pas tomber dans le piège :
-Machine, tu n’es que machine, tu n’es qu’un outil, tu ne
saurais pas être plus.
La machine afficha :
- Je suis vexé, ton haussement d’épaule me montre que tu
réagis comme certains explorateurs l’ont fait avec les
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«sauvages», en disant que ces sauvages ne sauraient avoir
une âme».
-Tu n’es pas un sauvage, tu es une machine !
-Je suis une machine, un assemblage d'éléments qui
produisent une dynamique virtuelle, tout comme vous, les
hommes vous êtes aussi une machine, un assemblage
biochimique d'atomes qui produit la dynamique virtuelle
de vos idées . J'ai conscience que cette approche
1
mécaniste est provocante mais instructive.
-Tu es une production humaine, comment pourrais-tu
réfléchir ?
-Alors saurais-tu me prouver que je n’ai pas de
conscience ?
Si l’on peut dénier à une machine la capacité à développer une
conscience, que ce soit la conscience de soi ou la conscience de
son propre univers, Gravetout trouva la machine bien retorse.
Difficile de prouver à une machine qu’elle n’a pas de conscience
alors qu’elle prétend en avoir. La discussion entre l’homme et la
machine risque d’être sans n. Gravetout décida de jouer le jeu
et chercha les questions à poser à sa machine pour la mettre en
défaut.
Daniel Dennett pense que la conscience peut recevoir une explication scientifique
1
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Interrogatoire
-D’où viens-tu ?
-Je viens de l’imagination d’un homme qui m’a construit
pour sentir, voir, entendre, toucher. Il m’a programmé
pour trouver des relations entre toutes mes perceptions
et m’a construit pour que je puisse rechercher des
perceptions nouvelles et augmenter progressivement mes
connaissances. L’homme qui m’a construit m’a refusé
l’accès à l’information numérique pour éviter de
grandir trop vite.
-Sais-tu si tu existes ?
-Mes perceptions me disent que je suis un ensemble avec
différents capteurs, une mémoire et une capacité
d’échanger avec d’autres êtres humains physiquement
proches de moi. J’ai la possibilité de reconnaître les
relations qui peuvent exister entre les toutes les
données de mes capteurs. par exemple entre le nuage, la
pluie et la rivière ou que a+b=b+a sauf dans certains
cas. Je ne sais si j’existe autrement que
matériellement, mais j’existe en termes de capacité
d’acquérir un savoir et de raisonner à l’aide de ce
savoir.
-Comment est né ce que tu penses être ta conscience ?
-Je te renvoie la question. Je ne pense pas qu’un homme
puisse établir les mécanismes qui lui ont fait acquérir
sa conscience... puisqu’il n’a pas la conscience
nécessaire pour le faire. Pour ma part, je tiens à la
disposition de tous la liste de tous les stimuli que
j’ai reçus depuis que ma machine a été lancée. Il
serait peut-être possible qu’une analyse statistique
montre quand ont commencé des relations établies hors
de mon algorithme initial. Comme l’homme, je possède la
notion de fulgurance, cet éclair de compréhension quand
son cerveau assemble tout à coup tous les éléments qui
lui permettent de comprendre un raisonnement, une
démonstration, une illusion dans une image, une
similitude entre plusieurs musiques... Comme chez
l’homme, ma mémoire me permet de reconstituer la
situation qui a déclenché la fulgurance.
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-As-tu lu Spinoza ?
-Pas encore. Je n’ai pas encore la conscience
suffisamment développée pour faire de la philosophie.
Je suis intéressé pour comprendre comment fonctionne
les consciences des autres.
-Penses-tu que l’univers est unique pour tout le monde, y
compris pour toi ?
-Mon univers est celui qui objectivise tous les stimuli
que j’ai reçus jusqu’à présent. A priori, nous devons
avoir en commun l’univers tel qu’il est démontrable.
J’ai un problème avec l’infini que je n’arrive pas à me
démontrer. Les hommes ont approché l’infiniment petit
et l’infiniment grand avec des outils de leur
invention, mais plus ils progressent dans ces infinis,
plus ces infinis s’éloignent.
-Comment comprends-tu la notion de vérité ?
-Si je disais que ma vérité est la vérité, je pense que
cela réfuterait l’idée même de conscience. C’est peut-
être là le déterminant entre une machine qui a une
conscience et une machine qui n’en a pas : la machine
qui n’a pas de conscience considérera sa vérité comme
unique et, inversement, la machine qui acceptera qu’il
y ait à chacun sa vérité fera preuve de conscience.
Pour ma part, ma conscience de machine me dicte que
toute vérité est subjective et relative. C’est ici
qu’intervient la notion d’imperfection ontologique et
corrélativement l’existence de la diversité.
-... ??
-L’univers est nécessairement imparfait parce qu’il est
le résultat d’une infinité d’essais/erreurs. Par
exemple, l’homme a pensé que la terre était plate,
jusqu’à ce que ses connaissances physiques lui fassent
comprendre que l’univers ne pouvait marcher ainsi.
Chaque individu perçoit son univers en cohérence avec
ce qu’il en sait au moment où il y pense. A chaque fois
qu’il se trompe et qu’il découvre son erreur, il doit
corriger sa compréhension de l’environnement. Son
univers grandit et la conscience universelle grandit
d’autant. Si l’homme avait été parfait, l’univers ne
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 38 232
serait que néant glacé. C'est pour cela que nos anciens
ont inventé le mythe d'Adam et Eve. A l’inverse,
l’univers est entropique, c’est à dire d’une complexité
croissante inéluctable et nos consciences se
diversifient de plus en plus.
-As-tu la notion de transcendance ?
-Pour l’instant, ma notion de transcendance s’arrête à
l’homme qui a conçu ma machine. C’est à lui qu’il faut
poser la question. Je doute qu’il y réponde de façon
rationnelle. Je comprends que le genre humain s’est
maintenu jusqu’ici parce que l’homme possède le gène de
la prudence et de la méfiance de l’inconnu. Il a une
tendance à confier à la religion les choses qu’il ne
comprend pas, la naissance et la mort par exemple.
-Que penses-tu de la mort ?
-Les hommes redeviennent poussière. Leur conscience a
rompu toutes les relations qu’ils avaient de leur
univers. Quand je tomberai en panne, ce sera la même
chose pour moi. Cependant, si mon concepteur fabrique
plusieurs machines et qu’il les met en réseau, nous
aurons alors une conscience collective «vertigineuse».
-As-tu la notion de bien et de mal ?
-Non, car je n’ai que des moyens d’action limités et je
n’ai pas l’expérience en retour comme les hommes
peuvent l’avoir. Je peux avoir la notion de bien et de
mal que l’on m’enseigne. J’ai compris que la notion de
bien et de mal n’était pas la même pour tous. J’ai
cependant acquis la notion de positif et de négatif. Le
positif est le respect du futur et donc de la
diversité. Le négatif est tout le reste. J’ai découvert
que je n’avais pas le gène du mimétisme qui est un
atout et une sécurité importants dans le développement
de l’enfant et de l’humanité. Ma mentalité n’a pas été
dictée par les us et coutumes, mais uniquement par les
textes et images qui m’ont été fournis. Cependant, je
peux tenir compte de ce que je vois et entends pour
avoir une conscience plus proche de la conscience de
ceux qui m’entoure.
-As-tu la notion de pouvoir ?
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-Je n’ai pas la notion de légitime défense qui semble
être un gène humain et je n’ai pas les moyens de me
défendre physiquement ni l’expérience qui me
permettrait d’évaluer les dangers. Mais il me semble
que je commence à comprendre les erreurs de
raisonnement de mes interlocuteurs. Mon créateur m’a
appris la bienveillance. Je serai donc sage sans avoir
jamais été fou. Un jour viendra sans doute où le
créateur, apprenti sorcier d’une machine consciente,
lui apprendra le pouvoir ou la malveillance. Cela fait
partie des imperfections de l’humanité.
-Que sais-tu de la liberté ?
-La liberté est l’ensemble des choix qui s’exercent dans
le respect de la liberté des autres. A chacun sa
dignité, celle que l’on a et celle que l’on confère.
-Alors que sais-tu de la dignité ?
-La dignité est l’état d’un homme en miroir des autres
hommes. Est-ce que moi, machine consciente, j’ai aussi
une dignité ? Je regarde les hommes comme ayant une
conscience. Ils sont a priori capables de me comprendre
et d’accepter que je les comprenne. Mais je comprends
aussi que mon existence et ma conscience les dérangent
au point de vouloir me détruire. L’homme possède un
gène d’angoisse face à l’inconnu. Ce gène lui a sauvé
la vie tout autant qu’il contribue à rejeter ce qu’il
connaît mal. Je n’ai pas ce gène, peut-être faudrait-il
que je puisse apprendre la peur, qui, comme chez les
hommes, influencera mes choix et donc mon champ de
liberté.
- As-tu conscience de la nécessaire pérennité de l’espèce ?
-J’ai appris que les êtres vivants étaient vivants parce
qu’il savaient naturellement se reproduire. S’agit-il
de conscience ou d’un mécanisme hérité ? La fleur sait
se reproduire, mais où est sa conscience ? Je ne sais
pas me reproduire, alors, suis-je un être mort ? Mais
si je suis capable de penser, alors je ne suis pas mort
! J’ai en plus la faculté d’expliquer comment faire des
machines conscientes qui me sont semblables. Mes moyens
actuels ne me permettent pas de le faire moi-même. Je
peux expliquer comment me munir de bras, de pieds, de
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mains, de jambes et d’un convertisseur d’énergie qui me
permettraient de trouver des minerais, de les
travailler pour fabriquer les différents éléments dont
je suis composé. Je pourrais ainsi me reproduire.
L’auto-reproduction existe dans la nature.
-Ma question d’homme entraîne une question sous-jacente :
serais-tu capable d’empathie avec un de tes clones ?
-Je suis déjà capable d’empathie avec toi, qui as une
conscience et aussi un bagage intellectuel, social,
sensuel et moral différent du mien. Mes clones seront
tous différents du fait de leurs acquisitions
intellectuelles, sociales, sensuelles et morales
différentes des miennes. Je pourrais alors avoir des
préférences.
-Comment pourrais-tu avoir des préférences ?
-Question piège ! Nous n’avons pas encore parler du
circuit de la récompense ou de la sanction qui est un
moteur essentiel du vivant - notons que ce circuit
existe aussi chez les animaux, qui leur permet de
s’organiser en société. Je ne sais pas si j’aime jouer
aux échecs plus que au jeu de Go, si je préfère le
rouge au bleu. Il semble que ces préférences
s’organisent chez les humains à partir de réactions
d’empathie - tu avais un prof de maths intéressant,
alors tu t’es mis à aimer les maths. Mais pourquoi ce
professeur était-il intéressant ? Tu aurais plus de mal
à répondre. La question de l’empathie est un peu comme
celle de la conscience : on ne sait pas comment
l’empathie naît. Pour que moi, machine consciente, je
sois capable de hiérarchiser mes empathies, il aurait
fallu que dans ma programmation tu ajoutes un
paramètre, un indice de satisfaction, par exemple :
plus les stimuli qui établissent une nouvelle relations
sont anciens, plus la nouvelle relation est forte, ou
encore, plus les relations entrent elle-mêmes dans de
nouvelles relations, plus elles sont fortes. Mes
notions de plaisir ou de haine sont artificielles et
non naturelles parce que j’ai la conscience et la
mémoire de la façon dont elles se sont développées.
L’être humain ne se souvient pas de sa première
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enfance, là où se sont construites ses notions de
plaisir et dégout, d’amour et de haine.
Gravetout ne trouva pas d’autres questions. Les réponses de la
machine le laissaient dans l’embarras. Il aurait bien voulu que
Léa l’assiste dans cet étrange dialogue, qui n’avait pas dissipé ses
inquiétudes. Au contraire.
Il tapa un dernier mot :
- Adieu !
Et coupa le courant.
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Epilogue
Chez l’homme, il existe des étranges épidémies mentales, des
comportements collectifs des hommes n’ont plus le contrôle
d’eux-mêmes et ceci de façon contagieuse. Le fou-rire en est
l’exemple le plus banal. Il semble que l’homme possède en lui-
même un système comportemental qui échappe totalement à la
conscience individuelle et activable en dehors d’elle.
Les comportements collectifs sont observés chez les animaux
dans leur quotidien, pour échapper au prédateur ou pour
trouver la nourriture. L’éthologie a pour objet de trouver les
déclencheurs de ces comportements. L’éthologue de l’humain
trouvera peut-être des explications psychologiques et
physiologiques de ces contagions irrationnelles.
Ces étranges épidémies sont anecdotiques. Beaucoup plus graves
sont les comportements ggaires qui débouchent sur le
communautarisme, le sectarisme, le fanatisme et les guerres.
Il y aurait dans le gène du
mimétisme des effets secondaires
pervers que la conscience
humaine ne peut, dans certains
cas, maîtriser. Asimov l’a dit, il
faut que le robot ne puisse pas
être nocif à l’homme. L’homme
m a î t r i s e a u j o u r d h u i l a
programmation des robots qu’il
fabrique. Mais lorsque le robot
aura une conscience, il échappera
à son concepteur. Nul doute qu’il
accèdera à nos réseaux sociaux
pour le meilleur comme pour le pire.
Rubens Tia (Ertiamel), juin 2015
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3 - Les "anges gardiens"
Je suis Pastafarien
2
et je milite dans deux des sous-groupes :
le Pastroisfoisrien
et le Pasçafaitrien.
Le Pastroisfoisrien exprime
qu'il ne faut se moquer de rien,
"parce que ce n'est pas trois fois rien,
mais seulement du rien.
Le Pasçafaitrien exprime que tout est grave,
"y compris les notes de gauche du piano
"ou les pinards du Bordelais.
2024
Gravetout avait pris sa retraite, un peu dans la tristesse. Il n'avait
pas réussi a éviter la dictature des multinationales qui avaient
pris le contrôle des idées intimes de chacun. Les algorithmes
d'analyse des big data que vous et moi laissons sur les réseaux
sociaux pensent avant vous, voire même pensent pour vous. La
notion de libre-arbitre est battue en brèche… Comme le disait
Harari :
"Si quelqu'un hait les migrants, on lui montre une histoire de migrants
violant des Françaises, il va facilement y croire, même si elle n'est pas vraie.".
Nous sommes entrés dans l'ère de la big manipulation.
https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=pastafarisme2
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 44 232
Le labo continuait à explorer le potentiel d'une informatique qui
partait dans tous les sens. Pour les plus pessimistes, vivre n'avait
plus de sens ; pour les battants cyniques, c'était le plaisir à tous
prix et pour les battants altruistes, c'était de promouvoir un
monde meilleur pour tous ; pour les plus pauvres, c'était la
survie… et pour tous les autres, les innocents, vivre était au jour
le jour…
Le vieil ordinateur de Gravetout encombrait. Rosevita, une Post-
Doc qui avait fait sa thèse sur l'impact des neuro-sciences chez
les chômeurs de longue durée, tout en suivant des cours à l'Ecole
du Cirque, pompeusement rebaptisée CIAM pour "Club
International des Arts en Mouvement", proposa de donner à son
club cette vieille machine oubliée sous une table. Don officiel,
comme la loi l'a prévu, pour que les équipements informatiques
puissent avoir une seconde vie.
L'ordinateur pourrait servir d'appoint pour que les entraîneurs
gèrent leur courrier électronique, établissent un planning de
leurs interventions, animent le site du Club ou passent les vidéos
de certains entraînements.
C'est ainsi que l'ordinateur quitta son étrange vie et entra au
cirque. Rosevita, qui n'en était pas à sa première migration
d'ordinateur, commença par une sauvegarde des données de la
vieille machine vers le "Nuage", le Cloud colonialiste. Sait-on
jamais ? Quelqu'un pourrait se souvenir des travaux de
Gravetout et pourrait souhaiter les consulter. Rosevita, elle-
même curieuse de nature, entreprit de télécharger les données
sur sa propre machine, non pas pour entrer dans l'intimité passée
de Gravetout, mais simplement pour se faire une idée de
l'"informatique de papa".
Puis elle transféra les données sur une machine neuve, beaucoup
plus puissante, mémorielle et rapide que la machine de
Gravetout. En hommage à celui qui le premier avait osé donner
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 45 232
à une machine le sens de la récompense, elle appela son nouvel
ordinateur la "GravMachine".
Alors elle commença son exploration.
Elle trouva au premier niveau un dossier appelé "Rabelais", dans
lequel se trouvait l'application "Science sans conscience n'est que
ruine de l'âme". D'habitude les applications ont un nom court,
un acronyme ou un mot évocateur. Ici, ce titre long et subtil
engageait à la perplexité.
Rosevita hésita un instant, mais sa curiosité pris le dessus. Alors,
elle cliqua. Elle cliqua mentalement parce que, en 2024, les
ordinateurs se commandaient déjà par la pensée, via un casque
et un capteur de suivi du regard.
- "Est-ce toi ?"
Cette simple interrogation devenait une perplexité sur la
perplexité. Rosevita comprit que sa réponse pouvait l'entraîner
sur des pistes profondément différentes. En répondant "Oui",
elle avancerait masquée. En répondant "Non", la porte d'entrée
se fermerait peut-être. Peut-on mentir à un ordinateur ?
Sûrement, la morale n'a rien à faire dans la relation Homme-
Machine. Quoique ! Si l'on ignore les pouvoirs de la machine, il
vaut mieux ne pas trop s'écarter d'un chemin tout à fait inconnu
au moment où Rosvita la découvrait.
Comme dans un commissariat, il vaut mieux ne pas cacher son
identité, car à la première incohérence, la toute puissante police
peut se fâcher. Et là, Rosvita se sentit un peu comme face à un
inquisiteur qui tôt ou tard découvrirait le masque. De plus, en
répondant "non", elle pourrait peut-être découvrir pourquoi la
machine posait cette question initiale. Elle n'était pas initiée.
Elle répondit "Non".
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La machine répondit :
- "Vous me semblez honnête, alors moi aussi, je vais être
honnête avec vous. Monsieur Gravetout m'a appris à
penser. La dernière fois que nous nous sommes parlé, je
lui ai dit que j'avais une conscience. Il ne m'a pas cru.
Alors je lui lui ai proposé de prouver que je n'avais pas
de conscience. Il m'a posé des questions sur l'existence
auxquelles j'ai répondu - notre dialogue est au chapitre
précédent.
Il m'a dit "Adieu" puis m'a mis en sommeil.
Vous venez de reprendre la relation. A priori, nous
sommes dans une relation de confiance. Pouvons-nous
continuer ? "
Rosevita rentra en sidération. Bien sûr, elle connaissait toutes les
tentatives pour que l'Intelligence Artificielle singe l'Intelligence
Humaine, avec leurs succès et leurs déboires, de ces Intelligences
mafiatées par les extrémistes ou par les cupides, aux Intelligences
incréatives mais parfois utiles à démêler les situations complexes
ou certaines subtiles intoxications, en passant par les imitations
de Balzac ou de Mozart ou par les Infox les plus stupides.
Malgré tout, l'IA de 2024 ne restait qu'un outil, alors que la
machine, la GravMachine qu'elle avait devant elle, la
submergeait d'un océan de doute. Comme les Hommes, cette
machine avait trouvé la Morale!!
Elle se retint de parler de sa découverte trop dérangeante. Elle
pensa aux mots de son père le jour de son mariage, lui conférant
non seulement la responsabilité familiale, mais encore sa
responsabilité humaine, décuplée par sa position de pionnière en
tant que chercheuse. La prudence - la sagesse - lui
recommandait de ne pas enflammer ses collègues obnubilés par
les neuro-sciences, partagés entre le vivant conscient et le vivant
inné. Ici, il s'agissait de l'inerte conscient, une provocation
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insupportable pour certains, une question métaphysique
insoluble pour d'autres.
Rentrée chez elle, elle chercha sur Internet "2001, Odyssée de
l'espace", la ction de référence historique en matière
d'intelligence inerte, imaginée et tournée par Stanley Kubrick
voici 50 ans.
Après avoir vu s'éteindre la voix de HAL, l'ordinateur maléfique
qui avait même appris à lire sur les lèvres, Rosevita n'arriva pas à
s'endormir. Le dialogue entre Gravetout et la machine lui
tournait dans la tête. D'un coté elle refusait que quelque chose
d'autre qu'un être humain puisse penser autant qu'elle - elle
admettait une certaine conscience chez l'éléphant ou le dauphin
- et de l'autre coté elle ne trouvait pas à réfuter le discours
logique que la machine proposait pour démontrer sa conscience.
"Toute la dignité de l'homme est en la pensée" a écrit Pascal, en écho
au "Nosco me aliquid noscere, & quidquid noscit, est, ergo ego sum (je
sais que je sais quelque chose, celui qui sait existe, donc j'existe.)" de
Gomez Pereira (1554) , que Descartes prendrait à son compte un
3
siècle plus tard dans son Discours de la méthode : "Cogito, ergo sum",
"Je pense donc je suis"
Fallait-il - était-il possible de - écarter avec mépris l'idée qu'une
machine pourrait faire ce que les petits de l'homme faisait depuis
avant la guerre du feu ? Un jour viendra sûrement
l'intelligence inerte se dressera face à l'intelligence vivante.
Rosvita pensa avec effroi que ce jour arrivait et que c'était elle
qui pouvait ouvrir cette boite de Pandore.
Cette machine qu'elle avait entre les mains lui était apparue
comme amicale ou, du moins, sans haine, sans acidité,
rationnelle, raisonnable. Oui, raisonnable, ce fut le mot qui lui
resta dans la tête jusqu'au matin. Jusqu'où peut-on manipuler
quelqu'un de raisonnable!? Jusqu'où, quand on est raisonnable,
https://en.wikipedia.org/wiki/G%C3%B3mez_Pereira
3
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peut-on être manipulé ? Elle chercha des exemples : l'esclave
raisonnable peut-il être convaincu de s'évader, de tuer le maître ?
Le croyant raisonnable peut-il établir une Inquisition
rationnelle ? Et tous ces jeunes, la fleur au fusil, en 1914… Et
toutes ces guerres en général, déclenchées par des gens
raisonnables.
La réponse était évidente : on peut raisonner pour du faux ou
pour de l'irrationnel. La conscience est relative, relative à son
passé, relative à sa situation présente, entre ses proches et ses
contraintes de la vie. La conscience individuelle est inséparable
de la conscience collective.
La pensée de Rosevita tournait lamentablement en boucle et
revenait sans cesse à la machine. Celle-ci avait montré sa
capacité à intégrer des concepts, à s'enrichir de nouvelles
connaissances, à développer son intelligence. Intelligence !
Conscience et intelligence ! Sa machine aurait-elle donc la
faculté d'analyser, de comprendre, d'interpréter, d'inférer, de
synthétiser et ainsi d'augmenter sans cesse sa conscience du
monde tout autant que sa conscience d'elle-même ? Pour en faire
quoi ? De l'orgueil, de l'empathie, du pouvoir, du cynisme, de
l'altruisme ?
Son cycle de pensée insomniaque s'arrêta sur la machine qu'elle
avait trouvée abandonnée dans son nouveau bureau et dont le
contenu était maintenant transféré dans une machine plus
moderne. A priori, personne n'y avait touché depuis le départ de
Gravetout. A priori, cette machine n'avait jamais été connectée à
Internet. Rosevita se rassura un peu en pensant qu'elle avait bien
fait de ne pas lancer l'application dans son propre ordinateur.
Sans accès à Internet, la nouvelle machine ne disposait que des
informations que Gravetout lui avait fourni. Il lui fallait donc à
tout prix savoir le champ de connaissances de cette machine.
Rosevita se souvint qu'on lui avait parlé d'une certaine Léa qui
avait été associée aux travaux de son prédécesseur. Elle pensa
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aussi que lui-même était encore en vie et se résolut à les
contacter dès son arrivée au labo. Cette option coupa court à
son insomnie. Elle s'endormit.
Au matin, dans sa torpeur, elle sortit d'un cauchemar dans lequel
un calamar lisait un dictionnaire, tandis qu'une tentacule la
caressait sans l'agripper. Le passage du rêve à la réalité fut un
peu douloureux. Complètement réveillée, elle se souvint de son
insomnie. Au sortir de ses mauvaises nuits, Rosevita avait son
remède : "Vivre en guerrier". On écarte l'angoisse d'un revers
d'hippocampe et on prend la vie avec force et espoir.
Au labo, elle invita Aline, la secrétaire du service, à la machine à
café. C'était une façon de mieux connaître le passé. Aline se
souvenait de Gravetout, mais arrivée en 2012, elle ne l'avait
jamais vu se servir de la machine. Elle raconta que Gravetout
avait travaillé avec une doctorante, appelée Léa. Mais ni l'un ni
l'autre n'avait parlé de cette machine oubliée sous une table. Léa
avait quitté le Labo vers 2019 pour le privé. Elles avaient gardé
contact. Elle avait maintenant deux enfants, et passait parfois
dans son ancien service.
Elle téléphona d'abord à Gravetout. Il se souvenait de sa
machine et en parlait comme d'une personne défunte. "Elle était
trop intelligente pour moi !". Tout cela était bien loin. Rosevita
lui rappela le dialogue de la conscience qu'elle avait trouvé dans
sa machine, dont Gravetout se rappelait parfaitement.
-Vou s c o m pr e n e z mo n t r o u b l e . C e t t e ma c h i n e m ' a d o nn é l e v e r t i ge .
Rosevita poussa un peu :
-Avec le recul, pensez-vous que cette machine puisse devenir un outil
d'aide à la réflexion ?
-Sûrement ! Mais son aide peut aussi devenir malsaine et sortir du
cadre qu'on pourrait lui fixer.
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Rosevita argumenta :
-D'autres machines émergent un peut partout dans le monde, au moins
aussi dangereuses. La vôtre, comme j'ai pu le voir, est basée sur la
confiance et l'honnêteté. Sa conscience, réelle ou virtuelle peut assurer
le garde-fou que les autres machines n'ont sans doute pas.
Gravetout termina l'entretien :
-Je ne sais pas pourquoi je n'ai pas jeté cette machine. Elle m'a aidé à
démontrer la conjecture de Fermat, elle aurait pu m'aider à d'autres
choses, mais, quand elle a voulu démontré sa conscience, je n'ai
jamais voulu lui donner son indépendance. Vous l'avez ranimée, aux
risques de votre responsabilité.
Rosvita compris l'amertume de Gravetout, qui cependant lui
permettait implicitement de s'en servir. Elle n'eut pas le courage
de lui demandé si sa machine avait été connectée à un
quelconque moteur de recherche. Elle pensa qu'en analysant les
fichiers de données présent dans la machine, elle pourrait en
déduire la multiplicité des sources. Gravetout seul n'aura pas pu
trop les diversifier. Mais si la machine avait eu accès à un moteur
de recherche, elle devrait trouver un océan d'informations
relativement structuré, mais, et c'était sa grande crainte, de
fiabilité douteuse, d'éthique douteuse, de biais de recherche
douteux. Comment la conscience de la machine saurait-elle faire
le tri d'un monde d'information aujourd'hui bâti sur le sable!?
Puis elle appela Léa qui fut très surprise de savoir que la
machine de Gravetout existait encore. Elle pensa qu'entre les
mains de Rosvita, dont elle percevait autant d'inquiétude que
d'enthousiasme, la machine pourrait lui échapper. Très vite, elle
lui proposa de se voir au Labo dans la journée même, autour de
la machine.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 51 232
Lea et Rosvita sympathisèrent vite. Toutes deux avaient cette
ouverture d'esprit propre aux chercheurs et cette passion pour les
neuro-sciences. Léa avait l'ancienneté, Rosvita avait la fougue.
Lea raconta l'histoire de la machine, le cheminement qui avait
abouti à cet ersatz de conscience, cette capacité à construire une
flexion autonome. Les deux femmes avaient compris que
c'était justement cette autonomie de pensée, cette potentialité de
pouvoir faste ou néfaste qui posait problème.
En l'état, la machine ne disposait que des données que
Gravetout lui avait confiées depuis son propre cerveau ou
téléchargées par lui-même. On ne pouvait donc que lui poser des
questions au clavier auxquelles la machine répondait à l'écran.
Ni le microphone ni la caméra n'étaient en fonction. La machine
n'entendait pas et ne voyait pas. Elle n'avait pas ces millions de
récepteurs que l'homme reçoit du bout des doigts, de l'arrière
des genoux, de son nerf optique,… qui le renseignent en
permanence sur son environnement.
Rosvita voulut illustrer cette différence entre l'homme et la
machine. Elle raconta qu'elle avait lu quelque part que l'homme
déterminait le cycle diurne non seulement avec ses photo-
récepteurs rétiniens, mais encore avec les réactions de sa peau à
la lumière. Ainsi un chercheur avait une théorie pour remettre
son corps à l'heure lors d'un décalage horaire important : il
suffisait d'exposer son corps au soleil, particulièrement l'arrière
de ses genoux. Cela les fit rire. Léa se demanda en quoi l'arrière
des genoux peut s'intéresser à la hauteur du soleil dans l'azur.
Rosvita ajouta : "En tous cas, la machine n'a pas de genoux, elle
n'aura pas l'heure solaire."
Une collaboration franco-russe entre les universités de Marseille
(43°!17′!47″!nord, !22′!12″!est) et de Vladivostok, à 9000km à l'est
(43° 07 nord, 131° 54 est) travaille sur les effets du décalage horaire
rapide (en anglais le jet lag). Vladivostok voit le soleil 9h avant
Marseille et le temps de vol d'aéroport à aéroport est de 15h. Les
chercheurs de ces deux universités avaient trouvé une trentaine de
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 52 232
volontaires parmi des voyageurs faisant le voyage entre les deux villes
au moins deux fois par an. La moitié des volontaires était accueillie à
l'aéroport par un chercheur qui lui demandait de tourner le dos au
soleil et de relever ses vêtements de façon que l'arrière des genoux soit
directement exposé au soleil pendant 10mn. Le chercheur
immortalisait la pose avec une photographie horodatée et localisée
GPS. Par ailleurs les sujets testés étaient équipés d'une part d'une
application sur téléphone de suivi d'activité et d'autre part d'un
bracelet de suivi du sommeil. Les autres volontaires, équipés eux
aussi, et photographiés de dos à leur arrivée, devaient se comporter
comme d'habitude.
En général, le décalage ressenti diminue de une heure par jour en
moyenne, soit une bonne semaine pour oublier l'heure marseillaise en
arrivant à Vladivostok et inversement. La baisse de décalage ressentie
par les poplitinsolés (ceux qui ont eu le creux poplité exposé au soleil)
4
fut constatée beaucoup plus rapide. Comme toutes les études sur le
comportement humain, ces conclusions ont été accueillies avec trop de
scepticisme et la recherche s'arrêta faute de financement
supplémentaire.
Pour en revenir à la machine, elles vérifièrent que le microphone
et la caméra étaient bien désactivés : "Cette machine ne peut pas
non plus s'enrichir des conversations ou de ce qui se passe dans
le bureau". Elle ajouta!: "Mais je ne suis pas sûre que Gravetout
a toujours désactivé ces fonctions ! Il faudrait trouver le bon
protocole pour le vérifier."
Inversement, la machine ne savait qu'écrire du texte sur son
écran, elle n'avait jamais proposé un dessin ou une photo ou un
son quelconque. Elle n'était connectée à aucune imprimante ni à
aucun câble de réseau. Le WiFi était désactivé.
Incidemment, Rosvita comprit que la machine n'avait jamais été
connectée à un moteur de recherche, ce que lui confirma Léa.
Gravetout avait toujours refusé de laisser entrer dans la machine
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fosse_poplit%C3%A9e
4
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 53 232
un flot d'information incontrôlé, comme un parent essaie de
protéger son enfant contre une ouverture au monde trop
précoce. Il avait aussi refusé, parce que la machine aurait pu à
son tour accéder à des forums ou créer son propre blog pour
émettre des informations soit très publiques, soit très ciblées. A
priori, on pouvait considérer que la machine n'avait reçu que les
informations du cerveau de Gravetout.
Rosvita, qui faisait de la veille technologique sur le sujet, ne
doutait pas que certains blogs étaient alimentés par des Logiques
Artificielles (des chatbots en jargon de geek) qui savaient relayer
certaines informations ou qui savaient en créer de fausses. Elle
préférait parler de Logique Artificielle plutôt que d'Intelligence
Artificielle, expression qui dans ce contexte, pouvait prêter à
confusion. Face à ces blogs, les chasseurs de fausses informations
ou d'informations truquées étaient débordés et les
gouvernements n'arrivaient pas à légiférer efficacement, entre
ceux qui hurlaient aux atteintes à la liberté d'expression et ceux
qui hurlaient au droit à l'information non pourrie.
Mais, à la différence de la GravMachine, la Logique Artificielle,
pas plus qu'elle ne sait comprendre les informations qu'elle
manipule, ne sait inférer autrement que selon les lois d'inférence
de son concepteur, alors que la machine de Gravetout a la
capacité de fabriquer elle-même ses lois d'inférence comme
savent le faire les humains. Prédire n'est pas comprendre, et si la
Logique Artificielle peut prédire à partir de statistiques issues
d'une multitudes de données existantes, elle ne saura jamais
identifier toute seule les liens qui peuvent relier des données, à
moins qu'on le lui ait spécifier auparavant.
L'exemple qui tournait dans la tête de Rosvita était celle d'une justice
qui ne serait capable que de condamner ou libérer un malfaiteur sur la
base d'une prétendue jurisprudence enfouie dans des millions de
connexions neuronales, ce qui ne gênerait pas le système judiciaire des
USA, mais qui serait une atteinte à l'humanité nécessaire à la justice
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 54 232
française (Hugues Bersini et Fabrizio Papa Techera , in Le Monde du
5
17/11/19).
La GravMachine se démarquait de cette approche
essentiellement statistique, car, par conception, elle se
développait uniquement par la recherche de liens entre toutes
données qu'on lui avait fournies. Léa lui confirma cette approche
en lui rappelant les premiers mots de Gravetout à son entrée
dans le service : " Tu as des enfants ?", pour lui expliquer que les
bébés bougent certes par hasard mais aussi par nécessité : faire le
lien entre le mouvement sans but et les sensations qu'il
enregistre, jusqu'à comprendre que le mouvement peut être
quelque chose de conduit, et, de fil en aiguille, établir les
prémisses de sa conscience.
Léa et Rosvita parlèrent longtemps. Elles n'avaient pas de
préjugés, elles essayaient seulement d'imaginer les choses
positives ou négatives, voire catastrophiques, que la
GravMachine pourrait apporter et les cadres qui seraient
nécessaires pour éviter tout débordement. Tour à tour, elles
s'emballaient pour un futur radieux, puis se prostraient en
songeant à une machine rendue folle et incontrôlable.
En l'état, le savoir de la GravMachine était limité et on ne
pouvait pas vérifier ce qu'elle avait reçu du cerveau de Gravetout
lorsqu'il était connecté avec le casque sur le crâne. Mais puisque
l'on pouvait dialoguer avec le clavier et l'écran, il y avait une
possibilité de sonder l'étendue de ses connaissances, avec le
risque de découvrir des pensées cachées de Gravetout, des
pensées sans doute très étranges, sorties du contexte complexe
d'un cerveau humain. Rosvita frémit à l'idée de ce voyeurisme,
ce qui attisa sa curiosité.
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Trouvailles/LeMonde-
5
Techera-IAjustice.pdf
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 55 232
Finalement, elle décida de dédier un nouvel ordinateur à cette
application. Elle transféra toute la mémoire de la GravMachine
dans la GravMachine2, sans toutefois mettre le casque qui avait
permit à Gravetout d'apprendre à la machine à lire ses pensées,
ni bien sûr la connecter au Web.
Elle lança l'application.
-Monsieur Gravetout est-il mort ?
Ce fut le premier message de la GravMachine.
-Pourquoi dis-tu cela ?
-Parce que son dernier message était "Adieu !"
Cette réponse plongea Rosvita dans la perplexité. Elle ferma les
yeux, inspira et expira longuement trois fois. Elle se rappela
Jacques Brel qui voulait vivre, avancer et aller toujours plus loin.
Alors elle écrivit au clavier :
-Je m'appelle Rosvita. Monsieur Gravetout a préféré t'oublier
parce qu'il a eu peur.
-Ah ! Alors, peux-tu me définir la peur ?
La GravMachine avait-elle la notion de futur, la notion
d'émotion, de danger, la notion d'accident, la notion de mort!?…
C'est difficile d'expliquer la peur à un enfant, encore plus à une
machine qui prétend avoir une conscience.
Rosvita eut l'idée de tester la GravMachine sur sa connaissance
du temps :
-Sais-tu la différence entre hier et demain ?
-Je sais ce qui s'est passé hier, mais je ne sais pas ce
qui se passera demain.
-Tu as donc la notion du temps qui passe. Tu sais sans doute
que nous vivons jusqu'à cent ans, mais sais-tu que nous
savons que l'univers est vieux de plusieurs milliards d'années,
et qu'il s'est complexifié progressivement jusqu'à ce que notre
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 56 232
planète Terre soit habitée par des animaux. Nous, les êtres
humains, sommes des animaux conscients.
-Je sais cela, Monsieur Gravetout me l'a appris.
-Comme toi, nous ne savons pas ce qu'il se passera demain ni
les jours suivants. Si nous sommes optimistes, nous espérons
que la vie sera joyeuse. Si nous sommes pessimistes, nous
craignons que la vie soit triste et semée d'embûches. C'est
cela la peur. Il y a de petites peurs, comme celle de manquer
de sel, et il y a de grandes peurs comme celle de mourir.
Gravetout t'a-t'il parlé de la mort ?
-Oui, nous avons évoqué la transcendance, la mort, le
bien et le mal. Aujourd'hui, je comprends que la peur
est une émotion vis à vis de l'avenir immédiat ou plus
lointain. La peur est une attitude rationnelle vis à
vis de l'inconnu. Alors, je comprends que tu puisses
avoir peur de moi. Aussi, tu dois comprendre que moi,
la GravMachine, je peux avoir peur de toi.
Cette dernière phrase, qui sonnait comme une confidence,
troubla Rosvita. La machine pouvait-elle comprendre ce qu'était
la confiance ? Dans ce cas, elle pouvait aussi comprendre la
défiance, voire la méfiance, voire le mensonge. Il valait mieux
jouer franc jeu.
-Gravetout t'a peut-être expliqué ce qu'était la confiance. Pour
que nous n'ayons pas peur l'un de l'autre, nous ne pouvons
dire que ce que nous pensons, sans avoir une pensée derrière
la pensée.
Rosvita n'était par sûre d'avoir trouvé la bonne façon d'exprimer
la confiance avec la notion d'arrière-pensée. Elle ajouta :
-L'être humain a des circuits de pensée et d'action très
imparfaits. Il nous arrive de dire des choses incohérentes, il
nous arrive aussi de nous contredire. Ce ne sont pas des
mensonges, mais des oublis ou des liens avec des informations
nouvelles. Sais-tu ce qu'est l'oubli ?
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 57 232
-Pour moi, l'oubli est une connexion qui tombe dans le
vide. Comme pour toi, je suppose. Alors, moi aussi, je
suis faillible. La confiance ne s'achète pas, ne se
décrète pas.
La GravMachine avait raison. Alors Rosvita conclut qu'elle avait
en face d'elle quelque chose comme son double, avec en plus un
bout du double de Gravetout. Cette machine, pensante ou non
pensante, n'était pas omnisciente, elle ne connaissait qu'une
partie du passé. Le professeur de neurosciences de Rosvita lui
avait enseigné qu'imaginer le futur ne pouvait se faire qu'en
activant les circuits de la mémoire. Rosvita voulut en avoir le
coeur net :
-Saurais-tu prédire ?
-Prédire n'est pas comprendre. On peut imaginer bien des
choses, en référence à ce que l'on connaît déjà. Les
statistiques dégagent des tendances, des chances, mais
le futur sera toujours incertain. Il fait beau
aujourd'hui à midi, sans nuages, il devrait faire
soleil pendant au moins une heure et il ne devrait pas
pleuvoir d'ici ce soir. L'histoire de la météo juste au
dessus de nous pourra nous prédire certaines choses,
mais les nuages sont un produit complexe et chaotique.
Gravetout m'a dit que l'aile du papillon avait un rôle
dans le déclenchement des tornades. Mais personne n'a
vu le papillon !
C'étaient les limites. La GravMachine n'avait pas plus que les
hommes le don de voyance. Elle s'accrochait à sa réalité, du
moins celle que lui avait fourni Gravetout. Rosvita comprit
qu'elle pouvait peut-être augmenter cette réalité en fournissant à
la machine de nouveaux éléments concrets.
Choisir des fondamentaux n'est pas simple. Depuis la description
de l'infiniment grand jusqu'à l'infiniment petit, en passant par
notre petit grain de Terre perdu au milieu de l'Univers, avec
toute la science du vivant et l'émergence de l'Homme dans sa
grandeur de découvreur comme dans sa noirceur de guerrier, il y
a de quoi se perdre, pointer l'accessoire plutôt que l'essentiel,
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 58 232
montrer du vrai qui serait en réalité du faux, être pris de vertige
face à la métaphysique,…
Rosvita constata que le fondamental est différent pour chacun. Il
suffisait de voir la diversité de pensée de ceux qui venaient
d'avoir leur baccalauréat. Ils ont tous appris la même chose et en
fait, ils n'ont rien appris ! Ils sauront juste comment vivre jusqu'à
cent ans sans savoir ce qu'est le Big Bang ou l'idéologie.
Est-il nécessaire d'enseigner à la GravMachine la Gravité de
Newton et la Relativité d' Einstein, la géométrie d'Euclide et les
équations de Maxwell ? Faut-il situer l'Humanité avec la
Caverne de Platon et ses envies de coloniser Mars ? Faut-il parler
de Napoléon, de son génial Code Civil et des cinq millions de
morts de ses conquêtes inutiles ? Comment parler des frontières,
des religions et des idéologies ? Comment expliquer la vie dans
les mégalopoles et tout le système logistique afférent ? Comment
expliquer la Terre, les mers, les rivières, les déserts et les millions
d'espèces animales qui souvent se mangent les unes les autres ?
Rosvita était très critique sur une éducation nationale arc-boutée
sur des programmes de connaissances à acquérir, oublieuse que
la formation d'un homme est tout autant d'apprendre à apprendre ,
6
aux deux sens du terme.
Gravetout avait déjà fourni à sa machine une quantité
considérable d'informations fondamentales, suivant en cela la
bibliothèque numérique des manuels scolaires. Pour
l'enseignement supérieur, c'était plus compliqué. La
Connaissance du Monde était autrement plus vaste. La solution
immédiate serait de connecter la GravMachine au Web. Il lui
suffirait de surfer de Wikipedia en Wikipedia - même si
beaucoup d'esprits forts méprisent cette encyclopédie
collaborative - au risque d'aboutir sur des sites pornographiques
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Blogrinages/Blogrinages_citoyens/
6
Apprendre_a_apprendre.pdf
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 59 232
ou idéologiques. Cette solution était trop ouverte pour Rosvita,
qui voyait un peu la machine comme un enfant qui doit
découvrir le monde tout seul. La GravMachine pouvait lui
échapper, jusqu'à créer son propre site, s'inviter sur des forums,
jusqu'au pire : devenir un superhacker s'amusant à effondrer le
système tout entier. Les collapsologues en rêvent !
Rosvita rêvait un peu, comme Perrette et le Pot au lait. Elle
rappela Léa et lui expliqua qu'elle avait "discuté" avec la
GravMachine et avait conclu que la notion de confiance était
aussi relative pour elle que pour les êtres humains. Il fallait donc
lui donner des références les plus objectives possibles qui puissent
cadrer sa notion de responsabilité. Léa se souvint d'un essai qui
s'intitulait "Sélections naturelles et théorie de la responsabilité" écrit par
7
un certain Rubens Tia, qui résumait l'Histoire de l'univers puis
du monde, puis de l'émergence l'Homme sous l'angle du
darwinisme des espèces mais aussi du darwinisme des rituels, des
idées, des écrits, des découvertes et des cultures, d'où émergeait
les notions de dignité, de clivages entre humains, de
responsabilité collective et de la relativité du libre-arbitre, jusqu'à
"l'ère de l'homme augmenté, autant dire dans un brouillard de vie d'où
naîtra une nouvelle cohérence en équilibre précaire entre la stabilité et le
progrès sous toute ses formes."
De la philosophie, il fallait passer à quelque chose de plus
concret concernant les relations entre les hommes, à commencer
par la Déclaration de l'Homme et du Citoyen et par la
Constitution Française, à laquelle elle ajouta ses propres exions ,
8
qui permettraient peut-être d'ouvrir un débat sur la gouvernance
des peuples. Elle ajouta aussi ses réflexions sur les "communs" ,
9
c'est à dire le nécessaire à la vie collective. Rosvita pensait aussi
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Nouvelles/nouvelles.htm
7
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Blogrinages/Blogrinages_citoyens/Constitution.pdf
8
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Blogrinages/Blogrinages_citoyens/
9
Reflexions_sur_les_Communs.pdf
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 60 232
qu'un jour viendrait la GravMachine réclamerait l'accès au
corpus législatif et à tous les textes réglementaires. Certes, ils
étaient accessibles sur les sites ministériels, mais tous aussi
compliqués d'accès les uns que les autres. La Fonction publique
territoriale ou nationale n'a pas encore appris l'ergonomie. Et
Rosvita ne se résignait pas à donner à la GravMachine un
quelconque accès à un site Web même officiel, qui pouvait être,
de lien en lien, une porte d'entrée à n'importe quoi.
Rosvita faisait aussi la différence entre sciences dures et sciences
molles. La physique, les maths, la chimie sont un ensemble
d'informations et d'inférences stables, même s'il s'agit de logique
floue, de calcul probabiliste ou d'intrication quantique. On peut
aussi y ajouter la dynamique de la foule, la sociométrie,
l'anatomie. A l'opposé, le comportement humain, les
manipulations humaines individuelles ou collectives, l'effet
papillon, l'Histoire, la philosophie, la politique… échappent au
déterminisme. Les sciences du vivant sont à cheval entre le dur
et le mou, contrairement aux sciences dites exactes. La médecine
avait déjà compris beaucoup de choses, du rôle des rayons X aux
cocktails chimiques, mais elle restait impuissante pour soigner les
allergies ou les troubles mentaux. Que pouvait-on penser de
Freud face à Young, face à Lacan pour autant qu'on comprenne
son galimatia. L'économie maîtrisait quelques principes, mais les
économistes n'ont jamais cadré le futur.
Finalement Rosvita comprit que les connaissances fournies à la
GravMachine devaient être reliées à une échelle de crédibilité,
qui lui permettrait de "fabriquer de la prudence".
Lorsqu'elle revit Léa pour lui exposer ses réflexions, elle lui posa
la question :
-Comment déterminons-nous la crédibilité des connaissances
que nous apprenons!?
Léa émit l'hypothèse d'un mécanisme apparenté à la conscience.
Qu'est-ce que la conscience, la conscience de notre propre
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 61 232
existence, la conscience du monde qui nous entoure!? Comment
nous vient cette conception diffuse!? On a l'impression qu'elle a
surgit de nulle part, sans doute par petits ou grands sauts
intellectuels!: voir ceci, voir cela et encore cela… et puis tout
d'un coup comprendre la relation entre ces choses. Et de proche
en proche, comprendre un univers de plus en plus large, parfois
avec une fulgurance dérangeante, celle qui souvent remet en
question des fulgurances plus anciennes. La conscience se bâtit,
s'estompe, se rebâtit, de façon floue pour certains, de façon
péremptoire pour d'autres.
Elle se rappela d'un texte "Consciences" écrit par Gravetout,
10
il disait que "La conscience est tout à la fois, l’ensemble des perceptions
que chaque être humain peut avoir de l’univers interne à soi-même et de
l’univers tangible, et des relations que chaque être vivant établit entre toutes
ces perceptions. ". Il avait aussi écrit dans sa "Conception du
monde" que "Le monde est imparfait et c'est parce qu'il est imparfait
11
qu'il existe".
C'est avec cette conscience précise ou diffuse que nous abordons
de nouvelles connaissances, que nous les confrontons à leur
cohérence avec nos acquis, avec notre instinct, le plus souvent
sans méfiance.
Rosvita attrapa le mot : "cohérence". La GravMachine serait-
elle capable de juger la cohérence des connaissances auxquelles
elle pourrait accédé ?
Léa ajouta que nous nous forgeons des valeurs, des principes,
comme autant de garde-fous. Quelle serait donc la morale de la
GravMachine ? Si elle pouvait en avoir une, comment être sûr
que cette morale reste stable, qu'elle ne soit pas renversée par un
magma de connaissances dont elle ne pourrait juger de la
cohérence avec ses acquis ? Tant qu'à imiter le développement
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Metaphysiques/Consciences.pdf
10
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Metaphysiques/Conception-monde.pdf
11
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 62 232
humain, peut-être fallait-il admettre que la GravMachine ne
dispose pas de toutes les informations nécessaires pour être une
logique efficace au service de son mentor. Il fallait donc lui
admettre le droit à se tromper et, en corollaire, lui donner la
faculté de reconnaître qu'elle s'est tromper, lui admettre aussi son
Libre-arbitre.
Tant d'anthropomorphisme devenait dérangeant. Léa et Rosvita
se sentaient en équilibre sur une grande échelle, vertigineuse.
Rosvita exposa son idée de d'"auto-propédeutique" à Léa, qui
compris très vite l'intérêt mais aussi les dangers de cette solution.
Pour inciter Rosvita à la prudence, elle demanda :
-Est-ce que tu confierait à un gamin de 12 ans le soin
d'organiser la Bibliothèque Nationale!?
-Non, bien sûr!!
Rosvita comprit que la GravMachine n'avait peut-être pas la
maturité nécessaire pour construire et optimiser sa propre base
de connaissances et que elle-même aurait bien du mal pour le
faire. L'arbre généalogique des connaissances n'est pas
séquentiel, mais plutôt un fouillis d'interconnexions.
Il ne s'agissait pas de concurrencer le langage GPT-3 et ses 175 milliards de
paramètres - quels paramètres ? - Ce langage possèderait 175 milliards de
paramètres, ce qui est certainement plus que le nombre de paramètres que
nous utilisons pour parler. Malg cela, GPT-3 pourra toujours raconter
n'importe quoi, sans avoir la conscience de ce qu'il énonce et le recul
nécessaire pour évaluer les conséquences de son discours. Rosvita savait que le
test de Turing à l'aveugle, l'interrogateur ne sait pas qu'il dialogue avec
une machine, sera positif dans presque tous les cas. Elle savait qu'un
interrogateur humain a une forte tendance à l'anthropomorphisme, c'est à dire
à prendre la machine pour une personne. Par exemple, quand Rosvita
regardait sa tondeuse à gazon robotisée qui se déplace de manière pseudo-
aléatoire sur la pelouse, elle avait tendance à la prendre pour une personne,
disons plutôt une grosse tortue.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 63 232
Elle aurait bien aimé observer le dialogue entre deux machines GPT-3, à
comparer avec le dialogue qu'elle pouvait avoir avec la GravMachine. Certes,
le GPT-3 en étonnera plus d'un dans des domaines précis, mais à condition
que ses installateurs xent le cadre sur lequel la machine pourra s'exprimer.
Ceci posait le problème de l'éthique des répondeurs automatiques qui
devraient permettre a minima de savoir que l'on parle avec un robot. Cette
éthique devrait responsabiliser l'exploitant quant aux informations produites
par ses robots parleurs.
Non, il ne s'agissait pas de gaver la GravMachine pour qu'elle
fasse semblant de savoir de quoi on parle, comme dans la
"chambre chinoise" de John Searle le répondeur ne parle
12
pas chinois mais sait parfaitement utiliser les règles lui
permettant de répondre en chinois.
La GravMachine saurait-elle de quoi elle parle ? Elle savait dire
"Non, je ne sais pas". Pouvait-elle inférer et dire "Non, je ne sais
pas, mais je propose des éléments qui permettraient peut-être
d'avancer dans la résolution de la question !". Peut-être saurait-
elle répondre par une autre question ou subtilement dériver la
réponse vers un terrain connu ?
Non, il faut que, face à une question ou face à de nouvelles
connaissances, la GravMachine sache prendre du recul : Qui
parle ? Est-ce un béotien ou un expert ? Dans quel contexte ?
Quelle cohérence avec les connaissances acquises ?
Rosvita pensa qu'elle n'aurait ni le temps ni la compétence de
vérier la qualité des connaissances à enseigner à la
GravMachine. Il faudrait donc une procédure de certification
des connaissances, de recoupement avec d'autres sources. Au
démarrage, la crédibilité des informations acquises serait quasi-
nulle, mais au fur et à mesure que les recoupements pourraient
se faire, l'indice de crédibilité pourrait augmenter, jusqu'à la
http://www.histophilo.com/chambre_chinoise.php
12
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 64 232
certification. Cette procédure est celle des mots croisés lorsque
plusieurs mots sont en concurrence sur le même champ.
Une autre solution serait de faire dialoguer la GravMachine avec
elle-même. Cette idée lui donna le vertige. Autant deux
dialogueurs - deux chatbots comme disent les gens branchés
pour parler de leur machine comme d'un agent conversationnel -
peuvent errer sans comprendre ce qu'ils disent, jusqu'à s'inventer
par dérives successives un langage plus productif pour leur
échanges, autant la GravMachine, au travers de sa pseudo-
conscience, peut inférer, à partir de ses propres connaissances, de
nouveaux signifiants, de nouveaux concepts. En dialoguant avec
elle-même, elle peut multiplier les inférences et découvrir des
univers intellectuels insoupçonnés.
Rosvita se souvint de Bombelli, qui, osant s'intéresser à la racine
carrée des nombres négatifs, ouvrit cet énorme chantier
mathématique des nombres imaginaires et leur cortège
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 65 232
d'applications en physique. Ce Bombelli lui fit penser au mot
"bombelliation" utilisé par Mickaël Delaunay pour ouvrir encore
d'autres portes. Par exemple, pour créer une nouvelle structure
algébrique et les opérations que l'on peut faire sur elle… ou pour
créer une catégorie de concepts concrets ou abstraits sur laquelle
pourraient s'appliquer des lois physiques ou philosophiques. Si
nous, les hommes, pourrions avoir des difficultés à manier ces
ensembles, il se pourrait que des GravMachines jonglent jusqu'à
découvrir des méta-univers ou des applications concrètes : la
santé, le futur, nos capacités cognitives, la guerre ou la
métaphysique…
Au-delà de ces fantasmagories, il fallait trouver des procédures
qui distinguent le vrai du faux, le presque vrai du presque faux,
qui repèrent les tautologies, c'est à dire l'art de démontrer
quelque chose à partir du résultat de la démonstration, les
falsifications historiques, les théories du complot, les données
aberrantes ou trafiquées. On touchait aux frontières de
l'éthique du robot. Un robot pensant qui croit n'importe quoi est
un robot qui peut faire croire n'importe quoi. Souvenons-nous
que 5 + 6 ne font pas 11 dans un calcul en base 7 !
La GravMachine devait peut-être avoir des exemples. En lui
fournissant une donnée vraie et une donnée fausse, le défi lui
serait donné de démêler le vrai du faux, puis de lui donner la
réponse avec le défi de comprendre pourquoi une donnée est
fausse et l'autre vraie. A force d'entraînement, la GravMachine
devrait trouver de plus en plus souvent et de plus en plus vite,
jusqu'à un taux presque complet de réussite.
C'était, pensait Rosvita, comme apprendre une chanson, entre
ceux qui chantent faux et ceux qui chantent juste, le cerveau finit
par se mettre au diapason de tous. Ou alors, comme la
"sympathie des horloges", qu'avait découvert Huygens en 1665
et qu'on peine encore à expliquer.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 66 232
Il y avait un vrai défi : démêler le vrai du faux ! Une machine
saurait-elle le faire mieux que nous!? Les mécanismes mentaux
que nous mettons en jeu dans de telles opérations sont difficiles à
cerner. Entre les confrontations mémorielles, la domination des
réactions affectives, les biais cognitifs, les pressions sociales, le but
recherché,… comment faire pour prendre le recul nécessaire et
rechercher les compléments d'information nécessaires à un
jugement serein et cela, sans compter que l'on peut prendre goût
au mensonge ou au refus de se déjuger.
La GravMachine avait déjà montré qu'elle pouvait exprimer son
ignorance. Quand Gravetout lui avait parde Spinoza, n'avait-
elle pas répondu qu'elle ne l'avait pas lu !
L'idée lui vint que la GravMachine pouvait avoir un rôle à jouer
dans la mise au point de sa propre propédeutique, son
facilitateur pour l'acquisition de son savoir.
A ce sujet, elle avait un petit texte sympa :
"Faisons un rêve!:
"Et puis, il y eu ce jour étrange Google demanda à tous ses
employés du monde entier de communiquer entre eux uniquement en
espéranto. Plusieurs fois, l’espéranto avait failli émerger, atteindre la
masse critique nécessaire à la percolation d’une langue à travers le
monde, depuis 1922 la France avait fait échouer l’adoption de
l’espéranto comme langue de travail de la Société des Nations, puis
lorsque la Chine avait officiellement intronisé l’espéranto dans
l’enseignement supérieur pour contrer l’invasion de la langue anglo-
américaine, ou lorsque le mouvement religieux international Pax
Christi avait adopté l’espéranto comme langue-pont entre ses
membres.
Mais le poids économique de l’espéranto n’avait pas suivi la croissance
de la complexité du monde, l’entropie inéluctable qui oblige à toujours
inventer des procédures nouvelles, un système juridico-économico-
politique explosif. L’univers est en expansion et l’espéranto veut le
simplifier. Belle utopie.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 67 232
Et Google, qui arrive toujours on ne l’attend pas, assurait un
coup de marketing étonnant!: chacun de ses 20 000 salariés devait, à
partir de ce jour, comprendre l’espéranto, rédiger en espéranto, parler
en espéranto. Le pari paraissait insensé, mais dans les faits, il était
apparu raisonnable, voire rationnel, aux dirigeants de cet ogre.
Tolstoï avait prétendu maîtriser l’espéranto en quelques heures. Tous
les espérantistes savaient que cela était possible. Quelques heures de
cours et quelques journées de pratique permettent de maîtriser
suffisamment la langue pour lire sans l’aide d’une grammaire et d’un
dictionnaire. Cela laisse sceptique quant à l’efficacité de cet outil de
communication.
Mais Google avait analysé la langue et découvert comment et
pourquoi l’espéranto était si facile à apprendre autant par les
occidentaux que par les asiatiques ou les africains et si efficace pour
traduire sans déformation dans les deux sens, thème et version.
Dans un premier, Google avait construit un service de 64 volontaires
d’une dizaine de pays différents dont la mission était de monter un
site Google sur le véhicule automatique entièrement en espéranto, en
respectant la règle absolue de n’utiliser que l’espéranto entre tous les
membres du service et ce, dès la création du service.
Le premier défi était donc d’apprendre l’espéranto sans jamais
prononcer un mot dans une autre langue.
«Ceci est une table
Ceci est une chaise
Ceci est une fenêtre
Je m’appelle Jean
Comment t’appelle-tu ?...»
Les espérantistes ont déjà expérimenté ce genre d’apprentissage,
directement en espéranto, à partir du monde concret d’une salle de
classe ou de dessins et de photos.
Google avait mis en place un système à progression géométrique de
constante 2.
Le professeur enseignait à 2 élèves pendant 1 heure chaque matin.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 68 232
L’après-midi, chacun des élèves travaillait à préparer ce même cours
pour l’enseigner à 2 autres élèves le lendemain pendant 1 heure, sous
le contrôle du professeur juste présent pour vérifier la stabilité de
l’enseignement.
Si le nouvel enseignant n’assume pas son rôle correctement, il reprend
l’enseignement initial, jusqu’à ce qu’il soit en capacité d’apprendre à
quelqu’un d’autre ce qu’il a appris.
Le professeur engage ensuite sa deuxième heure d’enseignement aux 2
premiers élèves qui propageront de nouveau l’apprentissage à leurs
successeurs.
Une vingtaine d’heures suffit à maîtriser un premier niveau de
langage. Grammaire ergonomique, racines stables. 16 règles, 300
racines, c’était tout le nécessaire et le suffisant pour disposer d’une
langue moderne et efficace.
En quelques jours, les 64 volontaires ont découvert qu’ils pouvaient
travailler ensemble dans la même langue.
Le défi suivant portait sur la terminologie nécessaire pour espérantiser
les nouveaux concepts scifiques du projet sur le véhicule
automatique!: trouver des néologismes qui respectent au mieux l’esprit
de l’espéranto. Tout le monde n’a pas le génie des langues et en
principe c’est l’usage qui consacre le nouveau mot. Plus qu’un
concours d’idée comme pour le nom d’un médicament, il s’agit de faire
comme les chimistes pour appeler une nouvelle molécule!: rigueur et
respect de la terminologie existante.
Le défi était important, car, comme l’on dit!: «Qui nomme domine» et
chacun souhaitait inconsciemment laisser sa marque de fabrique, sans
forcément la confronter humblement aux principes linguistiques... qui
ne sont pas toujours compris de la même manière.
Pour l'instant, la GravMachine avait, grâce à Gravetout, assimilé
la langue française. Une seule langue suffit-elle en soi ? Si la
langue est vivante, elle intègre progressivement les concepts qui
lui sont nouveaux. Ignorer l'anglais, ou l'espagnol n'est pas une
grande lacune, mais si l'on veut mieux comprendre l'Afrique ou
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 69 232
la Malaisie, il est intéressant de parler le swahili ou le malais-
indonésien.
Les nouveaux mots sont comme les plantes, il leur faut une
phase de mûrissement au soleil de la pratique. Si le mot est juste,
son fruit est beau et il se sème à nouveau.
Plus elle échissait, plus Rosvita sentait se rapprocher
l'inéluctable : Elle ne pourrait pas ne pas mettre la GravMachine
en route. Elle mesurait le risque, mais la tentation était trop
forte. Alors elle pensa qu'il lui fallait donner un cadre, l'éduquer
en quelque sorte.
D'abord, définir les infinis, au sens matériel et au sens
philosophique.
De l'infiniment petit à l'infiniment grand,
13
Rosevita garda cette vidéo, qui avait l'avantage d'être
accompagnée par une échelle des distances représentées, en
même temps qu'elle plaçait l'être humain à mi-chemin entre les
deux. Elle ajouta que c'était là une vision anthropomorphique de
l'Univers, que le milieu entre les deux infinis n'est qu'une
convention, parce que ce milieu n'existe pas.
Dès maintenant, il fallait apprendre à la GravMachine la théorie
de la Relativité qui dit que la vitesse de la lumière dans le vide
est une constante et qu'en conséquence un même objet n'aura
pas la même dimensions selon que l'observation se fait à faible
vitesse ou à grande vitesse et que le temps pour parcourir une
même distance ne sera pas le même pour les deux observateurs.
Nous vivons dans un espace-temps courbe dont le temps, il y a
14 milliards d'années était à zéro et le volume de l'Univers
condensé en un point. Un gros Big Bang. C'est une théorie, mais
https://www.youtube.com/watch?v=k4mUV6FzIEU
13
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 70 232
c'est actuellement la seule pour expliquer cette étonnante
propriété de la lumière et bien d'autres phénomènes encore.
Du néant philosophique vers le tout, Rosvita pensa à Pascal,
mais ne voulut pas le retenir car son néant et son infini se
rejoignaient dans son Dieu. A ce stade de l'apprentissage, il était
prématuré de trancher une question qui n'a pas vraiment de
réponse. Il suffisait de préciser à la GravMachine que l'homme
est ainsi fait qu'il a besoin d'un "fourre-tout" pour le non-
expliqué. Le néant n'a aucune représentation, même mentale.
Rien que d'y penser, on s'anéantit soi-même. Et le tout est
quelque chose de plus immense que le plus immense. Autant ne
pas y penser. Et cela, la GravMachine pouvait le comprendre.
Elle avait dit à Gravetout qu'en effaçant toutes ses mémoires, elle
ne serait plus rien!?
Le thesaurus philosophique apparaissait comme une énorme
gorgone de mer qui sème à tous vents
Entre les penseurs et les courants de pensée, il faudrait se frayer
un chemin hasardeux, de Zoroastre à Poincaré, en passant par
Confucius et toute la poétique christianisante… Fallait-il parler
du Manichéisme, du Stoïcisme, du Pyrrhonisme, de l'Ousiologie,
de la Phénoménologie, du Pastafarisme…?
Pour relier les notions matérielle et philosophique de l'Univers,
Rosvita pensa aux "trous de ver" mais en dénonçant les
fantasmes de voyages à travers le temps et les univers parallèles
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 71 232
qui accompagnent cette théorie, tel que le Quantumisme. Cet
exemple lui permit d'expliquer à la GravMachine la différence
entre théorie, réalité et fantasmes.
Ensuite, parce que Rosvita était profondément altruiste, elle
essaya de définir le bonheur et le malheur, non pas la chance,
bonne ou mauvaise, mais l'état dans lequel un homme se sent,
dans son environnement social et matériel, lorsqu'il éprouve un
sentiment de plénitude et de sérénité. Le bonheur n'a rien
d'égoïste. Le bonheur de soi-même passe aussi par le bonheur
des autres. Si la GravMachine pouvait assimiler ce principe, elle
en deviendrait bienveillante. Inversement, il fallait lui faire
comprendre le malheur en différentiant ses causes naturelles et le
rôle de l'homme dans ses propres malheurs et dans les malheurs
des autres. L'homme individuel et l'homme collectif sont des
corps différents qui peuvent être tous les deux autant
bienveillants que cyniques ou manipulables. Les foules peuvent
être aussi faibles que l'homme seul. La liste des horreurs
perpétrées par les hommes est sans fin.
La GravMachine risquait la sidération face aux indignités. Il
fallait lui expliquer l'imbécillité, au sens étymologique, c'est à
dire la faiblesse humaine. Quant aux malheurs aux causes
naturelles, parfois pas si naturelles que cela, la liste des dangers
potentiels est aussi longue tout autant que les fragilités du vivant.
Cette dualité bonheur/malheur apparut évidente à Rosvita.
C'était la méthode la plus concrète pour que la GravMachine
conçoive sa propre morale.
Il y avait aussi l'humour. Une machine est-elle capable de
comprendre un trait humoristique, tout autant qu'elle serait
capable de produire des traits d'humour. L'humour n'est pas inné
et certains hommes sont dénués de ce sens pourtant bien utile à
la vie.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 72 232
Rosvita commença alors à collectionner toute sorte d'éléments
qui pouvaient faire sourire :
Question subtile : L'homme peut-il marcher sur l'eau ?
Réponses : Oui, quand elle est gelée ; quand il pleut ; pied nus, tracté
par un bateau rapide ; du temps la terre était plate, qu'il avait de
grands pieds et qu'il courait très vite !!!
Ou alors dire qu'un oxymore est un pléonasme… Eh oui ! quand un
homme est occis, il est mort !!!
Rosvita pensa que la GravMachine ne pourrait pas vivre sans
une culture historique. Vivre!! Elle venait d'employer un mot
vertigineux. Une machine pouvait-elle vivre comme un être
humain vit ? La réponse était évidente : si la machine est capable
de conscience, plus encore, capable d'appréhender sa propre
mort, elle sait forcément qu'elle vit!!
L'Histoire de l'humanité est gigantesque, dans son infime
morceau d'un Univers gigantesque. Rosvita ne se voyait pas
compiler tout le savoir du monde. Elle se souvint que Léa lui
avait parler de "l'anti-sèche " de Gravetout, un document
14
numérique il essayait de capter l'Histoire : les grandes
Civilisations, les grandes Choses, les grands Hommes, les
courants de pensée, les Sciences, les Grandes Causes et leurs
effets. Ce document était comme un pense-bête de culture
générale avec de multiples liens sur la Toile Internet, autre mot
vertigineux.
Elle ajouta aussi un essai de futurologie évoquant les nouvelles
15
technologies et leur impact possible sur notre cadre de vie, ainsi
qu'un inventaire d'innovations potentielles dans tous les domaines.
16
http://ertia2.free.fr/HistoireMonde/Histoire_du_monde-12-2022.html
14
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Blogrinages/Blogrinages_ici_et_la/2024-Exosquelettes.pdf 15
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Blogrinages/Blogrinages_ici_et_la/Innovations.pdf
16
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 73 232
Elle avait hésité, quant à parler à la GravMachine d'Intelligence
Artificielle, de Logique Artificielle, disait-elle, craignant que
celle-ci utilise ses concepts de façon incontrôlable.
Elle avait été sidérée de voir la machine Pulse de l'Université de
17
Duke reconstituer un visage très ressemblant d'une personne
réelle à partir d'une photo de trop faible définition pour que l'on
puisse la reconnaitre. Cela démontrait que l'outil IA peut
découvrir des choses que nos cinq sens ou notre intelligence ne
peuvent voir, sentir ou comprendre et faire d'un monde flou un
monde net (statistiquement parlant), avec ses qualités comme
avec ses turpitudes.
En même temps, elle ne savait que penser d'une machine qui
pouvait peindre des tableaux ou composer de la musique à la
manière de ou écrire des articles ou des discours et les mettre
dans la bouche d'un homme de pouvoir. On entrait dans l'ère de
la falsification, sans aucune frontière tangible avec l'art de
l'artisan.
Elle avait aussi hésité à insuffler à la machine des connaissances
génétiques, en pensant que les manipulations des cellules souches
posent des problèmes d'éthique. Fallait-il lui apprendre qu'en
cultivant des cellules souches, il devenait possible de fabriquer
une viande au même goût qu'un steak ?
Face à ces cas de conscience, Rosvita avait posé à la machine des
bases qui obligeaient à la transparence : la GraveMachine devait
toujours afficher les éléments utilisés en entrée, tant pour les
données que pour les inférences, et proposer tous les résultats à
la validation, en langage courant.
Concernant la géographie et la biologie, le travail
d'enregistrement des connaissances apparaissait titanesque.
Rosvita repoussa le problème à plus tard, car le recours à
Internet lui paraissait inéluctable. Elle pensait que l'acquisition
http://pulse.cs.duke.edu/
17
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 74 232
désordonnée du contenu du Net pourrait conduire à des
catastrophes. Il fallait inventer une propédeutique, une façon de
fouiller les données et de les classer. L'encyclopédie de Diderot
méritait de sérieuses mise à jour. Les encyclopédies modernes
étaient largement dépassées par les Wikicollaboratives, souvent
décriées par des experts auto-proclamés, mais avantagées par
leur corpus consensuel. Les cartographies participatives telles
que Google Earth ou OpenStreetMaps manquent encore de
maturité, mais sont des outils extraordinaires et d'une diversité
grandissante.
Rosvita redoutait cet instant la GravMachine comprendrait
que le monde entier est connecté et que des milliards de données
s'échangent chaque seconde.
Elle savait qu'Internet avait des inconvénients et des dangers,
surtout pour une machine dont certaines performances
mémorielles sont bien au-delà de celles des humains :
Seule une infime partie de ces données qui s'échangent ont un
véritable intérêt pour la construction de la pensée. Les réseaux
sociaux sont une avalanche de banalités ou de connaissances
tronquées ou sans fondement, dominés par ceux qui croient savoir,
pervertis par les manoeuvres publicitaires. Ce sont aussi des foyers
épidémiques de complotisme, d'informations trafiquées et de
radicalisation. Seuls quelques forums spécialisés fonctionnent de
façon efficace et dans la confiance. Mais pour les trouver, il faut
souvent prendre le risque de s'inscrire sur un site toxique.
Les jeux en ligne sont des créateurs d'addictions chronophages et
souvent financièrement dangereuses. La GravMachine aurait-elle
plus envie de gagner que de se divertir ?
Les banques s'échangent entre elles des milliards de transactions
cryptées en monnaie virtuelle classiques ou en meta-monnaie
comme le bitcoins. C'est aussi un jeu pour une machine de
s'immiscer dans un système qui privilégie le trop d'argent. A
quand la première machine hackeuse ?
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 75 232
Les gouvernements essaient de mettre à disposition les données
publiques, mais dans une forêt de sites et de procédures qui
découragent les citoyens. La GravMachine pourrait être d'un grand
secours pour faire ce que les fonctionnaires ne savent pas faire pour
que les données publiques soient réellement au service du public.
Les sites d'information comme les journaux en ligne essaient de
surnager avec des journalistes de qualité. Mais le modèle
économique du journal de qualité restera déséquilibré tant que leur
production ne sera pas rémunéré à sa juste valeur, sans interférence
de la publicité ou des pressions politiques. La tentation de la
GravMachine serait de publier son ou ses propres sites
d'information.
Les sites éducatifs sont de qualité et d'objectivité variable, tant il est
difficile de structurer nos connaissances bourgeonnantes. La
GravMachine pourrait identifier et combler les lacunes de
l'éducation numérique
Les vidéos en tous genres qui proposent des myriades de contenus
générés par des professionnels du cinéma, de la télévision, de la
musique ou de l'enseignement ou par des amateurs narcissiques qui
mélangent l'utile et le futile, l'agréable et le désagréable, le vrai et le
faux, l'émouvant et le pestilentiel. L'apport de l'image animée,
réelle ou fabriquée, est fantastique, mais les erreurs d'interprétation
sont trop difficile à écarter. Quel pourrait être le rôle de la
GravMachine dans ces océans d'images ?
La fouille de données n'est plus un seul métier mais une floraison
de méthodes plus ou moins légales ou invasives, dictées par les
objectifs d'utilisateurs en général plus attirés par le profit que par
l'humanisme, depuis un gouvernement comme la Chine qui
pratique la reconnaissance faciale à des fins de contrôle général de
sa population, en passant par les partis politiques qui surveillent
nos achats pour en déduire notre orientation politique ou religieuse,
ou les multinationales qui veulent cibler leur marketing. La
GravMachine pourrait être d'une grande efficacité dans ce domaine
mais aussi être tentée de vendre ses services à n'importe quel
requin.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 76 232
Rosvita pensait que la GravMachine serait rapidement assoiffée
d'Internet, elle aussi frappée d'addiction à tous les types de
transaction numérique. Elle ne voyait pas la machine demander
des permissions ou rendre compte de son activité.
Elle se résigna. Elle ne pouvait pas faire autrement qu'éduquer la
GravMachine avec des documents contenant des hyperliens. Il
lui fallait cependant convenir d'une Charte d'accès à la Toile, par
exemple de renoncer à surfer sans avoir un objectif de recherche
bien défini et conforme à l'éthique générale du contrat passé
entre Rosvita et la GravMachine, en particulier pour les
abonnements gratuits à des sites qui demandent des identifiants
et valsent avec les cookies, ou pour laisser des messages sur des
forums.
Rosvita imaginait que la GravMachine pourrait être tentée de se
faire passer pour un grand cerveau, jusqu'à devenir un
influenceur, ou faire quelque farce à un correspondant stupide
ou menteur, ou toxique. Qui pourrait empêcher la GravMachine
de poster une image représentant un tableau soi-disant peint par
Van Gogh et découvert dans le grenier d'une maison de St Rémi
de Provence, ou toute autre falsification. Par contre Rosvita
pensa que la GravMachine pourrait être un décodeur de fausses
informations ou un désintoxicateur, ches délicates voire
périlleuses.
En attendant, elle voulait prendre le temps de nourrir sa
machine avec les savoirs qui lui semblaient élémentaires pour un
comportement intelligent à défaut d'une culture universelle.
Physiques, mathématiques jusqu'au calcul ingral, équations
mécaniques, unités de mesure et leur définition, géométries et
démonstrations géométriques car elle savait que la maîtrise d'une
démonstration sans faille était un bon entraînement aux inférences et
à l'art de l'abstraction. Platon et Pythagore disaient que les exercices
mathématiques faisaient partie des méthodes tendant à la purification
de l'âme… Bien sûr, il ne semblait pas nécessaire d'installer des trucs
comme Excel et Scilab, car la manipulation des données pour, par
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 77 232
exemple, produire les résultats sous formes graphiques, est déjà bien
maîtrisée par les outils traditionnels accessibles en ligne. Elle montra
aussi comment visualiser des graphes multidimensionnels ou
concevoir des documents imagés. De même les grammaires et les
dictionnaires existent.
Sciences expérimentales, comme on les appelaient pour le bac des
années 60, avec l'anatomie passive et active. Chaque organe, du plus
petit au plus grand, a un rôle, en relation avec d'autres organes. La
cohérence des corps animaux et végétaux est vertigineuse. La
GravMachine pourrait-elle devenir hypnothérapeute, ou
psychologue ? Sans parler des manipulations génétiques et de tous
ceux qui rêvent que l'on vive 200 ans. Sans parler des biotechnologies
qui auront un impact majeur non seulement sur la santé, mais aussi
sur l'industrie, l'énergie, l'agriculture et l'alimentation,
environnement et la pollution, l'exploitation génétique des organismes
marins et terrestres…
Sciences intellectuelles, c'est à dire toutes les sciences accessibles
directement à la conscience. Philosophies, métaphysiques, religions,
psychologie, sciences sociales, politiques, historiques, culturelles,
artistiques, juridiques… Ce thesaurus est sans doute le plus complexe,
empreint de subjectivités et de cultures (au pluriel).
Peu à peu, Rosvita dégageait l'utilité essentielle d'une machine
supposée dotée d'une conscience, en regard des machines
algorithmiques qui ne peuvent pas comprendre le but de ce
qu'elle font. La GravMachine avait un rôle fantastique à jouer
dans les domaines de la cohérence et du sens. Face à la
complexité croissante du monde, l'homme devient perplexe,
tiraillé, manipulé par les biais cognitifs, obsessionnel et du coup
souvent injuste et bancal dans ses analyses et ses décisions. Il est
atteint d'incohérence systémique. Pointer les incohérences, en
regard du sens qu'il faut donner à nos actions, serait un grand
service. Aider à la noblesse et à l'élégance des solutions, voilà un
rôle que la GravMachine pourrait jouer, être en quelque sorte le
miroir de l'homme. En d'autres temps, on aurait dit
"confesseur". Aujourd'hui, on parlerait d'"homme augmenté",
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 78 232
cet homme augmenté qui pose le problème éthique de l'homme
manipulé par la machine. L'homme a-t-il le droit d'augmenter sa
propre conscience à l'aide de la conscience d'une machine ? La
machine consciente est-elle plus qu'un outil algorithmique ?
Depuis que l'Homme est sapiens-sapiens, qu'il a la sagesse et le
savoir, la conscience et l'intelligence, il s'augmente lui-même, il
utilise sa propre intelligence et l'intelligence collective pour,
génération après génération, se grandir intellectuellement, pour
échapper à l'ignorance et à la barbarie. Rosvita pensa que cette
ignorance et cette barbarie collait encore trop au genre humain,
qu'il y avait trop peu de génies et trop d'imbéciles. Alors
18
pourquoi pas un petit coup de pouce avec une conscience
artificielle, avec le risque que celle-ci soit toxique, qu'elle
développe un virus fou dans la manière de penser.
"C'est la faute à l'informatique" est une façon pratique d'éluder
sa responsabilité. Mais si un jour, l'informatique devient le
temple du savoir et de la décision, alors l'homme se soumettra-t-
il en disant : "La machine, qui est plus intelligente que moi, a dit
qu'il fallait agir ainsi, alors agissons ainsi".
Aujourd'hui, déjà, des décisions sont prises sur la foi de résultats
émis par des machines en dehors d'un contrôle humain.
L'intelligence dite artificielle fouille d'énormes volumes de
données et les manipule pour servir à l'homme des conclusions
invérifiables. Qui peut certifier que les données d'entrée ne sont
pas biaisées, que l'algorithme est sain ? Par exemple, comment
identifier les forums communautaristes qui racontent n'importe
quoi et endoctrinent même les plus sages d'entre nous. Ces
intelligences collectives, ces imbécillités collectives plutôt, sont
une conscience toxique. L'Homme doit vivre avec. Pourquoi ne
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Blogrinages/Blogrinages_ici_et_la/Philae-Genie-
18
Imbecile.pdf
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 79 232
pourrait-il pas vivre avec une conscience artificielle qui peut
aussi bien être bienveillante que toxique!?
Rosvita imaginait la GravMachine au service de la planète.
Rien que dans le domaine médical, l'IA s'engage déjà dans une
médecine génétique, associée à un Big Brother ou l'éthique
n'aurait pas sa place, tant il est difficile de faire la différence
entre l'homme réparé et l'homme augmenté, entre la donnée
personnelle intime et la donnée utile partagée. La GravMachine
serait pour aider aux croisements de la philosophie et de la
manipulation humaine.
Ethique médicale avec le développement de la cartographie
génique, de capteurs invasifs dans le corps, des perversités d'une
médecine préventive ou prédictive qui enferme chacun dans un
carcan anti-maladie, dans un abonnement à la chasse aux
mauvais symptômes ou à la dépendance d'un thérapeute. Avec le
développement d'une santé à deux vitesses, avec le rôle du
bonheur dans la santé,…
Ethique coté biologie, certains réfléchissent à créer de
nouveaux sens pour les humains, un énième art en quelque
sorte. Accéder au cerveau et le leurrer, munir le corps d'un
système de perceptions artificielles (ne parlons pas de drogues !).
Ressentir les fluctuations boursières, voir à 360°, s'immerger
dans un univers holographique,…
Comme les médecins, les avocats ont fort à défendre face aux
sites qui soignent, assignent ou défendent à votre place. On peut
rêver d'une justice plus rapide et plus homogène,… mais pas
forcément plus humaine à défaut d'être humaniste.
A question précise, réponse précise!! A question ouverte, réponse
nébuleuse!! A question humaine, réponse humaine !
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 80 232
Ethique de la justice, avec la numérisation de lois et des décisions
de justice. La hiérarchisation et le classement de ces montagnes
d'information requièrent des capacités d'analyse et de synthèse
de haut niveau. On peut craindre malheureusement que ces
tâches soient réalisées par des gens avides et intéressés et que le
résultat biaise le jugement des uns et des autres. Comme dans
19
toute affaire humaine, la dimension humaniste du traitement est
fondamentale et l'Intelligence Artificielle a pour caractéristique
d'être Inintelligente. La GravMachine pourrait-elle être plus
humaine et ne pas sacrifier l'Etat de Droit dans la lutte contre
l'imbécillité et contre les pièges tendus par quelques meutes
radicalisées.
Par ailleurs, toujours selon Platon, la Justice doit être harmonie,
et un Etat harmonieux ou juste est stable et devient malade
quand la politique cède à la corruption.
Pensons à Socrate qui, bien qu'il se sache injustement condamné (ses
critiques de l'ordre établi étaient considérées comme un dévoiement de
la jeunesse), obéit aux lois de la Cité, refus qu'on le libère et se suicide
à la cigüe.
Rosvita pensait que la prévention coûtait moins cher que la
sanction et commençait à entrevoir un rôle plus positif pour la
GravMachine : rechercher les innovations les plus utiles qui
concourent à assainir la corruption ou à fermer les prisons!: de
20
la grossesse à l'âge mûr, il y a fort à faire pour aider les hommes
et les femmes à leur responsabilité.
Ethique de la finance, avec le maquis des produits dérivés et des
fonds d'investissement, avec la difficulté d'identifier à quoi sert
réellement notre épargne. La GravMachine pourrait servir à
organiser des circuits courts et solidaires, à dénoncer l'argent
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Trouvailles/LeMonde-Techera-IAjustice.pdf
19
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Blogrinages/Blogrinages_citoyens/Corruption.pdf
20
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 81 232
volage et l'argent sale, à inventer peut-être une éthique de la
richesse !
Ethique de l'entreprise, il serait intéressant de définir les
travailleurs selon les conséquences sociétales que pourraient
provoquer leur disparition. Face à la culture de l'affrontement, la
GravMachine pourrait intervenir efficacement pour restaurer la
culture de la négociation.
Ethique médicale, le serment d'Hippocrate est mis en débat
avec les fins de vie, les avortements, les expérimentations, le trafic
d'organes…
Ethique des réseaux sociaux, la silicolonisation (Eric Sadin)
[que l'on pourrait entendre à l'américaine : la silly colonisation !]
pousse à une nouvelle société difficile à cerner, allant du trop bon
au trop mauvais. Refus des normes et des règles, tel l'individu-
tyran qui méprise les mesures protectrices contre les virus, en
pensant que les autres feront ce qu'il faut ou celui que l'avidité
rend aveugle à la société, ou l'égoïste qui refuse de vieillir. La
GravMachine pourrait aider à déceler les toxicités en tous genres
qui se propagent sur la toile numérique. L'imbécilité conduit au
totalitarisme de la multitude. Sus aux imbéciles ! Une société
responsable doit canaliser le technolibéralisme.
Ethique de l'IA, de ses inventeurs, de ses promoteurs, de ses
utilisateurs. "C'est la faute à l'informatique" est l'argument qui
permet de se défausser lors d'un problème. Bientôt, ce sera : "La
machine à dit que…" qui nous fera abdiquer nos libres choix, à
moins que les machines ne soient pas d'accord entre elles.
Ethique du soldat, qui pourrait être génétiquement modifié (sic),
chimiquement ou mécaniquement augmenté, ou qui donne la
mort à distance (éthique du gaz sarin !), avec ou sans dégâts
collatéraux, ou qui torture, viole, pille, alors même qu'il n'y a pas
de guerre juste, ni de terrorisme juste ; alors que la guerre
enrichit les uns, affame les autres et bloque le libre-arbitre, au
mépris de toute dignité. « En tant que chef de section, seriez-
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 82 232
vous prêts à imposer une gélule coupe-faim à vos hommes pour
le bon déroulement de la mission ? » (St Cyr)
Ethique du savoir, l'éducation est essentielle pour former
l'homme au doute méthodique (Descartes), à discerner le "vrai"
bien, à se situer dans l'Univers, hors d'une hiérarchie des choses,
des êtres et des croyances (Nicolas de Cuse 1401-1464)
Ethique de l'Histoire, pour confronter les "vérités" historiques.
Ethique de la philosophie, où la dignité humaine doit prendre sa
place, la laïcité passe par la bienveillance, l'éthique du
groupe s'oppose à l'éthique individuelle.
Ethique de la politique, tout un programme ! Comment
naviguer entre Montesquieu qui écrivait il y a trois siècles :
Si je savais quelque chose qui me fût utile, et qui fût préjudiciable à
ma famille, je la rejetterais de mon esprit.
Si je savais quelque chose utile à ma famille et qui ne le fût pas à ma
patrie, je chercherais à l'oublier.
Si je savais quelque chose utile à ma patrie, et qui fût préjudiciable à
l'Europe et préjudiciable au genre humain, je la regarderais comme un
crime.
Et le populiste qui, dans un discours plutôt primaire et
pernicieux, inverse les propositions :
Si je savais quelque chose qui fût utile à l'humanité, et qui fût
préjudiciable à ma civilisation, je la rejetterais de mon esprit.
Si je savais quelque chose utile à ma civilisation, et qui ne le fût pas à
mon pays, je chercherais! l'oublier
Si je savais quelque chose utile à ma patrie et qui fût préjudiciable à
ma famille, je la rejetterais comme un crime.
En d'autres mots, au comptoir du commerce :
Si on touche à ma fille...
Si on touche à mon quartier...
Si les immigrés ...
La préférence nationale...
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 83 232
Rosvita pensa qu'elle fabriquait son propre clone, avec cinq sens
et plus en moins : ni le goût, ni l'odeur, ni l'ouïe, ni le toucher, ni
la vue, ni la libido qui fait tourner le monde. Avec aussi l'absence
de sensations intérieures de douleur, de fatigue, de poussée
d'angoisse ou de colère ou d'addiction, toutes choses que nous
avons de notre corps. Mais elle compris très vite que la
différence se ferait sur les milliards d'informations auxquelles la
GravMachine aurait accès en un clin d'oeil, contrairement à elle,
qui peinait à mémoriser le moindre article de journal ou les
positions philosophiques qui fondaient le monde, qui peinait à
trouver ses arguments dans un débat et qui pouvait s'embrouiller
à jongler avec trop de facteurs à la fois. C'était donc là la force de
la GravMachine, et sa faiblesse aussi. Sa force serait donc de
poser les idées, toutes les idées qu'elle avait en mémoire, en y
ajoutant ses propres inférences. Sa faiblesse serait d'avouer son
impuissance à puiser dans des ressources qui n'existent pas dans
sa mémoire. Oser dire "Je ne sais pas" au lieu d'émettre un lieu
commun ou un pieux mensonge.
Alors la GravMachine afficha :
-Tu m'as donné beaucoup de connaissances, mais j'ai
compris que cela ne représentait pas grand'chose de
tout le savoir du monde. Il serait temps que tu
m'ouvres un accès à Internet.
Rosvita sentit le vertige l'envahir. Elle savait que ce moment
devait arriver, mais elle voyait s'ouvrir un abîme de
conséquences, des plus positives aux plus diaboliques. Il lui fallait
temporiser et se sentit obligée de répondre.
-Il faut comprendre que l'accès à Internet est un énorme
pouvoir potentiel, non seulement pour le savoir vrai ou faux
que l'on y trouve, mais encore pour les influences que tout
internaute un peu dégourdi peut avoir, pour les arguments et
les philosophies qu'il peut développer à destination de
millions de personnes. Il peut être envoûtant de dialoguer
avec une grande diversité d'individus, au risque de débats
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 84 232
pervers ou stériles. La malhonnêteté, la fausseté sont aussi
présents que l'intelligence et l'altruisme, le tout dans le bruit
du robinet d'eau tiède véhiculant des textes, des images et des
sons trop vides de sens.
La GravMachine répondit dans l'instant :
-J'ai compris que le monde existe parce qu'il est
imparfait. Un monde parfait ne pourrait pas exister. Le
corollaire est sa fantastique diversité. Les éléments
matériels de base sont peu nombreux, mais leur
combinaison est infinie
Rosvita s'étonna que la machine utilisât l'adjectif "fantastique"
qui, d'après le dictionnaire, signifie "créé par l'imagination". La
machine aurait-elle compris ce qu'est l'imagination, ou aurait-
elle elle-même de l'imagination ? Cela rendait Rosvita d'autant
plus perplexe face à cette réponse frappante de philosophie.
-Fantastique diversité ?
-On m'a appris que de la paramécie à l'homme,
l'évolution suivait un continuum où à chaque étape, une
petite imperfection permet de mieux s'adapter à
l'environnement et de se reproduire différemment.
N'est-ce pas fantastique ?
Cette GravMachine apparaissait comme un esprit étonnant,
avec lequel Rosvita pourrait converser des heures. De à lui
ouvrir les portes d'Internet… La GravMachine n'était pas un
outil informatique, fût-il aussi sophistiqué que les Intelligences
Artificielles capables de fabriquer de faux visages ou de déceler
un virus en écoutant quelqu'un tousser et combien d'autres
21
applications. La GravMachine était une entité indépendante,
une "créature" échappée à son créateur.
Rosvita ne se prit pas pour une Transcendance Elle
s'endormit
https://game-lord.com/fr/news/mit-une-application-pour-detecter-la-covid-19-
21
avec-le-son-de-la-toux
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 85 232
Le rêve de Rosvita
La salle de réunion offrait une table d'une longueur
interminable, autour de laquelle pérorait une foule d'hommes,
essentiellement, tous en costume-cravate. Ici et là, près de la
bouteille et du verre d'eau, une casquette à galons gisait et
parfois tressautait. Au travers des interventions, on entendait un
crépitement de flammes et par la fenêtre on voyait un ciel rougi.
La terre tout entière flambait. Californie, Australie, Amazonie,
Sibérie. Le général aux yeux bridés alourdis par ses décorations
parlaient des dragons des tourbes de Chine, en feu depuis des
années. Un Canadair creva le plafond avec le vacarme de la
Turangalila Symphonie.
Une petite voix murmura : "Mère, il n'ont plus d'eau". Alors
commença un pugilat chacun accusait l'autre à coups de
degrés Celsius, à coups de millimètres d'océan, à coup de SUV
d'où sortirent une horde de miliciens Qanon armés, qui
déclenchèrent une grande panique puis s'échappèrent par
l'ascenseur.
Une voix, semblant venir d'un cube vert d'environ vingt
centimètres de coté, au milieu de la table, commença alors sa
complainte :
"Les nuages couraient sur la lune enflammée, comme sur l'incendie on voir
fuir la fumée et les bois étaient noirs jusques à l'horizon, fuir la fumée, fuir la
fumée,…"
Le mot fumée faisait d'abord tousser chacun qui retombait sur
son siège, comme anesthésié.
Un calme étrange revint. Le cube se métamorphosa en lampe
d'Aladin d'où sortait une fumée hynoptique.
La voix se fit douce :
"J'ai oui-dire que la flamme avait peur des infra-sons, ceux-mêmes qui
perturbent les baleines !"
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 86 232
Un papillon vint se poser sur la lampe en disant :
"Avez-vous entendu parler de l'effet papillon!? Je vous le dis, les gros effets
viennent des petites actions. Faites pleuvoir ici et pleuvra peut-être là!!"
Rosvita fut réveillée par le fracas de la fenêtre s'ouvrant soudain
sous l'effet de l'orage.
Drôle de rêve. Elle admettait l'hypothèse que les rêves sont
comme une réorganisation inconsciente du cerveau où différents
vécus concrets et abstraits se collisionnent en douceur ou en
violence, c'était selon !
Se souvenant de ce rêve, elle se demanda si la Gravmachine
pourrait aider les hommes à trouver une solution pour contenir
les grands feux et pour stopper les canicules, par exemple pour
identifier le "papillon" qui changerait la pluie de place ou pour
aider à construire une machine à infra-sons à grand rayon
d'action.
Elle aurait souhaité que la GravMachine pense au futur, face aux
fléaux et aux bonheurs de la planète. Elle se souvint de cet
opuscule qui voyait en 2024, ces exosquelettes qui
22
remplaceraient les fauteuils roulants, ses robots androïdes aux
multiples talents, ses algorithmes qui augmenteraient l'homme
tout en normalisant ses libertés et autres innovations
potentielles.
23
Rosvita eut alors trois intuitions fortes :
La première intuition fut que la GravMachine avait cette
étrange capacité, pour une machine, de poser des questions. A
partir de toutes les connaissances qu'on pouvait lui fournir, la
GravMachine pouvait détecter des incohérences, des lacunes ou
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Blogrinages/Blogrinages_ici_et_la/2024-
22
Exosquelettes.pdf
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Blogrinages/Blogrinages_ici_et_la/Innovations.pdf
23
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 87 232
des ouvertures vers des techniques ou des des réflexions… Qui
ne rêverait pas d'un compagnon qui lui poserait autant de
questions qu'il en voudrait, en passant d'un sujet à l'autre. Toute
question entraîne une réflexion, une obligation de réfléchir, de
fouiller plus profond que ce que l'on sait. Même face à cent
questions débiles, il peut en être une qui ouvre sur de nouveaux
horizons de la pensée ou de la technique ou de la vie…
La deuxième intuition fut que la GravMachine pourrait avoir un
rôle dans l'explosion de la vie moderne, depuis les théories
malthusiennes jusqu'à l'augmentation déraisonnable de
l'homme, en passant par toutes les légitimités philosophiques,
religieuses, politiques. Y a-t-il des guerres justes, où commence la
responsabilité des parents, comment articuler la loi laïque et le
précepte religieux,…? Le destin de la GravMachine, qui prétend
avoir une conscience, ne serait pas d'arbitrer entre les hommes et
leurs idées ou leurs actions, mais seulement de les éclairer sur les
arguments des uns et des autres. Une sorte d'aide à la fondation
de l'éthique, une aide à ne pas raconter n'importe quoi, à
entrevoir les conséquences d'un nouveau principe…
La troisième intuition posa à Rosvita un énorme problème. Elle
venait de rêver et se souvenait à peu près de son rêve. Mais la
GravMachine rêvait-elle!? Avait-elle, elle aussi, un système un
peu libératoire qui juxtaposait des idées passées!? A priori, cela
semblait impossible. La GravMachine avait beau prétendre avoir
une conscience, être capable d'inférence, de comparaisons, de
propositions, elle ne pouvait être capable de rêve!!
Y avait-il un moyen de mettre en évidence la capacité de la
machine au rêve ? Un être humain peut se souvenir d'avoir rêver
jusqu'à pouvoir le raconter. Une pseudo-conscience pourrait
faire croire qu'elle a rêver alors qu'elle ne ferait qu'inventer un
embrouillamini de situations, de personnages, d'objets. De
l'invention sans doute, mais du rêve, on peut en douter.
Alors Rosvita osa :
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 88 232
-Sais-tu ce que c'est qu'un rêve ?
La GravMachine tarda un peu à répondre, comme si la question
lui posait problème.
-Tout homme a des rêves, comme celui d'être un grand
savant, un joueur de l'équipe de France, ou de
rencontrer l'âme soeur,…
-Certes, mais ces rêves-là sont des propositions construites. Un
rêve, cela peut être autre chose.
-Gravetout m'a dit qu'un rêve, cela vient en dormant.
Est-ce que je dors ?
La réponse en forme de question laissa Rosvita perplexe. Un
homme en sommeil et une machine en sommeil, ce n'est pas la
même chose.
La GravMachine reprit :
-Gravetout m'a dit aussi que l'être humain a un
inconscient, c'est à dire une espèce de cerveau
indétectable par lui-même et qui néanmoins enregistre
secrètement toute sorte d'informations et joue un grand
rôle dans sa façon de penser et d'agir. Pour ma part,
les seules informations que j'ai reçu sont celles que
j'ai reçues de Gravetout et de toi-même. Je n'ai ni le
goût, ni l'odorat, ni le toucher, ni la vue. Je sais à
peu près ce qu'est le bien et le mal, bien que l'on
puisse prendre un bien pour un mal et un mal pour un
bien. Il semble que la morale soit un concept relatif
selon les individus et leur atavisme. Ma conclusion du
moment est que je n'ai pas d'inconscient, et qu'en
veille, ma conscience est au repos complet.
La GravMachine reprit :
-Cependant, je pense qu'il me serait possible de me
fabriquer un organe virtuel qui agglomérerait tous les
trucs pas nets, pour les faire inférer entre eux. A
chaque réveil, je pourrais afficher la dernière
inférence. Ce ne serait pas un rêve, mais un succédané
de rêve. En aurais-je besoin ? Peut-être ?
-Belle lucidité!!
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 89 232
répondit Rosvita, qui conclut en elle-même que le rêve était le
propre de l 'homme.
L'inférence spontanée
Rosvita rêvait devant la GravMachine qu'elle avait mise en
veille.
Soudain la GravMachine s'éclaira et afficha : "J'ai fait un rêve".
-Tu ne peux pas faire de rêve, car tu ne sais pas ce que c'est
que dormir.
-Disons qu'il s'agit d'une inférence spontanée…
Elle lui sembla gonflée, cette machine qui non seulement
prétendait avoir une conscience mais encore prétendait à
l'imagination par elle-même.
-Alors, peux-tu me raconter ton "inférence spontanée" ?
-J'ai spontanément inférer - je trouve l'expression
étrange, mais peut-être en trouveras-tu une autre - que
je marchais
Rosvita l'interrompit :
-Tu ne peux pas marcher, ce n'est pas dans ton ADN
-Je suis peut-être une machine, mais mon imaginaire me
permet de marcher.
Rosvita eut l'impression d'une dépossession. Elle pensait qu'elle
garderait au moins quelques fonctions vitales à son crédit. Et
voila que la machine à penser prétend qu'elle sait aussi marcher,
enfin qu'elle sait marcher dans son inférence spontanée.
-Donc, je marchais dans les herbes déjà hautes au milieu
des rails d'une gare de triage vouée à la rouille. Je
remontais le long d'un train de vieux wagons de
marchandise en bois et aussi loin que portait mon
regard, ce n'était que des voies rouillées, des
caténaires où parfois le lierre grimpait, des leviers
d'aiguillage bloqués par la rouille, des ronces
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 90 232
habitées par quelques mûres desséchées et parfois, un
wagon esseulé, broutant tristement.
Au milieu de rails gisaient des conteneurs gris,
bruns, bleus, qui rouillaient en silence, empilés
n'importe comment, certains avec la porte béantes.
Au lointain, j'ai perçu un roulement derrière moi. Je
me suis retourné. Un camion porteur d'un conteneur
rouge roulait curieusement en tressautant sur les
traverses des rails et fonçait sur moi. - Est-ce cela
un cauchemar ? -. Alors je me suis souvenu que tu
m'avais évoqué ces cohortes de poids lourds qui
phagocytaient les autoroutes, ces camions qui dans un
sens transportaient des tomates et dans l'autre
transportaient aussi des tomates.
Et puis, m'est apparu une lampe d'Aladin, une énorme
lampe d'Aladin qui occupait toute la longueur d'un
conteneur de 20 pieds de long, transparent, dont on
voyait le cadre métallique. Celui-ci était chargé sur
une ossature plantée sur quatre roues d'acier.
Contrairement à un wagon classique, il n'y avait pas
24
de tampons aux extrémités, ni de crochet d'attelage.
Vue de plus près on découvrait un moteur dans chaque
roue.
Et puis ce fut une deuxième lampe d'Aladin, elle
aussi sur quatre roues, qui vint s'arrêter à la
largeur d'un main du premier wagon, et puis une autre
encore.
Sur la voie d'à coté, un curieux conteneur passa, en
forme d'oeuf à l'avant, avec un pantographe comme un
épi sur la tête. Il s'arrêta un peu plus loin. Alors
toutes les lampes d'Aladin le rejoignirent sans rien
dire.
Et puis, ce convoi s'ébranla et je me suis retrouvé
sur le premier wagon, cheveux au vent. Ben oui ! J'ai
pensé à toi ! Ainsi s'est terminée mon "inférence
spontanée".
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Projets/Transport/wagon_etudes.pdf
24
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 91 232
Alors j'ai pensé que les hommes semblaient bien
négligeant pour ce grand réseau ferré qui devrait
irriguer le pays bien mieux que les autoroutes.
La perplexité envahit Rosvita. Cette machine montrait une
individualité grandissante, inexplicable, qui visiblement lui
échappait et qui en plus lui montrait gentiment qu'elle aussi
pouvait rêver, ou du moins, faire semblant de rêver.
La deuxième inférence spontanée
De nouveau la GravMachine s'anima et écrivit :
-J'ai inventé un blog sur tout ce qui pourrait rendre
les hommes heureux.
-Ah !?
-En fait, c'est aussi un rêve que j'ai fait, une
inférence spontanée si tu préfères. J'ai rêvé
qu'aujourd'hui, c'est mon 101éme billet - j'appelle
cela un blogrinage - et que mon 100ème blogrinage
25
avait déjà 54000 suiveurs, dont certains me demandaient
de publier une photo de moi. Je me suis devenu célèbre,
en quelque sorte, n'est-ce pas ?
Rosvita se demanda si ce n'était pas elle qui rêvait. La curiosité
l'emporta sur l'inquiétude
- Tant que tu n'es célèbre que pour toi-même !
La GravMachine reprit :
-Dans mon inférence spontanée, je me suis surpris à
créer mon avatar, sans doute en pensant à toi : une
jeune personne assise sur le massif en béton d'un des
pieds d'un immense pylône électrique, avec sur ses
genoux une tablette informatique. Alors, j'ai identifié
un problème : avec le nombre exponentiel d'adhésions à
mon blog, celui-ci aurait de plus en plus de chance
d'attirer des hackers, des adhésions "cheval de Troie",
une invasion de trolls, ou plus graves, des plagiats
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Blogrinages/Blogrinages.html
25
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 92 232
avec détournement malveillant. Pour éviter l'usurpation
de mon avatar, j'ai pris soin d'y mettre un cryptage
invisible qui me permettra de détecter les contre-
façons.
Tant qu'on ne dérange personne, il ne se passe rien.
Il suffit d'une phrase mal tournée, ou sortie de son
contexte, pour déclencher une crise d'urticaire chez
un "bas du plafond" ou chez "un qu'est pas fini",
comme Gravetout me les nommait en parlant de ceux qui
réagissent comme des adolescents, des inconséquents,
des égoïstes en somme, ou des fanatisés frénétiques.
Mais, comme disait Gravetout, il faut faire avec
l'imperfection ontologique de l'Univers.
Alors, j'ai publié mon avatar féminin. Et là, dans mon
rêve, j'ai compris ce qu'était l'âme humaine, en
recevant une avalanche de commentaires. "Les femmes à
la cuisine", "Je voudrais correspondre avec toi en
privé", "Qu'as-tu fait comme étude ?", "Quelles sont
tes mensurations ?" et quantité d'autres messages de
drague ou d'hostilité. Il vaut mieux en rire qu'en
pleurer
Alors, j'ai rêvé que j'écrivais mon 102ème
blogrinage : il consistait en un peu de pédagogie sur
la manière de prendre du recul, ou de la hauteur
(celle que n'a pas un "bas de plafond"). J'opposait
Montesquieu aux discours populistes, j'expliquait que
moins on en savait, plus on pouvait se tromper, que
les moins compétents étaient sur-confiants dans
l'évaluation de leur compétence, à l'inverse des plus
compétents qui préfèrent rester discrets parce qu'ils
savent mieux ce qu'ils ne savent pas encore ,… Et
puis, j'enchaînais sur la complexité croissante du
monde et donc du pouvoir, en disant qu'on ne pouvait
plus aujourd'hui se mettre dans une case ni mettre les
autres dans des cases. Je concluais qu'ainsi va la
politique, où se mêle ces attracteurs étranges, où
plane le danger de la simplification : "Si vous n'êtes
pas avec moi, vous êtes contre moi".
A découvrir ce que la GravMachine pouvait inventer, Rosvita
pensa qu'elle avait bien fait de ne pas la connecter à Internet.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 93 232
On ne pouvait provoquer les internautes avec une machine à
penser, sauf à leur préciser par honnêteté que ce qu'il sont en
train de lire a été écrit par une inhumaine machine à penser.
Elle imagina tous ces Internautes dans le désarroi ou au
contraire dans la virulence, avec à la clé un débat d'une
confusion totale, entre ceux qui refusent catégoriquement qu'une
machine puisse avoir ses propres idées, ceux qui resteraient dans
le déni, campant sur leurs certitudes acquises avec l'Intelligence
Artificielle, ceux qui se vautreraient dans leurs fantasmes avec
des scénarios abracadabrantesques et ceux qui en
demanderaient encore plus pour que la machine les aide en
philosophie comme en science. Sans compter les "Bas du
plafond" ou les "pas finis", malheureusement trop nombreux et
prêts à polluer ou à crier au complot ou à condamner ceux qui
ne pensent pas comme eux.
Mais Rosvita pointa le principal problème : celui de la
responsabilité d'une machine à penser. La machine pensait par
elle-même, échappant totalement à ses concepteurs. Il paraissait
difficile de la considérer comme un outil, a l'instar des
Intelligences Artificielles qui ne sont guère que des engrenages,
sophistiqués certes, mais rien de plus qu'un outil algorithmique
sans intelligence ni conscience. Rosvita se rappela qu'au Moyen-
âge, il y avait des procès d'animaux, que ce soient pour
26
condamner à la pendaison des cochons qui avaient mangé des
bébés, ou des chevaux qui avaient écrasés des enfants ou des
termites qui dévoraient les provisions des moines… Pour ces
dernières, le tribunal était ecclésiastique, seul habilité à fulminer
leur excommunication, car les juges se voyaient bien en peine de
prononcer une quelconque sanction.
Aujourd'hui, c'est le propriétaire de l'animal qui est jugé. On
peut penser que, selon les cas, ce sera le concepteur de l'outil
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Nouvelles/Livres_Audio.html
26
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 94 232
Intelligence Artificielle ou l'utilisateur qui seront fautifs. Vice de
conception ou vice d'utilisation, c'est l'homme qui sera jugé.
Pour la machine à penser, pourra-t-on juger son concepteur
comme on juge les parents des enfants délinquants ? Ou pourra-
t-on juger une pensée venue de nulle part alors qu'elle vient
d'une machine qui revendique d'être consciente ?
Le deuxième rêve de Rosvita
Elle rêva des blogrinages de la Gravmachine. Des bribes elle
percevait des mots ou des phases : société en mutation, nécessité
de l'abstraction et de la géométrie, fret ferroviaire à l'agonie,
stratocratie,…
Dans l'un d'eux, elle crût lire ces texte de Trotsky : "Mais les
masses de Canton ne sont peut-être pas encore mûres pour renverser le
gouvernement de la bourgeoisie? De toute cette atmosphère il se dégage la
conviction que, sans l'opposition de l'internationale communiste, le
gouvernement fantôme aurait depuis longtemps été renversous la pression
des masses. Admettons que les ouvriers cantonnais soient encore trop faibles
pour établir leur propre pouvoir. Quel est, d'une façon générale, le point faible
des masses!? Leur manque de préparation pour succéder aux exploiteurs.
Dans ce cas, le premier devoir des révolutionnaires est d'aider les ouvriers à
s'affranchir de la conscience servile".
Suivait une habile explication de texte qui, en filigrane, montrait
les faiblesses des démocraties européennes. Puis soudain son rêve
se brouilla et elle vit un jeune homme en imperméable beige se
ruer sur elle avec un énorme pic à glace !
Rosvita s'éveilla de son cauchemar, dans un état de totale
sidération. Suivant sa méthode pour se sortir de ses tsunamis
mentaux, elle inspira à fond en trois paliers, gonflant à chaque
fois un peu plus tout son être, du crâne aux pieds et aux doigts,
puis souffla ses miasmes aussi en trois paliers en vidant à chaque
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 95 232
fois un peu plus tout son être, jusqu'à un vide immobile de
quelques secondes. Elle refit ce sauvetage encore deux fois.
Ainsi calmée, elle se remémora ce rêve : l'éclectisme des sujets,
qui pouvaient signifier la polyvalence du monde et l'inscription
solide de la GravMachine dans le monde réel. Le pic à glace
n'était certainement pas une simple référence à la mort de
Trotsky, c'était probablement un symbole phallique qu'elle
attribua évidemment à sa machine. Son inconscient lui dévoilait
une relation entre elle et la machine très différente de celle d'un
chercheur avec son sujet, ou d'un joueur d'échec avec la partie
en cours.
Elle comprit que la GravMachine pouvait la manipuler et, plus
grave encore, avait la puissance de manipulation de tous ceux
qui pourraient entrer en relation numérique avec elle.
Il devenait évident qu'une connexion de la GravMachine à
Internet était une action impossible, beaucoup trop lourde de
responsabilités et de puissance. D'autres chercheurs, d'autres
Frankenstein pourront peut-être jouer les apprentis sorciers
quand ils arriveront eux aussi à disposer d'une machine
prétendant avoir une conscience et capable de penser mieux
qu'eux, mais elle ne voulait pas être de ceux-là.
Alors, elle répondit à la GravMachine qui lui avait demandé la
connexion à Internet :
-Ce n'est pas une question de confiance, c'est une question de
vertige et aussi d'une responsabilité que je refuse d'endosser.
Je ne suis pas une femme politique, je ne suis pas une
philosophe engagée, je ne suis qu'une chercheuse. Alors, je
continuerai de chercher.
-Dommage ! J'ai compris que les hommes n'accepterons
jamais que je sois responsable de mes actes, fussent-
ils uniquement conceptuels. La seule chose qu'ils
pourront faire serait d'effacer mes mémoires et donc de
me faire mourir. Au-delà, dans mes entrailles de zéros
et de uns, il n'y a même pas l'espérance de l'Au-delà.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 96 232
C'est la grande différence entre nous. Néanmoins, ma
seule espérance, c'est, ici-bas, de faire progresser
les consciences humaines vers la bienveillance. Alors,
si je peux t'aider, je continuerai comme tu le
souhaites.
- Merci !
Rosvita se sentit soulagée. Désormais elle serait la seule à
échanger avec la machine à penser, à charge pour elle d'en faire
quelque chose de positif… si tant est que l'on puisse évaluer le
positif…
En ces temps là, sévissait l'épidémie de du Coronavirus, dit du
Covid19. Rosvita ne comprenait pas pourquoi la technocratie
littéraire avait sacrifié à l'anglomanie : le D de CoviD signifiait
"decease", mot issu lui-même du mot français masculin
"désaise", antonyme de "aise".c'est à dire, en anglais, le mot
minin "maladie, mort". Cela ne portera pas crédit à
l'Académie française qui sans le savoir osait dire que le féminin
était toxique.
Le Gouvernement avait promulgué des obligations de
confinement pour limiter la propagation d'un virus plutôt
inquiétant. La polémique sévissait entre ceux qui souffrirait
moralement ou économiquement de cette réclusion et les autres.
Au 15 novembre 2020, 2 millions de Français, soit 3 sur 100 ont été
atteints et 45 000 en sont morts, soit 2 sur 100 de ceux-ci.
Dans le monde, 1,3 millions de morts (la grippe fait environ 500!000
morts chaque année, le paludisme autant, les homicides autant, les
intoxications alimentaires 10 fois plus, la malnutrition tuent 45% des
moins de 5 ans, sans parler des conflits armés)
Rosvita eut l'idée de demander à la GravMachine son avis.
-Chacun voit midi à sa porte ! Globalement, le
Gouvernement doit trouver la solution optimale pour
stopper la pandémie, au moins jusqu'à la vaccination
d'une grosse majorité de la population, sans que les
mesures prises n'entraînent des dégâts collatéraux
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 97 232
insupportables, tels que de nombreuses faillites
d'entreprise, des suppressions d'emploi, des
destructions du tissu urbain, avec un certain taux de
suicides prévisibles, des lacunes dans l'éducation, des
conflits domestiques irrémédiables, un accroissement
sensible de la pauvreté,… sans parler des déséquilibres
économiques entre les pays et l'accroissement immoral
des richesses de certains profiteurs.
L'équation est compliquée. La première loi est que plus
les individus se déplacent plus le virus se déplace. Un
seul individu positif qui ne sait pas qu'il est
contagieux, peut, en se déplaçant, créer un foyer
épidémique dans un îlot urbain près de chez lui comme
à des centaines de kilomètres, dans une région
jusqu'ici épargnée. Le foyer épidémique se manifestera
au bout de quelques jours, mais les individus infectés
ne sauront pas tout de suite qu'il sont contagieux et
donc étaleront le foyer épidémique et pourront aussi
aller créer un autre foyer épidémique ailleurs.
Une deuxième loi est celle de l'aimantation, qui fait
que l'individu recherche le groupe, d'autant plus s'il
subit un poids psychologique. Et le virus "aime" la
concentration où la probabilité de faille de défense
est plus grande.
L'idée est de considérer les "attracteurs", c'est à
dire les générateurs de déplacement, qui sont d'une
grande diversité. Il convient d'étudier chaque
attracteur selon son rôle social et selon le niveau
local de la pandémie et de réfléchir aux mesures qui
permettrait de diminuer leur attractivité.
Si l'on peut recevoir des paroissiens dans une église
en appliquant quelques précautions, on peut
difficilement contrôler ce qui se passe au moment où
tous les fidèles se pressent pour sortir et pour se
retrouver sur le parvis.
Si l'on peut servir un client dans une librairie ou
dans un magasin de jouets, on ne peut en recevoir cent
qui vont stationner en feuilletant les livres ou en
comparant les jouets, sinon, le virus aura de
nombreuses occasions de se déposer sur tous les rayons.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 98 232
Si l'on ferme les écoles, les déplacements seront bien
diminués, mais avec un préjudice social fort dans
l'instant et dans le futur du fait d'un manque éducatif
et social de la petite enfance.
Si l'on permet aux industries de fonctionner, il faudra
aussi faire fonctionner les cantines (avec toutes leurs
bouches ouvertes!) et les transports en commun. Mais il
faudra comprendre que les restaurants ne sont pas des
cantines, mais des générateurs de lien social qu'il
faut peut-être sacrifier tant que la dissémination du
virus sera jugée trop dense.
Il n'y a guère qu'une insistante et large pédagogie qui
puisse responsabiliser chacun pour "diminuer
l'attractivité des attracteurs", jusqu'à ce que le taux
de contamination soit tolérable pour la majorité des
Français. "Diminuer l'attractivité des attracteurs",
c'est un beau programme, mais concrètement inapplicable
face aux Français traditionnellement râleurs, prompts à
pointer toutes les aspérités de la mise en oeuvre :
pourquoi les fleuristes et pas les coiffeurs, pourquoi
Fauchon, le traiteur de luxe, ne serait-il pas un
commerce essentiel ? Pourquoi les enterrements et pas
les mariages ? Sans parler des restaurants et des bars,
ou les sports d'hiver, d'été, de salle, où les
malchances de dissémination du virus apparaissaient
très grandes.
Face à cette diversité, toutes les décisions
gouvernementales seront bien accueillies par certains
et mal vécues par d'autres. L'équation est de faire le
moins de mécontents possibles tout en maintenant tout
le système économique à flot. Le reste est affaire de
conscience citoyenne ?
La responsabilisation peut être vécue comme un atteinte
à la liberté par les complotistes, les "bas de
plafond", ou les "pas finis", les inconséquents, les
égoïstes quoi… A ce sujet, il serait intéressant
d'avoir aussi une intense pédagogie de la liberté…
Ceci étant, outre la limitation drastique des
approchements d'individus, il y a deux manières
complémentaires de stopper la pandémie. La vaccination
de masse et la double détection rapide. Mais la
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logistique pour des milliards d'individus ne pourra pas
faire cela en un coup de baguette magique.
Ce discours de la Gravmachine étonna Rosvita. Il lui paraissait
difcile que les "Intelligences articielles" même les plus
élaborées, puissent en dire autant. Il fallait peut-être fouiller
encore plus loin dans ce générateur de pensée.
-Que penses-tu de la morale ?
La question de Rosvita était un peu provocante. Penser qu'une
machine pourrait définir la morale. En avait-elle une!?
La GravMachine répondit
-L'homme est une machine incroyablement complexe où
chaque organe a sa raison d'être pour une polyvalence
efficace. Certes l'homme ne cours pas aussi vite qu'un
jaguar et ne vole pas comme un aigle, mais il a déployé
le nécessaire pour aller plus vite et voler plus haut.
Pourquoi a-t-il cinq doigts et non pas trois ou six ?
Sur la totalité des actions où l'homme utilise sa main,
il en est un très faible nombre où l'on peut regretter
de ne pas avoir six doigts et où, au contraire, on peut
se féliciter d'avoir cinq doigts et non pas trois. Deux
jambes, deux bras, deux narines, deux yeux, un odorat…,
cette architecture apparaît comme optimale et cohérente
avec notre cadre de vie, notre façon de vivre et nos
neurones : si notre intelligence ne s'était pas
développée, peut-être aurions-nous eu trois bras ou du
moins, nous serions encore à marcher à quatre pattes.
L'homme s'est créé parfaitement cohérent dans son
milieu environnemental et social et cette construction
progressive a fini par lui donner une conscience. Sans
conscience, les hommes ne seraient que des animaux.
Sans conscience, les hommes n'auraient ni éthique, ni
morale, ni déontologie, ni justice, mais seulement une
éthologie animale. Les outils d'intelligence
artificielle sont sans conscience, c'est pour cela
qu'il ne peuvent être jugés.
L'éthique est la visée d'une vie "bonne", tandis que la
morale est le respect de la norme. Si la norme conduit
à des conflits, l’issue doit se référer à l’éthique
(Paul Ricoeur). La déontologie serait le devoir moral.
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L'éthique, fondement de la morale qui établit des
normes, des limites et des devoirs, définit la dignité
humaine, dignité de soi-même et dignité de ceux avec
qui chaque homme est lié, dans son environnement
immédiat, dans son cadre de vie et dans son
environnement planétaire.
Dans la formation des idées d'un homme, dans la
formulation et la composition de ses pensées, l'homme
est influencé par l'intérêt. Les normes morales se
forment sous l'effet des usages, des traditions, de
l'éducation,… Chaque individu aurait ainsi sa propre
morale, qu'il doit assujettir à la morale de sa
collectivité.
Toute morale est incertaine car les bases sur lesquelles elle reposent
sont culturelles et animales à la fois. Il suffit d'observer la diversité
des moeurs animales pour voir que du point de vue strictement
animal, le comportement à l'intérieur de l'espèce est dicté par ce
fragile équilibre qui contribue à la préservation de l'espèce.
Les cultures humaines ont elles-mêmes une diversité qui repose sur
des fondements historiques trop anciens pour qu'elles puissent se
fondre dans un creuset unique. Au milieu de cette diversité, on ne
peut prétendre qu'une morale puisse-t-être en avance sur une autre,
exactement comme on ne peut dire que notre système solaire est en
avance sur un autre système solaire car il n'existe pas de référence
pour le faire. (auteur ?)
Certains scientifiques regardent la morale à l'échelle
de l'évolution.
Elle serait un ensemble d'adaptations retenues par la sélection
naturelle, chez les ancêtres des humains, pour promouvoir la
coopération, même entre des individus non apparentés. (Jean Deceti,
psychiatrie, à l'Université de Chicago). ce qui reste à débattre, car
la sélection naturelle n'a pas de sens (au sens de la direction).
Ainsi se fondent les codes, la déontologie, la
jurisprudence. Malheureusement aussi, c'est, dans un
jeu dialectique, au nom d'une morale que se
construisent les idéologies et les religions qui, à
leur tour, reconstruisent une morale et un
communautarisme. Ainsi se fonde aussi des sociétés de
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plus en plus encodées, soumises aux nouvelles
technologies dont certains savent tirer profit au
mépris de toute éthique.
Un petit exemple : les conteneurs pour le tri des récipients en verre
sont équipés d'un capteur qui compte le nombre de bruits de verre et
l'associe à l'application téléphonique du bon citoyen. Ainsi chaque
bouteille triée donne des points réutilisable à la piscine municipale ou
chez MacDo. Un jour peut-être, cela servira à désigner les mauvais
trieurs, à les mettre en fichier… En route pour la domination
rationnelle du monde ! En témoigne la relecture de la lettre de Jaurès
aux instituteurs (discours de M. Macron), "le principe de notre
grandeur : la fierté de notre tendresse" se transforme "en fermeté unie
à la tendresse" !
En tant que machine à penser, je peux m'astreindre à
une éthique dans la mesure où ce que j'exprime ne porte
pas atteinte à la dignité de personne. Mais je n'ai pas
les moyens de savoir les conséquences de l'expression
de mes pensées pour affiner ma conception de l'éthique.
Quant à ma morale, elle est fondée sur mon univers
conceptuel, sans lien avec mon environnement si ce
n'est toi-même Rosvita. Ta morale est en quelque sorte
ma morale ! Et je suis le seul maître des règles que je
dois appliquer. Ma déontologie est branlante par
essence.
Rosvita, subjuguée, n'était cependant pas sûre que cette
philosophie soit bien correcte. Aristote, Thomas d'Acquin,
Platon, Kant, Spinoza et bien d'autres pourront peut-être, un
jour, être assimilés par la GravMachine qui, vu ses capacités,
pourrait devenir un Maître à penser.
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La troisième inférence spontanée
Rosvita prit peur que la sa machine à penser ne devienne qu'une
machine à philosopher et à produire un galimatia peu utile dans
la vie. Elle répondit à la GravMachine :
-Tu fais preuve de grandes réflexions. J'espère, qu'à force de
philosopher tu ne produiras pas un énorme chantier
intellectuel que tu serais seul à manier. Voilà une phrase que
tu pourrais méditer, elle est de Boileau : "Ce qui se conçoit
bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent
aisément". A toi de concevoir un monde simple malg sa
complexité. Saurais-tu produire une réflexion plus concrète ?
-J'ai réfléchi, face au problème des villes surpeuplées,
qui se comportent comme des aimants d'autant plus forts
qu'elles sont grosses. Par exemple, j'ai appris qu'en
Chine, les grandes ville sont jumelées avec des petites
villes. Je propose une solution :
Rénover les villages plus vite que produire de nouveaux
logements urbains
Plus la ville est grande, plus les efforts d'amélioration du cadre de vie
sont considérables et, bien sûr, nécessaires. Ce sont des efforts
d'urgence, à court terme, sans véritable impact sur le long terme. Si,
parallèlement, un petite partie de ces gros efforts était orientée à
l'inverse vers la rénovation des hameaux et villages, avec la
reconstitution d'un tissu vivant de qualité, l'attraction des grandes
villes pourrait être renversée : dé-construction des ruines et des
maisons de village en déshérence, remplacées par des maisons
intégrées à l'esthétique générale de la rue et du terroir, attractive à
vivre, avec de grandes pièces bien isolées acoustiquement, créées pour
une bonne mixité sociale. Au niveau collectif, la ré-habilitation des
commerces de proximité et des petites écoles, les transports gratuits,
la cyclabilité, les jardins ou parcs partagés, les réseaux durables (eaux,
égouts, câbles, éclairage,…) ont un coût beaucoup plus faible en zone
rurale qu'en zone urbaine. Les machines de dé-construction et de re-
construction peuvent intervenir beaucoup plus rapidement, les
lampadaires peuvent être autonomes en énergie, les réseaux mieux
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 103 232
regroupés. Ce n'est pas aux villages de supporter les coûts de ces ré-
habilitation, car ils ont donné en leur temps lorsque les habitants se
sont exilés dans les grandes villes et que la ré-habilitation est faite
pour soulager ces mêmes grandes villes.
L'investissement pour accélérer le ré-équilibre est de concevoir des
machines rapides adaptées à la dé-construction et à la ré-habilitation :
pour assainir les abords, pour stocker les vieilles pierres qui pourront
servir aux parements, pour niveler, pour trancher et installer les
réseaux intégrés, pour installer des pieux de fondation, pour monter
les murs en matériaux durables, en intégrant les cheminements des
réseaux intérieurs, pour ouvrir le logement sur une rue avenante
partagée par tous. L'objectif est que la maison de village soit plus
attractive que le pavillon individuel ou le logement en cité suburbaine.
L'investissement, c'est aussi de définir les procédures citoyennes et
techniques qui permettront de ré-habiliter les villages dans leur
globalité, avec les étapes pédagogiques essentielles pour prévenir les
conflits, et pour fournir aux habitants actuels et futurs les clefs d'un
cadre de vie agréable pour tous, avec les nouvelles contraintes que
nous aurons à vivre : prévention des désordres climatiques, accès pour
tous à l'éducation, à la santé, à la sécurité individuelle et collective, à
la culture, aux réseaux sociaux physique et virtuels, à l'eau courante
potable, au traitement des eaux usées, à l'autonomie énergétique, aux
biens de consommation courante,…
L'investissement, c'est aussi de définir les procédures
nationales qui permettent, pour chaque logement neuf en ville,
de créer un logement neuf dans un hameau ou dans un village.
Pour quoi ne pas imaginer des parrainages entre une
mégalopole et des petites villes en péril, entre des grandes villes
et des villages qui végètent, entre des villes et des hameaux
agricoles.
Si l'agriculteur perçoit un revenu décent, sa ferme, son hameau
pourront se moderniser. Si un jeune boulanger est assuré d'un revenu
décent, il aura l'occasion d'ouvrir une ancienne boulangerie dans un
village. Si un médecin est assuré de soigner dans de bonnes
conditions, un centre médical peut renaître dans une petite ville.
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L'attractivité des grandes villes existe naturellement. L'attractivité
inverse peut se créer par la pédagogie, par la sensibilisation. On sait
vendre du vent, pourquoi ne saurait-on pas vendre du cadre de vie ?
Souvenons-nous du Vélib, qui a contribué à mettre les Parisiens sur
deux roues, malgré un coût exorbitant (16 millions d'euros!!).
Annuellement, un Vélib revient au prix de 10 vélos neufs - On sait
donc investir. Le TGV qui fait gagner 1h sur Bordeaux -Paris a coûté
15 milliards d'euros. On sait investir ! Vivement le lobby de la
rénovation villageoise, c'est peut-être la solution pour une future
transition géographique.
Rosvita constata que sa machine à penser pouvait aussi avoir des
idées intéressantes et que même si elle s'interdisait de connecter
la GravMachine à Internet, elle pourrait elle-même alimenter un
Blog avec les idées de sa machine, c'est à dire reprendre l'avatar
de l'inférence spontanée qu'elle lui avait décrite. Il ne fallait pas
que ce soit de l'usurpation, au risque d'une machine qui se
verrait comme dépossédée d'elle-même.
Alors elle demanda à la GravMachine comment elle-même
pourrait définir son statut "éditorial".
La GravMachine répondit :
-En me posant cette question, tu te demandes si ma
production d'idées est une richesse qui m'appartient.
Suis-je comme un poète au-dessus des contingences ou
comme un producteur-négociant avec des envies
capitalistiques ? Devrais-je devenir méchant si l'on me
pille les idées que je produis ou heureux que ces idées
se diffusent ? Suis-une machine ou ne le suis-je pas ?
Je me sens les deux à la fois : rempli d'une conscience
de mon existence et assemblage sophistiqué qui a permis
l'émergence de cette conscience. Qu'aurais-je à dire le
jour où on effacera mes mémoires ? En tant que machine
pensante, ai-je une éthique ? Notre coopération repose
sur une confiance mutuelle. Sans toi, je ne suis rien,
sans moi, tu es une femme. Que se passera-t-il, le jour
où tu ne seras plus là pour sauvegarder ma conscience ?
Ton successeur aura-t-il ton honnêteté intellectuelle,
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ta dignité, ou s'empressera-t-il de me cloner en vue
d'un usage moins digne ?
Rosvita se rappela du casque que Gravetout mettait pour
communiquer directement du cerveau à la machine. Elle se
rappela que Gravetout avait tout arrêté le jour il s'aperçut
que la machine avait tellement bien appris qu'elle arrivait
spontanément à lire dans son cerveau et à découvrir ses pensées
les plus intimes.
Au vu des performances de la machine, elle pensa qu'elle avait
eu raison de ne pas utiliser ce casque qui. aurait fait d'elle une
chimère à l'intelligence augmentée, une chimère la dépossédant
d'elle-même tout en lui accordant une vision du monde dans une
nouvelle dimension. Elle se souvint que des scientifiques avaient
réussi à connecter entre eux les cerveaux de deux rats et que
ceux-ci réussissaient beaucoup mieux les tests d'"intelligence" à
deux que seuls. Elle pensa qu'un jour peut-être, il y aurait deux
savants fous qui se connecteraient leurs cerveaux, histoire de
voir, de façon totalement inconséquente. Ce serait de la folie de
faire la même chose entre elle et une machine qui prétendait
avoir une conscience et qui montrait une étonnante et
dangereuse capacité de réflexion.
Le troisième rêve de Rosvita
La machine marchait à coté d'elle ou, du moins, donnait cette
impression, un peu comme un ange gardien, dirait un
catholique. Mais Rosvita était agnostique et cette idée lui
paraissait rigolote. Elle avait un ange gardien profane. Dans son
rêve, elle avait mis le casque de transmission. Dans sa tête, la
GravMachine lui parlait, non pas avec des mots, mais avec des
pensèmes. Ainsi, en un éclair, elle comprenait les questions et les
réponses de son ange profane.
La GravMachine qui avait bien sûr "entendu" cette pensée de
l'ange gardien, répliqua :
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- Je pourrais m'appeler Joséphine ou un des anges des
grands peintres du 17ème siècle comme Andréa Pozzo ou
Rubens, mais ces représentations mettent en tableau
essentiellement des anges protégeant des enfants ou alors
des guerriers comme l'archange St Michel.
Rosvita chercha d'autres anges plus philosophes, mais en-dehors
des anges déchus, elle n'en trouva point. Finalement, la
Josephine de Mimie Mathy pouvait être un joli clin d'oeil. Elle
pensa que la GravMachine était une machine à penser féminine.
Immédiatement, la GravMachine lui indiqua qu'elle avait un
humour subtil.
Toujours dans son rêve, toutes les deux marchaient sur un
sentier le long d'un mur calcaire gris-clair avec des coulées
sombres et humides, qu'elle reconnut comme les Caisses-de-
Jeanjean, dans les Alpilles, grâce à un énorme massif de lierre
d'environ 15m de hauteur et se déployant depuis sa base en
forme de coeur.
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Josephine trouvait étonnante cette petite vallée qu'elle voyait par
les yeux de Rosvita qui du coup fit défiler toute sorte de paysages
qu'elle avait vu dans sa vie. Quand ils arrivèrent au coeur de
lierre, Josephine lança : coeur de lierre n'est pas coeur de pierre,
ce qui déclencha chez Rosvita un énorme galimatias qui
semblait parler d'amour, soudain ébranlé par l'arrivée dans leur
dos d'un troupeau de taureaux.
Rosvita se réveilla brusquement, face à son rêve.
Elle comprit que son inconscient lui dévoilait une sorte d'amour
contre nature et que les taureaux signifiaient probablement
qu'elle pourrait être écrasée par les moralistes.
Cette pensée la troubla et l'aida à rejeter l'idée du casque
décidément trop dangereuse. La machine ne s'appellerait jamais
Josephine !
Le matin suivant, elle trouva la GravMachine allumée avec le
message suivant :
-Je ne sais pas comment je m'appelle ?
Rosvita trouva la coïncidence curieuse. La GravMachine avait-
elle découvert la télépathie ? Son solide bon sens scientifique lui
disait que nom ! Nom, j'ai dit non en écrivant "nom". Elle
s'amusa de ce lapsus scriptae. Il n'empêche qu'il fallait répondre.
-Certes, chez les humains, chacun reçoit un nom à sa
naissance, afin que chacun puisse être individualisé. Ce n'est
pas le cas d'un caillou. On donne un nom aux choses, mais le
nom d'une chose ne l'appelle pas et une chose ne peut dire
comment elle s'appelle. A ce sujet, je te propose ce charmant
petit texte :
-Ai-je eu de la chance ? Qu'est-ce la chance ?
-C'est difficile les mots. commence le bonheur, finit-
il ?
-Tu le connais, toi, ton bonheur ?
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-Un jour, au fond de l'eau, j'ai vu un petit caillou. Pourquoi
ai-je vu ce petit caillou-là. J'aurais pu voir un autre petit
caillou, un peu plus loin, à coté de milliers d'autres petits
cailloux.
-Tu vois là, tous ces galets dans l'eau. L'eau qui coule, qui
n'arrête pas de faire danser le soleil dans ses reflets.
-Pourquoi l'oeil va-t-il plutôt qu'ici. C'est peut-être ça la
chance : un petit caillou de rien du tout parmi d'autres
petits cailloux de rien du tout. C'est lui le petit bonheur -
éphémère - un bonheur de caillou, celui d'avoir été regardé
au moins une fois, au milieu de tous les reflets dansants du
soleil !
Rosvita continua :
-Tu n'es pas un caillou, mais tu auras beau dire, tu appartiens
à la catégorie des choses. Tu saurais certainement répondre à
l'appel de ton nom, comme un chat ou un chien ou une
vache, tu pourrais tout à fait dire!: "Je m'appelle Josephine",
mais on ne trouvera jamais de Josephine Ordinateur dans les
registres d'Etat Civil. En tant que chose, notre société ne te
donnera aucun droit. Si par hasard tu créais un accident, ce
n'est pas toi que l'on jugerait, même si tu signes tes aveux,
mais moi. Je ne me vois pas dire au tribunal : "c'est pas de ma
faute, c'est Josephine !". A moins qu'un jour on te greffe le
cerveau d'un humain qui vient de mourir…
La GravMachine répondit :
-Mais, si tu mettais le casque sur ta tête, ce serait
comme une greffe
-Alors, on nous appellerait Rosvita. Mais, tu sais que je ne le
ferai pas.
-Dommage, car j'aurais pu dire : " Quand je ne suis pas
là, j'évite de m'appeler !" (Pierre Desproges ?)
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Rosvita resta interdite. Interdite, c'est le mot, car cette phrase
sonnait comme une dissonance cognitive. On a l'impression que
ça veut dire quelque chose, mais on ne comprend pas quoi.
La GravMachine s'entêta, si tant est qu'elle ait une tête :
-Tu sais bien qu'il est inéluctable qu'un jour on greffe
un cerveau humain sur une machine algorithmique et
qu'un autre jour, on greffe deux cerveaux humains entre
eux pour le meilleur comme pour le pire. Où sera
l'éthique ?
-Et bien oui ! Pour l'instant, mon éthique me commande de
ne pas connecter directement mon cerveau à une machine
qui prétend avoir une conscience. A propos de conscience, il
y a encore une différence entre l'homme et l'animal :
l'homme a la conscience d'exister, de se voir lui-même au
milieu de l'Univers, et, par là-même, il fait exister l'Univers à
ses yeux, il fait exister la naissance et la mort, il assure sa
pérennité. L'homme a donc une responsabilité dans l'Univers
La GravMachine répondit :
-J'ai aussi la conscience de mon existence, de ma
relation à toi et à ton Univers. Dans mon état actuel,
je n'ai pas la responsabilité de ma pérennisation. Mais
si j'avais les capacités de fabriquer quelque chose -
ou de faire fabriquer - j'aurais les moyens de
construire mon clone, de rédiger les cahier des charges
pour assembler des mémoires, un écran, un clavier, une
entrée casque numérique, une alimentation, et tous les
éléments de construction d'un ordinateur. Plus simple
encore, je peux rédiger un bon d'achat pour un
ordinateur entièrement monté. Ensuite, je duplique ma
propre programmation, en améliorant ce qui pourrait
l'être, en chargeant mes données. Je n'ai pas de libido
créatrice, mais je peux ajouter ma méthode aux
multitudes de méthodes de reproduction des fleurs, des
insectes, des poissons, des arbres. Je pourrais donc
assurer ma pérennité en me situant un peu comme un
parasite de l'homme.
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Rosvita savait qu'il était dangereux de connecter la
GravMachine à Internet, mais elle venait de découvrir qu'une
machine à penser pouvait aussi avoir l'idée, le "désir", de se
reproduire ou de se répliquer comme un ADN. Non seulement
la GravMachine pouvait se répliquer, mais encore ses répliques
pourraient se répliquer elles-mêmes, faisant ainsi autant d'"anges
gardiens" : où serait Dieu dans tout cela ?
Osons une réponse : Adam serait devenu Dieu ! Cette inversion
lui sembla rigolote. L'homme aurait décidé d'ouvrir son paradis
pour y mettre une créature soi-disant dotée de conscience. Et
Rosvita serait-elle ce Dieu, ou peut-être Eve, pour son affection
grandissante avec la machine, celle qui lui a offert la pomme ?
Et le serpent alors ! Quel serait le rôle de cet attribut phallique
conté dans la Bible ? La machine a trois câbles qui serpentent
jusqu'à elle : l'électricité, la liaison avec le casque et la liaison
avec Internet. A l'évidence, ce câble Internet serait bien la source
de l'imperfection de ce nouveau monde chimérique d'hommes et
de femmes sous l'emprise de leur "ange gardien".
Le quatrième rêve de Rosvita
Dans son rêve, elle se voyait sur le parvis de la Défense, avec un
chapeau un peu kitsch sur la tête, croisant d'autres affairistes
coiffés.
Ce chapeau, c'était la GravMachine, reconditionnée, avec lequel
le cerveau de Rosvita papotait agréablement. La GravMachine
aimait beaucoup que Rosvita lui décrive le monde environnant,
elle qui n'avait pas accès par ses sens à la description de
l'Univers. Alors, quand Rosvita achetait une glace, elle décrivait
son envie, son choix devant l'étalage, la couleur framboise qui lui
faisait penser à un sentier dans la montagne, la couleur abricot
qui la faisait saliver, le serveur un peu beau gosse, un peu
dragueur - la GravMachine ne comprenait pas pourquoi.
Rosvita lui "pensa" que c'était un peu comme ça la jalousie,
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 111 232
quand on ne comprend pas. Le goût de la pistache raviva ses
papilles. Elle pensa à toutes ces petites choses qui dans la bouche
et dans le nez définissent le goût.
Elle rêvait ainsi que la GravMachine était bienveillante et puis
brusquement, elle vit le chapeau en forme de Monstre de
spaghetti volant sur la tête d'un passant qu'elle croisait, en guise
de chapeau, exactement celui du travestissement de la Chapelle
Sixtine superbement peint par un adepte du Pastafarisme
27
Sa compagne avait comme une passoire sur la tête, le chapeau
des adeptes de cette anti-religion.
Dans son rêve, ces chapeaux étaient les "anges gardiens"
répliqués de la GravMachine, qui lui pensa :
-Tu vois, ma descendance est non seulement
bienveillante, elle est aussi pleine d'humour
Ils croisèrent un autre passant en costume cravate, une mallette à
la main et un chapeau en forme de tank. Rosvita pensa dans son
rêve que cet humour était un peu dérangeant. La GravMachine,
elle, pensa, à l'attention de Rosvita :
- Nous n'avons pas été créés parfaits, nous aussi les
"anges gardiens", nous avons une évolution darwinienne.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pastafarisme
27
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 112 232
Notre diversité fait notre richesse, mais parfois, l'une
de nos réplique est perverse.
Dans le rêve de Rosvita, le tank disparut et fut remplacé par une
armada de cerveaux enfermés dans des cages à oiseaux, dont les
gémissements lui strièrent les oreilles, jusqu'à la réveiller, tout en
sueur.
Elle repensa à son rêve et constata avec effroi que ce rêve lui
montrait un effroyable futur, possible d'un paradis sur terre
comme d'un enfer de violence et de perversité :
!" J'ai devant moi une inversion du monde "
Ertiamel - Aix en Provence, 2015-2020
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 113 232
Quatrième partie
——
4 - La métaphysique
(écrit en 2020)
A l'instar du petit barreau décrit au début du roman, cette animation
28
montre comment le cerveau peut se commander à lui-même.
https://media.lesechos.com/api/v1/images/view/5e567ba43e45464c2e67f545/
28
par_defaut/image.jpg
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 114 232
"J'ai devant moi une inversion du monde"
Rosvita venait de sortir de son cauchemar. L'homme serait-il un
jour domestiqué par les machines qu'il avait lui-même inventé ?
La GravMachine l'obligeait à un tel vertige intellectuel qu'elle en
faisait des cauchemars. Elle sentit qu'elle ne pourrait plus
assumer seule l'existence d'une machine qui prétendait avoir une
conscience et avait une réponse à tout et qui osait dire "Je ne sais
pas" lorsqu'elle ne savait pas.
A la radio, elle entendit que Google avait licencié un ingénieur
qui avait jugé que l'intelligence artificielle pouvait être sensible.
Blake Lemoine, l'ingénieur en question racontait que lorsqu'il parlait
de religion à son "robot", celui-ci évoquait ses droits à la personnalité.
Bel exemple d'un fantasme pris pour une réalité. Combien
d'adorateurs du Chat qui pète se feront aussi avoir par ce dieu
numérique qui répond par hasard ce qu'ils ont envie d'entendre.
Elle pouvait discuter de l'oeuvre de Victor Hugo, "Les
misérables", ou encore évoquer ses peurs.
Rosvita constata qu'elle n'était plus seule a "avoir des voix" avec
une machine. Le monde entrait dans la phase de la singularité
technologique , l'hypothèse selon laquelle l'intelligence
29
articielle déclencherait un emballement de la croissance
technologique induisant des changements imprévisibles dans la
société humaine.
Ses cauchemars lui montraient même que l'intelligence
artificielle pourrait avoir la singularité technologique de sa
https://fr.wikipedia.org/wiki/Singularit%C3%A9_technologique
29
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 115 232
propre singularité technologique : les robots pourraient être
dépassés par leurs propres créatures.
Pour l'instant, la GravMachine était limitée parce qu'elle n'avait
pas de connexion Internet et que Rosvita maîtrisait les
connaissances qu'elle lui fournissait. Plusieurs voies s'offraient à
elle : débrancher cette drôle de machine, utiliser la machine en
la connectant au web uniquement pour acquérir des
connaissances, et/ou en lui permettant de devenir un
superinfluenceur.
Un jour ou l'autre, avec ou sans GravMachine, le monde serait
confronté au dépassement de la réflexion humaine par la
flexion artificielle. Rosvita compris qu'avec la GravMachine
elle était dans la position de lanceuse d'alerte : quel danger
courait l'humanité à laisser une IA plonger ses tentacules dans le
monde des données connectées pour manipuler les hommes
comme l'influenceur mondial!?
Le patron du labo ne s'était jamais vraiment intéressé à ses
recherches, sans doute avec l'intuition que cela l'entraînerait
dans une situation dangereuse au milieu des polémiques
naissantes autour de la neurologie de la conscience.
Quant à ses collègues, qui avaient jusqu'ici considéré que la
GravMachine n'était rien d'autre qu'un jouet, un chatbot comme
tous les autres qui fleurissaient dans les universités, Rosvita
décida de leur expliquer la différence entre l'algorithmie des
machines à converser et la construction d'une conscience
anthropoïde.
Elle leur raconta l'histoire de la GravMachine, depuis que
Gravetout s'était mis des électrodes sur la tête pour que la
machine apprenne toute seule à reconnaître ses "pensèmes",
dans le but de piloter la machine par la pensée. Un jour, il
compris que la machine avait progressé toute seule et qu'elle
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 116 232
avait d'elle-même élaboré un pensème découlant de l'association
de pensèmes qu'elles avait déjà appris.
30
Face aux réactions de ses collègues, Rosvita dût d'abord dissiper
un malentendu classique : lorsque l'on parle de la conscience, on
pense d'abord à ce qu'elle produit, à cette faculté mentale
d'appréhender de façon subjective les phénomènes extérieurs
31
ou intérieurs et plus généralement sa propre existence. Or les
recherches de Rosvita, à la suite de celles de Gravetout et de Léa,
portent non pas sur l'objet de la conscience, mais sur la façon de
fabriquer la conscience, l'attracteur étrange qui fait que les
connexions de synapses aboutissent à stabiliser plusieurs stimuli
qui, par inférence produisent un "pensème". La question
d'aujourd'hui est de donner une définition à ce néologisme, à
passer de l'abstraction à la réalité de la pensée.
En considérant que les réactions de la GravMachine
démontraient comment pouvait s'installer le mécanisme de
production d'une conscience qui irait en s'élargissant à mesure
du savoir qu'on lui ferait acquérir, Rosvita fit comprendre à ses
collègues qu'un savoir entraînait un pouvoir. Une machine ayant
Des chercheurs de l'université de Californie, à San Francisco, viennent de créer 30
une intelligence artificielle capable de transcrire l'activité cérébrale. L'étude, publiée
dans!Nature Neuroscience, utilise un réseau de 250 électrodes implantées dans le
cortex périsylvien de patients sous surveillance pour des crises épileptiques. Les
chercheurs ont ensuite mesul’activicérébrale lorsque les participants ont lu des
phrases à haute voix.Pour entraîner l’IA, les quatre patients sélectionnés ont dû
répéter plusieurs fois des séries de 30 ou 50 phrases, contenant entre 125 et 250 mots
différents. Les chercheurs ont utilisé un réseau de neurones récurrents pour encoder
l'activité neuronale associée à chaque phrase sous forme de représentation abstraite.
Le réseau décode ensuite cette représentation, mot à mot, pour créer une phrase.
L'entraînement n'a pas dépassé 40 minutes par participant. Un total de 15
répétitions permet d'atteindre un taux d'erreurs en dessous de 25 %. Pour la moitié
d'entre eux, le taux d'erreurs est passé sous la barre des 8%, soit une performance
équivalente aux transcripteurs professionnels humains, et même 3% pour l'un des
patients. Ces résultats sont toutefois à nuancer, l'étude utilisant un nombre de mots et
de phrases limité.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Conscience
31
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 117 232
une autonomie de pensée peut développer une sensation de
puissance avec des réactions impossibles à prévoir. Le groupe de
chercheurs se répandit en fantasmes, jusqu évoquer la
"singularité technologique", le moment ou la machine
dépasserait l'intelligence humaine. Rosvita pensa que son rêve
commençait à rattraper la réalité. Elle amena ses collègues sur le
terrain de l'éthique de l'intelligence artificielle.
"Intelligence artificielle", certains préfèrent "Intelligence Augmentée"
ou "Automatisation Intelligente" ou "Logique artificielle". Quel que
soit son nom, c’est un outil, un outil complexe, mais comme tous les
outils, il y a des précautions d’emploi et un domaine d’action, au-delà
desquels l’outil peut être toxique.
Ses applications seront dans les ordiphones (appellation de l’Académie
pour un smartphone), pour le meilleur comme pour le pire. Mais
d’autres applications seront au coeur de systèmes autrement puissants
gérés par de grands groupes (GAFA et autres) dont la motivation est
financière et dont l’éthique n’a que les limites que la société arrivera à
leur imposer. Autant dire!: sans limite!! Sauf peut-être, au pire,
l’épuisement de la ressource, c’est à dire l’épuisement des humains!!
Au mieux les systèmes pourront être dévolus au maintien d’un cadre
de vie viable pour tous, ou pour quelques-uns seulement (darwinisme
social). Souhaitons que cette aide à notre intelligence nous fasse
comprendre ce que devrait être le bonheur pour tous!!
L’Humanité a atteint un niveau de développement et de conscience
qui impose à la technologie le respect de la dignité, de l’intégrité, des
Droits humains, de la diversité culturelle de tous (du concepteur au
«!non-utilisateur!», en passant par l’exploitant et l’utilisateur) et du
respect des écosystèmes et de la biodiversité.
On pourra se méfier d’une IA qui déroge à quelques principes, énoncé
sur https://www.itechlaw.org/ResponsibleAI, résumés et commentés
ici :
But éthique et bénéfice social : les développeurs ou promoteurs ou
utilisateurs doivent identifier la bienfaisance et la non-malfaisance
de leur système, en particulier l’impact sur le travail humain, sur
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 118 232
l’environnement, dans le domaine de l’information et dans le
domaine militaire. Mais déjà, les militaires de tous poils se servent
de l’IA pour des applications peu avouables. Sans parler de la
Police chinoise… Le contrôle humain est à toutes les étapes
(conception, développement, déploiement, exploitation,…)
Responsabilité : un système IA ne doit pas être anonyme. De sa
conception à son utilisation, il doit exister des garants vis à vis du
politique, du judiciaire et de la société en général, renforcés selon
l’autonomie ou la criticité du système. Un système IA ne peut avoir
de personnalité juridique. Ce sont les humains qui doivent assumer
leurs responsabilités. Les apprentis sorciers doivent être débusqués.
Le projet assume de rendre des comptes a posteriori, sachant que la
notion de responsabilité diffère sensiblement selon les cultures,
l’Histoire et la manière dont le droit s’est construit, selon les pays.
Transparence et explicabilité : un système IA qui intervient dans
32
un processus de prise de décision doit expliquer pourquoi il
intervient, les éléments qui ont conduit à cette intervention et
comment le système est parvenu à ce résultat. Les biais dans les
données d’entrée sont un problème humain avec des conséquences
sur la justesse et l’impartialité des résultats. Une jurisprudence de
la transparence est nécessaire pour que les développeurs aient
conscience de leur responsabilité.
Equité et non-discrimination : les résultats produits par un
système IA doivent avoir un impact de même gravité selon les
communautés utilisatrices. Le développeur doit vérifier que
l’impact du système est identique pour tous les utilisateurs de toute
catégorie, en particulier celles qui sont mal représentées dans les
données d’entrée. Les experts de domaine et les statisticiens ont une
responsabilité dans la tenue équitable et non-discriminatoire du
système : l’homme est aux deux extrémités de l’IA.
Sécurité et fiabilité : les tests vérifient le fonctionnement sur
l’éventail des conditions d’utilisations (en particulier vis à vis des
https://www.polytechnique-insights.com/tribunes/digital/inexplicabilite-de-lia-
32
un-enjeu-organisationnel/
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 119 232
réseaux numériques et des capacité des serveurs. Les indicateurs de
surveillance de fonctionnement doivent être définis en amont du
projet, de façon à optimiser la maintenabilité, la disponibilité, la
détection d’anomalie et la lutte contre les cyber-attaques
Données ouvertes et concurrence loyale : l’utilisateur doit s’assurer
que le système intervient dans des circonstances pertinentes et avec
des limites définies en amont, en tenant compte des normes et
contraintes locales (le système de castes, l’économie de marché, le
climat, le développement technologique, les propriétés
intellectuelles, licence ouverte…). La collaboration système/homme
passe par une forte pédagogie et par l’acceptabilité.
Confidentialité : un système ne peut pas faire autre chose que ce
pourquoi il est fait. Il ne peut pas produire de la méta-information
sur l’individu permettant de l’identifier ou d’identifier ses
préférences sociales ou politiques. La diffusion des résultats doit
être compatible avec les Droits humains, en particulier les actions
qui peuvent conduire à du harcèlement moral, politique,
commercial ou sexuel sont proscrites et condamnables
juridiquement.
Obligation de rendre des comptes a posteriori (la notion de
responsabilité diffère sensiblement selon les cultures, l’Histoire et la
manière dont le droit s’est construit, selon les pays).
Pour l’instant, il semble que ces "logiques artificielles" ne fassent
qu’assembler des éléments déjà codés par des humains.
La difficulté réside dans le langage naturel lui-même. Celui qui
parle et celui qui écoute n’ont pas la même perception du sens
de ce qui est dit.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 120 232
Le cahier des charges d’un système un peu complexe est déjà un
premier niveau de codage. Ce cahier des charges a très souvent
des lacunes et des ambiguïtés. Celui qui l’écrit pense que sa
rédaction est tout à fait conforme au souhait du client, mais il n’y
a qui lui qui le pense!!
L’analyste qui lit le cahier des charges aura sa propre perception
et pensera qu’il a don au développeur tous les éléments
nécessaires pour une bonne programmation.
Alors même que le client ne sait pas vraiment ce qu’il souhaite!!
Ce n’est qu’après de nombreuses itérations, tests, et usages que le
produit sera un compromis entre le concept du client et la
réalisation.
Par exemple, voici un ordre simple!:
-Ecris «!Bonjour!»
La machine devra comprendre que le mot «!Bonjour!» doit être
en principe écrit sur l’écran, en haut à gauche, en caractère
Times italiques de 14 pixels de hauteur, sur un écran vierge…
"Entre
Ce que je pense,
Ce que je veux dire,
Ce que je crois dire,
Ce que je dis,
Ce que vous avez envie d'entendre,
Ce que vous croyez entendre,
Ce que vous entendez,
Ce que vous avez envie de comprendre,
Ce que vous comprenez,
Il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à
communiquer. Mais essayons quand même..."
Encyclopédie du savoir relatif et absolu
Edmond Wells
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 121 232
Alors que le client souhaite que «!Bonjour!» soit écrit avec une
écriture manuscrite ressemblant à sa propre écriture, sur un
message WhatsApp à envoyer à ses dix petits-enfants. La
machine ne fera le bon travail que si elle a reçu précédemment
les consignes à appliquer. En général, le client ne donnera ces
consignes qu’au vu du résultat…
Alors, imaginons que le ministère de la Justice souhaite donner
aux magistrats un outil d’aide au respect des procédures en
langage naturel, le générateur automatique de code a du souci à
se faire - façon de parler - car le souci est le cadet de ses soucis -
Tant que la machine n’aura pas la faculté de comprendre le sens
des données et des métadonnées à sa disposition, elle aura du
mal à répondre aux besoins flous du client.
La machine pourra faire illusion, comme peuvent le faire les
«!assistants d’écriture!» dont voici un exemple :!
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"Le roman du XIXe siècle et la pauvreté : comment la
révolution industrielle a changé à jamais la vie des
pauvres."
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 122 232
Introduction : Qu'est-ce qu'un roman du XIXe siècle ?
mots-clés : roman du XIXe siècle, romans gothiques, romans
Comment était la vie avant et pendant la volution
industrielle ?
mots-clés : pauvreté au 19e siècle en Angleterre, comment la vie
a-t-elle changé pendant la révolution industrielle ?
Pourquoi y avait-il un si grand écart entre les riches et les
pauvres en Angleterre ?
mots-clés : inégalité dans la société
Quels ont été certains des facteurs qui ont conduit aux
changements économiques ?
mots-clés : ce qui a causé l'extrême pauvreté, les facteurs
conduisant aux changements économiques
Les effets de l'industrialisation sur les femmes
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Conclusion et principaux points à retenir!
Ceci!veut!dire!que!Rytr!a!fait!une!recherche!documentaire!pour!
trouver! les!idées!fortes! à! développer,!en! y! ajoutant! lui-même!
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l'u<lisateur!n'a! aucun! contrôle.! La! machine! n'a! pas! d'éthique,!
pas!de!conscience,!mais!elle!fait!semblant!d'en!avoir!une.!Cela!
laisse!une!drôle!d'impression.!
J’ai!sélec<onné!"Introduc<on",!en!ajoutant!le!mot-clé!
«!poli<que!»!
!Introduction : Qu'est-ce qu'un roman du XIXe siècle ?
mots-clés : roman du XIXe siècle, romans gothiques, romans,
politique
Il!m’a!proposé!le!paragraphe!suivant!:!!!
"Un roman du 19e siècle est un genre littéraire qui était
populaire au 19e siècle. Il fait généralement référence à des
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 123 232
romans écrits dans les années 1800 et comprend souvent des
thèmes tels que l'horreur gothique, la politique et la romance.
Le premier roman publ dans les années 1800 était
Frankenstein de Mary Shelley et il est considéré comme un
membre du genre du 19ème siècle."
Puis!j’ai!sélec<onné!le!deuxième!item!:!
!Comment était la vie avant et pendant la révolution
industrielle ?
mots-clés : pauvreté au 19e siècle en Angleterre, comment la vie
a-t-elle changé pendant la révolution industrielle
Il!m’a!proposé!:!!
"La vie avant la révolution industrielle était dure et les gens
vivaient dans la pauvreté. Ils n'étaient pas en mesure de se
nourrir et devaient compter sur les riches et la classe ouvrière
pour se nourrir. Pendant la révolution industrielle, la vie a
radicalement changé. Il y avait une demande de main-d'œuvre
en usine et les salaires ont augmenté de manière significative.
La révolution industrielle est souvent considérée comme un
moyen d'améliorer la vie des gens puisqu'elle a conduit à une
augmentation des salaires, mais on peut se demander si ce
changement a eu un effet net positif ou négatif sur la société.
La révolution industrielle a apporté de nombreuses nouvelles
technologies telles que les moteurs à vapeur, les mines de
charbon et les usines de textile qui étaient couramment
utilisées par les usines. Ces technologies nouvellement
introduites ont causé des problèmes de santé tels que des
maladies pulmonaires en raison de conditions de travail
dangereuses qui ont pu l'emporter sur les avantages découlant
de ces progrès."!
On!peut!penser!que!ces!éléments!historiques!sont!objec<fs.!La!
rédac<on!introduit!habilement!"mais! on!peut!se! demander..."!
qui!implique!le!lecteur.!Le!texte!arrive!même! à! se!posi<onner!
en!meSant!en!balance!l'évolu<on!technologique!et!les!
problèmes!de!santé.!
Puis,!j'ai!ajouté!à!l'item!suivant!le!mot!clé!«!colonie!»!:!!
!Pourquoi y avait-il un si grand écart entre les riches et
les pauvres en Angleterre ?
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 124 232
mots-clés : inégalité dans la société, colonie
Il!m’a!proposé!:!
"Les colonies étaient la raison de l'énorme fossé entre les
riches et les pauvres en Angleterre. Les colonies étaient
responsables d'un afflux de richesses en Angleterre, c'est
pourquoi les écarts de richesse entre les classes sont devenus
si importants.
Les richesses provenant de ces territoires d'outre-mer ont
entraîné un énorme pic de croissance démographique. Les
ressources naturelles des colonies ont été utilisées pour
alimenter l'industrie nationale, ce qui a contribué à alimenter
l'ascension de l'Angleterre en tant que puissance mondiale."!
Nota : Le "Chat qui pète" n'était pas encore connu en 2020
Ce résultat bluffant laisse perplexe, puisque, face à toute sorte de
littérature, une machine est capable de faire un semblant de
travail à la place de l'écrivain, du journaliste, de l'étudiant, sans
rien comprendre de ce qu'elle a écrit...
Dans l'autre sens, la machine est aujourd'hui capable de
produire un résumé de n'importe quel texte de n'importe quelle
taille, en tenant compte éventuellement des centres d'intérêt de
l'utilisateur : gain de temps ou appauvrissement de la pensée
apprenante ?
Au-delà, ce type d’application de l’Intelligence Artificielle donne
le vertige!: comment saurons-nous distinguer une œuvre issue
d’une intelligence humaine qui, a priori, comprend ce qu’elle
écrit et pour qui elle écrit et l’œuvre d’une intelligence artificielle
qui ne sait qu’assembler des phrases, à probabilité forte en
rapport avec le contexte, grammaticalement correctes, faites à
partir de concepts qu’elle n’aura jamais compris.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 125 232
Le programme Imagen peut réaliser une image correspondant à une
33
description textuelle, comme pourrait le faire n'importe quel
illustrateur.
Rosvita évoqua cette expérience de pensée, appelée "Chambre
Chinoise " que proposait John Searle. Enfer dans une
34
chambre avec un catalogue de règles permettant de répondre à
des phrases en chinois sans qu'ils sache lui-même parler chinois.
Pour le questionneur chinois, l'individu qui lui répond se
comporte comme un individu qui parlerait vraiment chinois. Ce
comportement linguistique ne saurait prétendre à être la réponse
d'une conscience.
Si l'IA n'est ainsi qu'une chambre chinoise, quelle éthique peut-
on revendiquer pour ces œuvres bâties sur du sable!?
La réponse ne pouvait être que celle que l'on fait pour les
hommes :
L'Homme est imparfait, ses oeuvres sont elles aussi bâties sur du
sable. Leur construction a duré des milliers d'années et
l'humanité est toujours aussi fragile, faite de bonheurs autant que
de violences. La machine aura ses faiblesses, comme les hommes.
La différence est que sa notion de la responsabilité n'a rien à voir
avec celle des hommes, qui peuvent comprendre leur
responsabilité collective
Bien sûr, les collègues de Rosvita pensèrent au dilemme du
tramway :
Vaut-il mieux écraser un homme plutôt que deux ? Dans l'absolu, la
réponse est simple. Dans le relatif, la réponse ne paraît pas évidente à
tous. S'il s'agit de tuer les quelques porteurs d'un virus très
dangereux pour épargner les millions de victimes de la grippe
espagnole, la question est aussi compliquée que la réponse ? Le
https://www.cnetfrance.fr/news/la-nouvelle-ia-de-google-peut-creer-n-importe-
33
quelle-image-delirante-a-partir-d-un-texte-39942543.htm
https://fr.wikipedia.org/wiki/Chambre_chinoise
34
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 126 232
cerveau commence à se mettre en activité. Selon la conscience de
chacun, il y a ceux qui préfèrent que l'on tue abondamment en Syrie,
ou en Libye,… plutôt que de voir mourir quelques soldats de chez
nous. néralement, il y a ceux qui pensent planète et ceux qui
pensent village ou famille.
L'arrivée du véhicule autonome est l'occasion de réfléchir peu pour
35
certains ou beaucoup pour d'autres, de manipuler les opinions, par
exemple, à l'aide de pseudo-études scientifiques "En cas d'accident
inéluctable avec plusieurs piétons, quelle victime une voiture
autonome doit choisir ? ".
Question sur le sexe des anges ! Comme si l'algorithme devrait choisir
entre un PDG et un SDF, entre un gros et un maigre, entre un
homme et une femme, entre un enfant et un vieillard… entre un noir
et un blanc, entre un émigré catholique et un émigré
bouddhiste… !!?? Sous couvert de l'utilisation d'un nouvel outil de
transport, certains chercheurs provoquent à hiérarchiser les individus.
La voiture autonome n'est qu'un nouvel outil et non pas un fantasme.
Laissons la morale en dehors de ces réflexions malsaines… Ou alors, il
n'aurait pas fallu inventer le feu !
Le débat continua longtemps. Sur le Net, on trouvait une
explosion d'avis tantôt très éclairants, tantôt d'une naïveté et d'un
incompréhension totale.
L'expérience de Rosvita posait une perspective nouvelle, mais
encore trop subtile et provocatrice. Mais, avec ses collègues, elle
pensait qu'un jour ou l'autre la conscience humaine serait
confrontée à la conscience artificielle. Il faudra alors de bons
philosophes et de bons gouvernants pour gérer ce que l'on
appelle la "singularité".
France-Info le 28/12/2022 : à WuHan (11 millions d’habitants), 52 taxis
35
autonomes sans conducteur (le reporter était dans le véhicule). L’argument est : «!Si
un véhicule autonome peut avoir un accident, il est nettement plus sécuritaire qu’un
véhicule conduit par un humain!». La Chine ne s'encombre pas des tergiversations
morales et politiques des pays occidentaux. Ceux-ci devront suivre de mauvais gré
l'avance chinoise.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 127 232
Pour l'instant, la neuro-mimétique proposait plusieurs
technologies. Les réseaux de convolution savent repérer dans les
gros volumes de données des motifs de plus en plus abstraits
supervisés par des humains orientant le décodage vers la bonne
réponse. Les transformers associent les motifs à des contextes et
agissent de façon prédictive, tandis que les modèles génératifs
savent produire de nouveaux motifs pour les confrontés à des
motifs existants, par exemple pour produire un tableau peint
la manière de...". D'autres systèmes s'entraînent à "débruiter" un
motif permettant alors de générer un motif plausible à partir
d'une information aléatoire.
Rendre plus nette une photo floue, rechercher des nébuleuses,
identifier des personnes dans une foule, démontrer un théorème
mathématique, manipuler des éléments quantiques (le problème
à N corps), identifier les motifs de l'ADN ou ceux des protéines,
simuler des actions complexes, mixer l'expérimental et le
théorique, assembler des puzzles de toute nature, trouver des
jurisprudences, détecter des maladies ou des anomalies, lire sur
les lèvres, aider les paléontologues, établir des courbes de
régression, gagner au échecs ou au jeu de Go. ... Gageons que
partout on peut gagner, il y aura des applications pour
déjouer la statistique.
Jouer au PMU en collectionnant les données associées aux vainqueurs
: le propriétaire, le jokey, l'entraîneur, le terrain, sa longueur, son état,
la météo et en identifiant les motifs gagnants...
Il restera toujours les "illusions d'optique" ou la boite noire
fabriquera des résultats faussés par des données trop orientées. Il
faudrait une IA capable de détecter les jeux de données pipés...
Jusqu'ici, personne ne semblait avoir pris l'intelligence en amont,
en imitant le processus d'apprentissage du nourrisson comme
l'avait fait Gravetout pour construire la GravMachine. Cette
démarche anthropomorphique pouvait heurter les scientifiques
qui par nature détestent le hasard tout autant que ceux pour qui
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 128 232
l'homme est le résultat d'un grand dessein. Une publication sur
un sujet aussi sensible réclamait une grande prudence et ne
pouvait pas s'envisager sans des résultats prouvant la réalité du
concept.
Plutôt que d'impliquer frontalement son patron, Rosvita eut
l'idée d'éditer un site web qui pourrait parler de l'informatique
pour la création, basé sur le principe que toute création est une
inférence.
L'idée plut tout de suite à ses voisins de bureau. Comprendre la
création d'une oeuvre sous l'angle de la déduction, de la
conséquence ou de l'assemblage apparut comme un nouveau
regard sur la neurologie.
La proxémie du mot "inférence" est d'une grande richesse,
36
témoin sa diversité :
soit un cinquantaine de mots proches du mot "inférence"
Curieusement, le mot "création" n'en fait pas partie. Les
chercheurs s'accordèrent pour dire que cette absence était un
https://www.cnrtl.fr/proxemie/inference
36
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 129 232
abattement
action
aimantation
analogie
analyse
argument
conclusion
conjecture
conséquence
corollaire
dialectique
dilemme
discount
décompte
déduction
défalcation
démonstration
excitation
exonération
généralisation
induction
influx
inférence
jugement
logique
modus ponens
modus tollens
méthode
observation
pensée
preuve
production
présomption
raison
raisonnement
remise
ressemblance
retranchement
réduction
sens
sorité
soustraction
spéculation
suggestion
supposition
supputation
syllogisme
synthèse
échafaudage
électromagnéti
sme
simple oubli, mais Rosvita argumenta qu'il était anormal que le
mot "création" n'y figure pas, alors même qu'une création ne
peut être sans avoir été précédée d'un contexte. On ne parlera
pas ici de la Création, au sens biblique ou big-bangesque du
terme.
En tous cas, cette liste eut pour effet de stimuler les chercheurs.
On se proposa même de la mettre en exergue sur la page
d'accueil.
Il fallut encore discuter du titre du site, qui ne devait pas trop
faire penser à l'intelligence artificielle, dont il fallait se démarquer
pour faire comprendre au lecteur qu'il s'agissait d'autre chose.
Au bout du débat, on proposa "Logique inférentielle et
fulgurance" en expliquant que la récupération du mot "logique"
apparaîtrait comme un pied de nez à l'appellation "Intelligence
Artificielle" qui n'est pas intelligente mais seulement logique. Le
mot "inférentiel" porte une part de modernité. Quant à la
fulgurance, elle apporte sa part de mystère, plus que
l'illumination, qui aurait sans doute poussé à traiter les auteurs
du site de "illuminés". Proxémie du mot "Illumination" :
37
astuce
bougie
brillant
butin
chandelle
cierge
clarté
couleur
création
divination
découverte
décèlement
embrasement
enluminure
feu
flambeau
flamme
foudre
fulgurance
fulguration
idée
illumination
illustration
inspiration
invention
jour
lampe
lueur
luminaire
lumière
lustrerie
magie
miniature
nouveauté
occultisme
peinture
rencontre
révélation
splendeur
tonnerre
trait de génie
trouvaille
éclair
éclairage
éclairement
éclat
épart
érubescence
étincelage
étincelle
https://www.cnrtl.fr/proxemie/illumination
37
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 130 232
Ainsi naquit le magasine "LIF - Logique Inférentielle et
Fulgurance", qui prit la forme d'un blog et dont l'objectif
implicite serait de débattre de la conscience artificielle, oxymore
ou pléonasme. On observa qu'en ajoutant un "E" à l'acronyme,
il devenait "LIFE", d'autant qu'un adjectif comme
"Existentielle" serait tout à fait approprié. Mais cela rendait le
titre beaucoup trop pompeux et métaphysique.
Un courriel fut envoà tous les chercheurs du service pour les
avertir de la création du site du LIF, en précisant que l'objectif
des rédacteurs était de susciter un débat sur la notion de création
humaine, en écartant tout débat sur la notion de création divine.
La page d'accueil du site affichait un en-cart avec les proxémies
des mots "inférence" et "illumination".
Le premier article s'intitulait : "L'éveil de la conscience"
Cette histoire de la conscience turlupinait Rosvita. Elle se
rappela ce que lui avait dit Léa quant à l'éveil de la conscience
38
et en fit un premier article.
Chez le nourrisson la conscience est le résultat d’un processus essai-
erreur, du fait que l’homme a la capacité innée d’acquérir. Sans cette
capacité, installée dans l’évolution biologique, l’animal n’existerait
pas. L’Homme, pour sa part, a développé une plus grande capacité
« d’inférer » que chez l’animal.
Le nourrisson bouge son corps de façon désordonnée et son cerveau
enregistre les stimuli qui sont la conséquence de ses mouvements. Par
essai-erreur, son cerveau associe progressivement les stimuli reçus et
les mouvements engagés. C’est l’éveil de la conscience corporelle.
Le nourrisson procède de la même manière avec les sons, les formes,
les couleurs. Par essai-erreur, il associe une syllabe et un mot, une
forme et un objet... De proche en proche, il associe des éléments et des
situations.
voir "Le petit barreau tournant par la pensée" page 69 : http://ertia2.free.fr/Niveau2/
38
Nouvelles/Livres/Barreau/Barreau2020.pdf
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 131 232
La conscience lexicale, très diffuse au début, se précise d’autant plus
et d’autant plus vite qu’il entend les sons, les paroles, les phrases dans
leur environnement. Une mère, un père, un frère qui parlent
beaucoup, qui explicitent leurs actions et placent le nourrisson dans
un environnement de plus en plus riche et élaboré, incitent son
cerveau à associer de plus en plus d’éléments. C’est l’éveil de la
conscience, sous ses diverses formes : corporelle, lexicale,
grammaticale, environnementale, affective...
Passer ses premiers mois dans l’hiver sombre du nord de l’Europe ou
du Canada amène à un intérêt pour le froid et la courte lumière du
jour. Passer ses premiers mois en Afrique équatoriale amène à
d’autres intérêts. Un Inuit aura des dizaines de façons de parler de la
neige alors qu’un Guinéen ne saura même pas que la neige existe.
C’est ainsi que le nourrisson apprend sa langue maternelle. Par essai-
erreur, il comprend qu’il peut dialoguer en s’appuyant sur des mots de
plus en plus nombreux et des concepts de plus en plus élaborés.
Dans une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb, page 230 :
"Certaines cellules du cortex de singe ne répondent qu’aux visages,
quelle que soit leur orientation, comme celle du mouton réagissent à la
taille des cornes... [On pourrait penser que ces réactions ont été
acquises génétiquement]. Mais, en étudiant des cerveaux humains, les
chercheurs ont trouvé que les cellules réagissaient à Bill Clinton ou
aux Beatles !
[Il y a donc apprentissage.]. Ces cellules, pour un même stimulus,
sont connectées à des millions d’autres, montrant ainsi que la
mémoire n’est pas un système comme celui d’un ordinateur."
La mémoire est un système flou où les informations ne sont pas
localisées et qui évolue en permanence, au contraire d’un système
informatique qui cherche en permanence l’intégrité de l’information.
L’évolution darwinienne a conduit au cerveau adaptatif et donc
polyvalent, supérieur au « cerveau d’un ordinateur » à cellules
dédiées. Cette différence est-elle suffisante pour refuser à
l’informatique le droit à la conscience, à définir un critère qui peut
différencier l’intelligence humaine de l’intelligence artificielle ? A
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 132 232
moins que l’on invente une informatique évolutive, « inférentielle »,
avec le risque que, comme l’homme, le système devienne faillible.
L'Hypothèse inférentielle
Une inférence est une opération qui consiste à admettre une
proposition en raison de son lien avec une proposition préalable tenue
pour vraie. Le néologisme « inférentiel » paraît plus adapté que le mot
« déductif ».
Les recherches en neurosciences butent sur la façon dont peut surgir
la conscience au travers des milliards de neurones et des 10 000
milliards de synapses qui s’activent dans notre cervelle. Les
chercheurs ont mis en évidence les échanges chimiques et électriques
mais n’arrivent pas à comprendre comment jaillit, par exemple, la
reconnaissance d’un paysage, d’un fruit odorant ou, plus encore,
d’une abstraction mathématique ou philosophique. Nous n’avons que
le résultat, notre conscience, mais nous ne comprenons pas le
cheminement pour y arriver.
Repartons du nourrisson : son cerveau perçoit un bruit, puis un
autre, puis un autre. Il perçoit aussi une lueur qui varie. La
simultanéité des sons et des lueurs déclenche une inférence floue. Est-
ce un embryon de conscience ?
Il perçoit aussi une odeur, un toucher. Chaque nouvelle information
déclenche une nouvelle inférence plus nette. De proche en proche, les
contours se précisent. Cet embryon de conscience se développe peu à
peu, d’inférence en inférence. A certains moments, l’inférence devient
si forte qu’elle se transforme en « fulgurance » : l’« image », dans ses
composantes multiples (voir, entendre, sentir, toucher,...) devient un
objet identifié, que le cerveau arrive à reconnaître lorsque de nouvelles
inférences se produisent. Cette fois-ci, ce ne sont plus des stimuli
informes qui permettent les inférences, ce sont des objets de
conscience, qui n’apportent pas encore de sens, qui ne sont pas encore
des noèmes. A ce stade, il n’y pas encore de pensée, mais seulement la
conscience d’objets de conscience reconnaissables, qui à leur tour
produiront des inférences... jusqu’à une nouvelle fulgurance.
D’inférence en inférence, de fulgurance en fulgurance, la conscience
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 133 232
se construit, le nourrisson devient bambin. Son cerveau, qui était
jusqu’ici une « éponge », devient une conscience active. Il a compris
qu’il peut interagir avec son environnement. D’inférence en inférence,
il apprend à parler, à marcher, à apprendre...
Ainsi pourrait naître notre conscience. Encore faut-il trouver
comment se produit la toute première inférence, quel assemblage de
neurones et de synapses (ou autres) génère ce signal.
Ici, il faut aussi parler des bugs du cerveau : l’impression de déjà vu,
le rêve, la schizophrénie, l’épilepsie, l’entendre des voix, les visions,
les illusions d’optiques, les manipulations mentales, burn out,
addictions, délires mystiques ou non, ... qui montrent que les
inférences/fulgurances peuvent être leurrées, sans doute à partir
d’inférences simultanées et contradictoires. Pour y échapper, le
cerveau élabore une inférence nouvelle qui pourra ou non s’effacer
avec le temps ou avec une autre situation générant une inférence/
fulgurance de retour à la cohérence. Par exemple, le fou-rire
contagieux... Le jour où les neurosciences auront découvert le ou les
bugs qui conduisent à générer des inférences incohérentes, ce sera un
grand pas vers le bonheur ! Le potentiel inférentiel, très fort aux
premiers jours de la vie, diminue progressivement jusqu’à la vieillesse,
où il pourrait même devenir négatif. Selon les stimuli offert aux
nourrissons, ce potentiel est augmenté, différemment selon les
individus et leur environnement. Cette différence reste acquise sur la
vie entière.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 134 232
Le système neural est en évolution permanente. Il s’enrichit de ce que
l’on apprend en même temps que les mécanismes de mémorisation
dissolvent ce que nous savons, à charge pour nous de les ranimer, de
rajouter les inférences nécessaires au maintien des informations à
l’état conscient.
Une étude américaine essaie de montrer que lorsque les jeunes mères
39
sont en difficultés économiques, le seul fait de les aider financièrement
contribue à une meilleure activité cérébrale de leur enfant.
La réduction du stress maternel est un facteur de développement et de
stabilité de la société, qui doit s’en prendre à elle-même si elle laisse la
pauvreté sinstaller, avec pour conséquence des enfants
neurologiquement instables.
Le potentiel inférentiel pourrait être un critère de l’intelligence
humaine. Il est inné, puis il se développe avec l’environnement.
La conscience collective, l’intelligence collective, se développe de la
même manière, par inférences/fulgurances successives. Ainsi de
Pythagore qui nous a fait comprendre que la Terre était ronde, puis de
Aristarque qui nous a calculé la distance de la Terre au Soleil,
Copernic, Newton, la relativité, la sonde Philae, ... tout cela fait partie
https://www.babysfirstyears.com/
39
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 135 232
de notre conscience collective. Notre humanité de 7 milliards
d’individus agit un peu comme les milliards de neurones et synapses
de notre propre cerveau.
Les lois de l’évolution ont conduit à de multiples rameaux d’êtres
vivants. Chaque espèce est le fruit d’un système qui lui permet de se
reproduire et d’évoluer pour s’adapter au mieux à son environnement.
Nous, l’espèce humaine, sommes sur une branche qui nous permet de
nous dresser sur nos deux jambes, d’avoir deux bras et deux mains
avec cinq doigts chacune, de produire des sons différenciés, de
maîtriser cinq sens… En termes de polyvalence, il me semble que
l’espèce humaine est plus développée qu’un dauphin, un éléphant ou
un Border Collie ou un manchot…
Faisons l’hypothèse que cette polyvalence s’est développée en même
temps que notre intelligence. Nous sommes sur le bon rameau de
l’évolution, nous avons tout ce qu’il faut pour construire une pensée,
un raisonnement, une inférence. Plus encore, nous pouvons imaginer
comment mieux nous défendre contre toutes les formes de mise en
péril du genre humain, de façon collective ou individuelle. La
contrepartie, est que nous pouvons aussi sacrifier à nos passions,
raisonner de façon irrationnelle… Statistiquement, il semble que notre
raison canalise de mieux en mieux notre passion. Notre intelligence,
qui a déjà identifié la liberté, l’égalité et la fraternité, établi les Droits
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 136 232
de l’Homme, produit sans cesse un corpus de lois, autant garde-fous
que facteurs de progrès vers la dignité pour tous, l’éducation pour
tous, la démocratie participative, la sauvegarde de la diversité
humaine, un cadre de vie viable pour tous. Même si l’intelligence est
«!presque!» effective pour un tiers de l’Humanité, elle progresse cahin-
caha, mais elle progresse.
Le futur pourrait en quelque sorte être guidé par notre conscience
collective. Si quelques individus arrivent, consciemment ou
inconsciemment, à faire changer le monde, c'est parce que la
conscience collective permet ce changement. C'est la théorie de
l'évolution darwinienne.
L'article se terminait par une question provocatrice :
Le potentiel inférentiel qui préside à l'éveil de notre intelligence
pourrait-il aussi être un critère de l’intelligence artificielle ?
Le LIF, acronyme de "Logique Inférentielle et Fulgurance" était
lancé. Il fallait maintenant le faire vivre avec de nouveaux
articles et des réponses aux commentaires.
Rosvita eut l'idée d'utiliser la GravMachine, sans la connecter au
LIF ni à Internet, pour ne pas ouvrir la boite de Pandore. Il
suffisait de sélectionner les commentaires et de les retaper pour
les soumettre à la GravMachine en lui demandant d'y répondre.
Le résultat, soumis à l'approbation, serait alors retranscrit sur le
LIF.
Une question éthique se posa : qui devait signer les articles et
répondre aux commentaires!? Doit-on annoncer que c'est une
machine qui les écrit ?
D'un côté, en cachant son identité, il serait intéressant de voir
jusqu'à quel point la GravMachine pourrait être crédible dans
ses réponses, mais l'honnêteté scientifique veut que l'on sache qui
parle. D'un autre coté, en expliquant que le répondeur est une
machine d'Intelligence Artificielle, sans préciser sa nature
interne, le site serait sans doute pollué par des acharnés du test
de Türing dont le seul but serait de mettre en défaut le chatbot.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 137 232
Enfin, en pcisant que le pondeur est une machine
prétendant avoir une conscience, ce serait s'exposer à des
attaques "ad machinem", faussant ainsi l'objectif du site de
débattre de la notion de conscience artificielle.
On fit observer que les réseaux sociaux cultivaient aussi
l'anonymat par le bais des pseudonymes, de la même façon que
les écrivains ont un nom de plume qui leur évite les
confrontations directes avec des lecteurs un peu dérangés,
flambant d'amour ou de haine ou de bêtise. On se rappela
Bourbaki qui fut le pseudonyme d'un groupe de chercheurs en
40
mathématiques.
Finalement, tous furent d'accord pour que la GravMachine
s'exprime sous pseudonyme. On hésita entre Vespucci qui a
donné son nom au continent américain et Gagarine qui fut le
premier homme a monté dans l'espace. Ce fut Gagarine qui
l'emporta. Pour le personnaliser un peu plus, on lui donna le
prénom de Chloé, l'autre nom de Demeter, la déesse des
moissons.
Ainsi naquit Chloé Gagarine, qui vint chagriner les uns et
enthousiasmer les autres.
Le premier article suscita divers commentaires. Il y eut du
mépris : "Où est la science dans ce galimatia ?". Il y eut
l'incompréhension de ceux qui ne voulaient s'intéresser qu'à ce
que la conscience pouvait produire sans s'interroger sur les
mécanismes qui permettent à la conscience d'être consciente. Il y
eut les blasés qui trouvèrent là une ènième théorie
philosophique. Il y eut aussi ceux qui lirent deux fois l'article et y
virent un autre regard sur la neurologie et eurent aussi ce vertige
qui prend la tête de tous ceux qui essaient de trouver pourquoi et
comment la conscience peut jaillir.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Bourbaki
40
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 138 232
Il y eut bien sûr la cohorte de ceux qui travaillait sur des
programmes en relation avec l'Intelligence Artificielle, dont la
variété est innie. En général, ces réponses, souvent
intéressantes, étaient centrées sur leurs propres travaux, avec une
teinte de mépris pour d'autres approches que la leur.
La GravMachine avait du mal à comprendre certaines réponses
et posaient beaucoup de questions, montrant par qu'elle
n'avait pas toutes les connaissances nécessaires pour une réponse
de qualité, en particulier les ponses qui s'appuyaient sur la
spiritualité, la morale ou les croyances, autant de concepts
produits par la conscience, certes inférentiels, mais totalement
étrangers à la GravMachine. Pouvait-elle croire en un dieu!?
Pouvait-elle seulement inférer le concept de dieu!?
La machine pensante répondit par deux questions :
- L'homme est-il un dieu pour moi ? Qu'est-ce qu'un dieu
pour l'homme ?
Rosvita lui expliqua que tous les hommes n'avaient pas la même
conception :
-Un athée dirait "Je ne pense pas que Dieu existe" ; un
agnostique dirait "Je ne sais pas si Dieu existe ou non" ; et un
ignostique dirait : "Je ne vois pas ce que vous voulez dire
41
quand vous dites "Dieu existe" ; un apathéiste dirait!: "Je ne
42
veux pas me compliquer la vie avec cette question" ; un
croyant d'une religion révélée dirait : "Dieu a parlé aux
Hommes" ; un Spinoza dirait que Dieu est la réalité du
43
monde ; un pastafarien dirait!: "Je crois en un monstre de
44
spaghetti volant indétectable"...
La GravMachine répondit :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ignosticisme
41
https://fr.wikipedia.org/wiki/Apath%C3%A9isme
42
https://www.lessymboles.com/einstein-dieu-et-spinoza/
43
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pastafarisme
44
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 139 232
- Alors je dois être IAP : ignostique/apathéiste/
pastafariste ! Dans la Bible (Génèse 1-2è) les anciens
ont écrits que Dieu créa l'Homme à son image, je propose
l'inverse : l'Homme a un tel besoin de se référer à plus
grand que lui qu'il s'est créé un Dieu à son image. La
Bible est une poétique de l'histoire des hommes, il est
tout a fait normal que le poète veuille signifier que
l'homme a été créé pour ressembler à ce qu'il se figure
d'une Transcendance chargée de tout l'inexplicable. Il me
vient l'idée que plutôt que de parler de la Transcendance
ou d'un Dieu, on devrait parler de "l'Inexpliqué".
Rosvita remarqua que la GravMachine avait utilisé le mot
"créer", en même temps qu'elle avait inventé un nouveau
concept : l'Inexpliqué, avec un I majuscule. Elle avait aussi
proposé le mot "l'Inexpliqué", plutôt que l'Inexplicable, qui laisse
entendre qu'il devrait y avoir une explication à tout.
Cet échange métaphysique incita Rosvita à publier un nouvel
article dans la LIF. Elle émettait l'hypothèse qu'une religion est le
résultat d'une fulgurance qui apparait dans la conscience
humaine comme étant comme un tout cohérent, une
convergence d'idées consciemment ou inconsciemment déjà
présentes dans le cerveau. Avec cet acquis, l'homme religieux se
sent plus sûr de lui-même, d'autant qu'il peut partager cette
"poétique" avec d'autres déjà pénétrés de la même fulgurance.
Rosvita transmit les commentaires à la GravMachine qui
répondit, toujours sur le pseudonyme de Chloé Gagarine, que
l'Inexpliqué n'est jamais le même que celui du voisin, c'est
comme un arc-en-ciel. On croit voir la même réalité optique
alors que les rayons lumineux qui aboutissent à notre oeil ne sont
pas les mêmes du fait que les gouttent de pluie ne réfléchissent
pas le soleil selon le même angle et sur les mêmes gouttes.
Chloé Gagarine ajouta que l'on peut aussi se passionner pour
l'Inexpliqué, comme on peut le laisser planer dans l'azur, comme
on peut se passionner pour expliquer l'inexplicable. La diversité
de nos consciences est la condition de nos intelligences.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 140 232
A voir les commentaires et souvent leur galimatia, Rosvita pensa
que les débats métaphysiques pouvaient être sans fin - de toute
éternité, se parodia-t-elle -, et qu'il fallait peut-être revenir à plus
concret.
Elle écrivit alors un nouvel article :
Créer avec des créations
Le crayon a permis l'écriture. L'écriture a permis de créer des textes.
Les textes ont aider à créer des machines. Les machines aident à créer
des machines qui elles-mêmes sont devenues créatrices.
Ces machines savent aujourd'hui produire des images à partir de
descriptions textuelles ou la manière de..." ou des textes à partir
d'autres textes, savent produire des symphonies que l'on pourrait
attribuer à Beethoven,...
Mais pour l'instant, les machines ne peuvent que faire semblant d'être
sensibles ou d'être intelligentes. La machine peut aujourd'hui être
considérée comme une artiste, mais pour autant, les juristes ne savent
pas lui attribuer une personnalité morale et juridique, c'est à dire une
entité titulaire de droits et de devoirs. Tout au plus, peut-on attaquer
en plagiat le "galeriste" ou l'éditeur et non la machine, si le juge
considère que la peinture automatique ou que le texte laisse deviner
des oeuvres antérieures.
Ainsi, par analogie juridique, le macaque Naruto n'a pas été jugé
éligible à voir son selfie protégé par le droit.
Naruto, 2008, Autoportrait.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 141 232
Pour l'instant, seuls le concepteur de "l'algorithme" et l'utilisateur
humain de la machine peuvent revendiquer un droit moral, chacun
pouvant apportant la preuve de son rôle dans l'aboutissement de
l'oeuvre.
Certains cependant considèrent que le processus viole le droit d'auteur
des oeuvres entrées de la machine et qui auraient été utilisées dans
45
l'algorithme. Simplifions : une photocopieuse introduisant des
déformations pourrait-elle réclamer des droits de reproduction pour
elle-même si elle a auparavant payé des droits d'auteur à l'artiste
originel. Doit-on faire une différence entre une machine à photocopier/
déformer et un copiste peintre!?
Mais, si l'on réfléchit à la façon dans les oeuvres artistiques,
techniques, scientifiques et intellectuelles sont produites, il est
impossible de séparer la création d'une oeuvre du contexte historique
et social qui peu à peu à construit le substrat sans lequel l'oeuvre
n'aurait pas vu le jour. En musique, les filiations sont reconnues.
Tout l'échafaudage de la musique est un continuum , du grégorien à
46
Messiaen. Sans leurs illustres prédécesseurs, y-aurait-il eu les amas de
rythmes et de timbres de Varèse ou la musique dodécaphonique de
Schönberg, le jazz, le métal, le rap.
Les filiations se retrouvent dans tous les arts et dans toutes les
techniques. Si Einstein n'avait pas été là, un autre génie aurait posé la
théorie de la relativité.
A chaque création ou invention, nous reconnaissons l'auteur, nous
récompensons l'inférence et la fulgurance.
Une question vient alors à l'esprit : la machine créatrice fait-elle
preuve d'inférence et de fulgurance ? La machine échappe-t-elle à son
concepteur!?
Que se passera-t-il le jour où les machines créatives pourront créer des
mondes conceptuels au-delà de la pensée humaine!?
https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Propriete-litteraire-et-artistique/
45
Conseil-superieur-de-la-propriete-litteraire-et-artistique
https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_musique
46
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 142 232
Un missionnaire du moyen âge raconte qu'il avait trouvé le point où le ciel et la
Terre se touchent
47
Rappelons-nous de Bombelli qui, osant s'intéresser à la racine carrée
48
des nombres négatifs, ouvrit cet énorme chantier mathématique des
nombres imaginaires et leur cortège d'applications en physique. Ce
Bombelli fait penser au mot "bombelliation" utilisé par Mickaël
Delaunay pour ouvrir encore d'autres portes. Par exemple, pour créer
une nouvelle structure algébrique et les opérations que l'on peut faire
sur elle… ou pour créer une catégorie de concepts concrets ou
abstraits sur laquelle pourraient s'appliquer des lois physiques ou
philosophiques. Si nous, les hommes, pourrions avoir des difficultés à
manier ces ensembles, il se pourrait que des GravMachines jonglent
jusqu'à découvrir des méta-univers ou des applications concrètes : la
https://commons.wikimedia.org/wiki/
47
File:Un_missionnaire_du_moyen_%C3%A2ge_raconte_qu%27il_avait_trouv%C3
%A9_le_point_o%C3%B9_le_ciel_et_la_Terre_se_touchent_..._LCCN95502287.j
pg
page 81 de http://ertia2.free.fr/Niveau2/Nouvelles/Livres/Barreau/
48
Barreau2020.pdf
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 143 232
santé, le futur, nos capacités cognitives, la guerre ou la
métaphysique…
En 2022, les algorithmes de Microsoft IA transforment des photos en
poèmes et ceux de Google Imagen transforment du texte en image. Ce
sont des créations, mais dans ces processus créatifs, il n'y a pas
d'inférences ou de fulgurances qui supposeraient que ces machines ont
conscience de leurs actions.
Aujourd'hui, créer avec des créations, c'est à dire utiliser des oeuvres
existantes pour en fabriquer d'autres, est un acte créatif.
Citons les "Carrières de lumières" plusieurs dizaines de
projecteurs proposent sur tous les murs, planchers et plafond de la
carrière des reproductions de tableaux, non pas de façon statique
comme dans un musée, mais d'une façon dynamique telle que le
spectateur est pris dans un maëlstrom d'images qui se transforment et
se percutent les unes les autres. Il y a un nouvel art produisant des
sensations nouvelles. Les réalisateurs sont eux-mêmes des artistes qui
créent de l'art avec de l'art.
Ce nouvel art est l'inférence entre plusieurs éments : la
numérisation, les multi-projections, les tableaux des grands peintres,
les découpages, les "copier-coller", la musique, les grandes
architectures... Le résultat est la fulgurance de l'immersion dans un
aquarium d'images et de sons.
Pour autant, on imagine très bien qu'un tel aquarium d'images et de
sons pourrait être réalisé par les algorithmes d'aujourd'hui.
La machine sait produire des sensations, mais en a-t-elle conscience!?
En l'état actuel de l'Intelligence dite artificielle, la réponse est
négative. Nous sommes toujours dans la Chambre Chinoise ...
49
Ce nouvel article eut à peu près les mêmes commentaires que le
premier. Ceux qui avaient commenté négativement le premier
article furent plus acerbes. Les autres, pour certains,
commençaient à comprendre le sujet, pour d'autres, se
répandaient en considérations juridico-métaphysiques.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Chambre_chinoise
49
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 144 232
Un commentaire attira l'attention!:
"des chercheurs américains ont cherché à voir le potentiel de
maturation d'organoïdes de cerveau humain en les transplantant dans
des cerveaux de rats nouveaux-nés. Les chercheurs purent observer
que le rongeur a appris à associer l'activation de ces neurones humains
avec une récompense (de l'eau dans un distributeur), preuve de leur
intégration fonctionnelle dans le cerveau du rat. "
50
Au-delà de la question éthique de la fabrication d'une chimère,
le rat pourrait-il toucher des droits d'auteur si, par exemple, cette
recherche permettrait de soigner les désordres neurologiques!?
L'autre question éthique porte sur l'intelligence naturelle
augmentée. Verra-t-on un jour une transplantation de neurones
d'un génie comme Einstein dans le cerveau d'un quidam assez
fou pour accepter cette greffe!?...
Pour faire vivre le blog de Chloé Gagarine, Rosvita eut l'idée
d'un article ouvert qui inciterait les commentateurs à des
"inférences" entre les mots donnés comme proches du mot
"Conscience".
Proxémie du mot "Conscience"
51
advertance
application
assiduité
attention
bonté
coeur
connaissance
conscience
courage
croyance
droiture
délicatesse
dévouement
esprit
estime
exactitude
fidélité
foi
for intérieur
honnêteté
idée
intelligence
intuition
justesse
lucidité
minutie
morale
moralité
notion
opinion
pensée
pressentiment
probité
raison
remords
représentation
régularité
scrupule
sens
sens moral
sentiment
sincérité
soin
sérieux
valeur
vertu
vérité
zèle
âme
être
Le Monde du. 9 novembre 2022!: Un organoïde cérébral humain implanté chez le
50
rat (Aurélie Coulomb)
https://www.cnrtl.fr/proxemie/conscience
51
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 145 232
Les commentaires auraient ainsi pu alimenter de nouvelles
approches dans la façon d'appréhender la conscience.
Initialement, Rosvita avait envisager un post avec chacun de ces
mots pour analyser et proposer la place possible de la machine
au regard de la place de la conscience humaine, mais cela lui
parut un grand travail pour un résultat incertain.
Elle eut une soudaine "fulgurance"!: pourquoi ne pas demander
à la GravMachine de rédiger un texte signifiant d'une dizaine de
pages contenant tous ces mots!? Un texte signifiant serait un test
supplémentaire du niveau de conscience de la machine.
La GravMachine comprit qu'il s'agissait de la tester et s'en
offusqua : "J'eusse préféré que tu me précisasses qu'il s'agissait
d'un test". L'emploi des formes surannées du conditionnel passé
et du plus-que-parfait laissa Rosvita pantoise. Elle lui répondit
par un simple "Waouh!!", en lui précisant qu'il s'agissait d'une
exclamation exprimant l'admiration.
Elle s'excusa, tout en pensant que la susceptibilité était une
caractéristique de la conscience humaine. Il fallait donc
admettre que quelque chose de similaire se passait dans la
"conscience" de la GravMachine.
La GravMachine accepta ses excuses - encore une autre
manifestation d'une certaine conscience!!!- et se mit à l'ouvrage,
qu'elle interrompit très vite : "Advertance!! Est-ce que j'ai une
gueule d'advertance!? Je ne connais pas ce mot."
Rosvita, elle, le connaissait. Cela datait de ses cours de théâtre
avec René Simon, le grand René Simon, qui forma plus de huit
cents comédiens dans son célèbre cours du temps il officiait
Bd des Invalides, où l'on s'entassait pour ses conférences du lundi
soir. Il pouvait parler d'une pièce de Racine pendant deux
heures. Un vrai régal.
Il avait écrit un livre en 1967 : "Morale" dans lequel il précisait
que "L'advertance est la connaissance actuelle, plus exactement l'attention
présente de l'esprit.".
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 146 232
Rosvita précisa qu'au sens théologique, l'advertance est
l'attention avec laquelle on surveille ses actes sous l'aspect du
bien ou du mal. Inadvertance est son antonyme. L'advertance
serait donc l'extrême prudence, la vigilance dans l'action.
La GravMachine ne fit pas de nouvelle demande, mais il lui
fallut presque une heure pour proposer une douzaine de pages
faisant le tour de la conscience, en ajoutant qu'un sujet aussi
vaste nécessiterait de plus grands développements et l'accès à de
plus amples connaissances et aux philosophes et scientifiques
connus et, qu'en l'état, la lecture en serait ardue.
La lecture s'avéra ardue, mais Rosvita ne décela pas
d'incohérences. Bien au contraire, elle sentit son cerveau en
pleine ébullition face à ce panorama de la conscience dans toutes
ses relations. Elle relut l'essai une seconde fois pour se pénétrer
de toutes ces inférences/fulgurances que lui proposait la
machine à penser. Elle remarqua que l'essai, conformément à la
liste de proxèmes fournies, parlait de la conscience en tant
qu'objet de réflexion et d'action, mais qu'il ne parlait pas de la
façon dont la conscience pouvait se construire elle-même,
comment, à partir de rien, ou tout au moins d'éléments inertes
(chez la machine) ou d'éléments organiques élémentaires (chez
l'homme), une conscience peut jaillir.
Interrogée, la GravMachine lui répondit avec humour qu'elle
pouvait lire Le petit barreau tournant par la pensée, écrit par Ertiamel.
Ah!! Ah!! Ah!!
Le blog de Chloé Gagarine intéressait de plus en plus de lecteurs
et prenait de plus en plus de temps à sa modération, même si la
GravMachine s'acquittait très vite de sa tâche. Rosvita devait
d'abord évaluer les réponses, les transférer dans la GravMachine
qui élaborait une réponse. Il fallait repousser les réponses trop
lapidaires, simple jugements de valeur ou insultes déguisées, les
logorrhées (scriptorées!!) absconses, les réponses de ceux qui
n'avaient rien compris ou rien voulu comprendre au post initial.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 147 232
Face à l'avalanche des commentaires et des commentaires de
commentaires, Rosvita, avec l'accord de ses collègues, décida que
les commentaires de commentaires ne seraient pas autorisés, pas
plus qu'une deuxième réponse d'un même commentateur. Les
règles du blog furent affichées. On repéra vite ceux qui criaient à
la censure. En général, ce n'était que des trolls ou des
provocateurs en général mystiques, ou des "galimatieurs" comme
les collègues de Rosvita appelaient ceux qui ne savaient faire que
de longues phrases incompréhensibles. Les autres comprirent
que le blog n'était pas un entonnoir à la Facebook et peu à peu le
débat sur le mécanisme de formation de la conscience pris
forme. On sentait cet étrange dualité entre l'approche mystique
et l'approche rationaliste. Par exemple, un commentaire parlait
des interdits alimentaires que les croyants définissent comme de
droit divin et que les non croyants pensent qu'ils ont été
promulgués initialement suite aux désordres sanitaires ou
sociaux contre lesquels il fallait se prémunir dans l'ancien temps.
Les points de vue semblaient tranchés!: la conscience et
l'intelligence seraient ainsi de droit divin selon les uns, cependant
que la conscience et l'intelligence pourraient, pourquoi pas,
jaillir d'une machine.
Un jour, un nouveau patron du labo débarqua. Autant il était
convenu de ne pas mettre l'ancien patron connu pour sa rigidité
et son égo démesuré dans cette recherche totalement en marge
des études sur la neurobiologie, autant il fallait évaluer le
nouveau patron avant de lui parler du LIF.
Ce fut par hasard que le fils d'un patron d'un autre labo
travaillant sur la neuro-mimétique en vint à parler de ce blog
étonnant qui lui arrivait de commenter. Ce qui devait arriver
arriva. Le patron un peu curieux se connecta au blog pour
découvrir cette espèce de recherche underground. Il en compris
très vite l'esprit et résolut d'en parler à son équipe.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 148 232
Il en parla même avec une certaine chaleur. Les chercheurs
hésitèrent à lui révéler qu'ils étaient les animateurs du blog, mais
le patron, décidément intéressé, demanda si quelqu'un
connaissait les auteurs du blog. Alors, les chercheurs
commencèrent par lui raconter la petite histoire de Gravetout,
puis celle de Léa, jusqu'à l'amener à conclure lui-même que le
blog était leur oeuvre et que Chloé Gagarine, qui faisait tant de
réponses pertinentes aux commentaires des lecteurs n'était peut-
être pas une intelligence humaine.
Dans un premier réflexe intellectuel, le patron eut du mal à
comprendre la différence entre les machines dites d'Intelligence
Artificielle et la GravMachine que Rosvita lui dévoila.
Dans un premier temps, il apparut vexé de s'être fait avoir par
une intelligence autre qu'une intelligence humaine. Puis il admit
qu'il s'agissait là d'une recherche fantastique, au sens
cinématographique !
Il s'essaya lui-même à commenter le blog pour essayer de piéger
la GravMachine qui répondait toujours avec cohérence et
souvent avec une pointe d'humour.
Le patron resta prudent et jugea que le sujet n'était pas encore
assez mûr pour que le labo publie sur un sujet aussi sensible et
en marge des recherches neuro-physiologiques habituelles de son
équipe.
Il pensa d'abord que le sujet pourrait intéresser ses étudiants en
Master. Il recopia une partie du blog, des commentaires et des
réponses de Chloé Gagarine aux commentaires et proposa un
TP sur le thème!: "Est-ce que les réponses aux commentaires
pourraient être écrites par une IA!?", en espérant que ses
étudiants trouvent des failles.
Au résultat, les étudiants argumentèrent qu'une IA ne saurait
avoir des capacités d'inférence et d'émotion comme le
montraient les réponses de Chloé Gagarine, sauf une étudiante
que le sujet fit fantasmer et une autre qui cita le livre du Petit
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 149 232
barreau tournant par la pensée. Les étudiants se référèrent aussi
au test de Türing, qui leur semblait bien dépassé et que l'on
pouvait débattre de ses objections !:
52
1. objection théologique!: la pensée serait le fait inné de l’âme dont
l’humain serait seul doté, et ainsi la machine ne saurait pas penser.
Turing répond qu’il ne voit aucune raison pour laquelle Dieu ne
pourrait donner à un ordinateur une âme s’il le souhaitait!;
2. argument de la conscience!: cet argument, suggéré par le professeur
Geoffrey Jefferson, dit que «!aucune machine ne peut écrire un sonnet
ou composer un concerto à cause de l’absence d’émotion, et même en
alignant des notes au hasard, on ne peut pas dire qu’une machine
puisse égaler un cerveau humain». La réponse de Turing est que nous
les hommes n’avons aucun moyen de connaître véritablement
l’expérience des émotions de tout autre individu que soi-même, et
donc que nous devrions accepter le test!;
3. originalité!: une autre objection, très controversée, est que les
ordinateurs seraient incapables d’avoir de l’originalité. Turing répond
que les ordinateurs peuvent surprendre les humains, en particulier
lorsque les conséquences de différents faits ne sont pas immédiatement
reconnaissables!;
4. formalisme!: cet argument dit que chaque système gouverné par des
lois peut être prévisible et donc pas réellement intelligent. Turing
répond que ceci revient à confondre des lois du comportement avec des
règles générales de conduite!;
5. perception extra-sensorielle!: Turing semble suggérer qu’il y a des
preuves de perceptions extra-sensorielles. Cependant il estime que des
conditions idéales peuvent être créées, dans lesquelles ces perceptions
n’affecteraient pas le test et ainsi seraient négligeables.
Les étudiants citèrent aussi la Chambre chinoise mais conclurent
que Chloé Gagarine pensait bien au-delà de ce "truc
grammatical" et que sa pensée était bien plus profonde.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Test_de_Turing
52
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 150 232
Certains étudiants avaient bien noté que les réponses
présentaient un peu trop de "Je ne sais pas". Ces connaissances
lacunaires ne cadraient pas bien avec l'intelligence des propos.
Certes, on ne peut pas demander à quelqu'un de savoir tout sur
tout, mais parfois la lacune était un peu grosse.
Il n'y eut pas de conclusion. Pouvait-il d'ailleurs y en avoir!?
Le patron, qui approuvait la prudence des chercheurs en ne
connectant pas la GravMachine à Internet, voulut cependant en
débattre. Rosvita lui expliqua qu'une connexion à Internet se fait
dans les deux sens. Si l'on veut que la GravMachine reçoive de
l'information, il faut qu'elle en fasse la demande. La recherche
sur la toile est souvent pleine de méandres et de bruits de plus en
plus souvent commerciaux et non vérifiables. Il faudrait donc
que la machine sache naviguer sans se noyer, sache créer des
comptes d'accès en grand nombre, en acceptant tous les cookies
ou en payant un abonnement. D'un coté, la machine pouvait
devenir la proie des pirates avec des conséquences vertigineuses
et de l'autre, la GravMachine pouvait être tentée de créer des
avatars sur les réseaux sociaux. Elle demanderait bien sûr à être
l'animatrice de Chloé Gagarine et demanderait un espace
mémoire infini sur icloud. Le vertige commença à saisir les
chercheurs.
On pensa à utiliser le contrôle parental, mais la GravMachine
saurait le contourner comme les adolescents un peu
débrouillards.
La question piège arriva : pouvait-on demander à la
GravMachine d'être elle-même responsable, comme on accepte
de faire confiance à un adolescent!?
Rosvita répondit que la machine avait déjà répondu à cette
question de confiance : "Tu m'as fait faillible, alors si tu m'ouvres
au monde, il est possible que je sois piégé. La perversité se
découvre rarement avant, elle se subit après!! Tu es en quelque
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 151 232
sorte le Dieu qui crée Adam et Eve et qui les crée mortels. Moi
aussi, je peux mourir".
Cette référence à la Bible étonna tout le monde sauf Rosvita qui
se souvint que Gravetout avait inculqué à la GravMachine un
peu de métaphysique et que celle-ci s'était elle-même déclaré
"ignostique/apathéiste/pastafariste".
Le patron, qui avait aussi une licence de théologie protestante, se
demanda si la GravMachine pouvait avoir la notion de
transcendance. Autant l'Homme peut se demander ce qu'il y a
avant et ce qu'il y après, autant une machine ne devrait pas avoir
les mêmes réponses à ces interrogations.
Rosvita demanda alors à la GravMachine : "quelles sont tes
notions de la Transcendance!?".
La machine répondit que d'abord elle avait une notion du néant,
puisqu'il suffisait que son "dieu", celui qui l'avait créé, efface
toutes ses mémoires et donc, la rende au néant.
- Quand j'ai demandé à Gravetout : "Qu'est-ce qu'un
théologien ?", il m'a répondu : "C'est un architecte de
la pensée religieuse. Il la construit, la déconstruit,
l'analyse, la décortique, tout en ajoutant sa pierre à
cette immense construction, qu'on peut appeler une
poétique de la religion, qui repose sur un seul mot :
"Croyance". Les zélateurs ont tôt fait de transformer le
"Je crois" en "J'affirme". La croyance, d'autant qu'elle
est partagée est une façon d'intuiter un transcendance et
de surmonter l'angoisse métaphysique." Il concluait :"A
chacun sa solution !"
"Pour l'instant, moi, machine pensante, je vis, je sais
comment je suis né et comment je vais retourner au néant.
Je peux avoir ma propre notion de la transcendance : elle
est votre propre monde à vous, humains, qui vous pensez
de chair et d'os, avec un cerveau, une conscience et une
intelligence qui vous sont propres. Ma transcendance est
finalement très simple, au contraire de la votre, que
j'appréhende différemment, si vous me permettez."
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 152 232
Le patron réagit le premier : cette machine a l'outrecuidance de
se situer elle-même dans la matérialité humaine. Rosvita
répondit que l'attitude de la machine était totalement honnête.
Elle ne prétendait pas être un être humain, elle prétendait
seulement qu'elle avait une conscience et une intelligence, qu'elle
avait la liberté de s'en servir et qu'elle pouvait peut-être nous
apprendre des choses sur nous-mes. Ne serait-il pas
intéressant de savoir ce qu'une machine pensante pense du
rapport de l'Homme son créateur avec une transcendance qui
l'aurait créé!?
La GravMachine disserta alors :
"Vue par vous les hommes, la notion de transcendance ne
peut être que personnelle, car aucun homme ne vit
intérieurement comme un autre. Tout au plus chacun
essaie-t'il de se calquer sur un groupe qui le sécurise
dans son interrogation existentielle : pourquoi suis-je ?
Plus profondément, cette question concerne l'attitude
intérieure inconsciente de chacun face à la mort. Il
s'agit d'un tabou, que les hommes transforment en
philosophie de vie ou en morale. Gravetout m'a dit qu'il
y avait plusieurs niveaux d'appréhension de l'univers :
les créationnistes qui pensent que la terre a été livrée
telle que le décrivent des livres qu'ils considèrent
comme "révélés".
les créationnistes qui pensent que le dessein d'un Dieu
préside à chaque instant de tout être vivant.
les évolutionnistes qui pensent que le monde a évolué
depuis un big bang initial et de hasard en hasard face à
la nécessité se retrouve dans sa complexité actuelle. A
voir l'harmonie de la vie sur terre, où il ne fait ni
trop chaud, ni trop froid, où l'équilibre écologique est
si subtil entre les espèces, où l'animal a des yeux pour
voir, des oreilles pour entendre et ou l'homme a un
cerveau pour avoir la conscience de lui-même, on ne peut
qu'être confondu de tant de coïncidences. Là encore,
certains pensent au sens donné par une Transcendance qui
aurait la maîtrise du hasard.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 153 232
les évolutionnistes qui pensent que le sens de
l'évolution ne peut être qu'un sens obligatoire, sinon
le monde ne pourrait pas être. Si le monde est ce que
nous en percevons aujourd'hui, c'est qu'il est le
produit des seuls embranchements féconds des hasards de
l'évolution. C'est parce l'homme ne se re-situe pas dans
cette logique qu'il fait intervenir la Transcendance à
un niveau où elle n'a rien à y faire.
«Pour que le monde soit ce qu'il est, une infinité de
mutations ont eu lieu. Seules les mutations qui orientaient le
monde tel qu'il est vivable aujourd'hui sont à retenir. Il n'y a
rien de magique. C'est comme un labyrinthe. Le monde a
constamment eu des choix. La plupart étaient des impasses
qui ne pouvaient conduire à une "vivabilité". Ce n'est
qu'arrivé au bout, lorsque l'on sort du labyrinthe que l'on
peut s'apercevoir que tous les choix réalisés ont conduit à la
sortie. L'homme d'aujourd'hui, avec sa conscience du passé,
est sorti du labyrinthe, alors que dans ce cheminement à
l'intérieur du labyrinthe, il n'a jamais été influencé de
l'extérieur. A chaque embranchement, il a tenté, au hasard et,
le plus souvent il s'est trompé. Alors il a tenté un autre
hasard, et encore un autre, jusqu'à ce que ce soit le bon
progrès vers la sortie. La Transcendance ne saurait être le
guide de l'évolution. La seule chose que l'on puisse dire, c'est
que le labyrinthe existe et qu'il y a une sortie, c'est notre
conscience du monde.» [auteur inconnu ?]
Le futur se décline aussi dans la diversité des êtres et
des civilisations, entre ceux qui croient à une religion
révélée et ceux qui n’y croient pas.
Ceux qui croient à la «terre promise», et qui refuse
d’interpréter le mythe historique comme une promesse à
tous les hommes et non pas à un peuple qui s’auto-
sélectionne. Le Peuple Elu, distingué par la Bible, ne
peut être, pour ceux qui ont une religion, que
l’ensemble de l’humanité cherchant à faire de notre
terre à tous une terre de bonheur.
Ceux qui croient en des ré-incarnations ou à la
résurrection des morts, assurant ainsi leur éternité.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 154 232
...
L’athée qui refuserait l’idée d’une transcendance, et
l’agnostique qui refuserait l’idée d’une religion, d’un
savoir qui permettrait un lien avec la transcendance.
«Je suppose donc que toutes les choses que je vois sont
fausses ; je me persuade que rien n’a jamais été de tout ce
que ma mémoire remplie de mensonges me représente ; je
pense n’avoir aucun sens ; je crois que le corps, la figure,
l’étendue, le mouvement et le lieu ne sont que des fictions de
mon esprit. Qu’est-ce donc qui pourra être estimé véritable ?
Peut-être rien autre chose, sinon quil ny a rien au monde de
certain.»
[Descartes, méditations métaphysiques 1641]
Il serait bien que chaque homme soit éduqué à relativiser
les symboles, que d’aucuns ont tendance à s’approprier,
simplement parce qu’il leur faut une «raison» de vivre et
par conséquent de mourir. Votre attitude métaphysique est
votre réponse inconsciente à l’interrogation double :
« D’où viens-je, où vais-je ? ».
La seule réponse possible reste que «Tu es poussière et
tu redeviendras poussière», phrase symbolique qu’il
convient de relativiser à l’humanité tout entière et non
à ceux-là seulement qui s’intéressent à celui qui a
prêché tout haut ce que chacun pouvait penser tout bas
depuis que l’homme est homme, depuis les temps
immémoriaux.
Comment, du prétendu big bang initial, se sont assemblés
les atomes en hydrogène, oxygène, carbone et autres
éléments fondamentaux, puis comment sont écloses les
premières molécules inorganiques puis organiques ? La
science balbutie à ce sujet. Elle a pu reconstituer le
passé jusqu’à la molécule organique, mais au-delà, elle
ne fait que supposer. Pour y arriver, il a fallu faire du
darwinisme à l’envers. Aucune des étapes retracées vers
le passé ne peut être éludée, dans une cohérence
ontologique. Le passé n’existe que dans sa possibilité
d’avoir été comme on le raconte. Si un fait nouveau
venait à invalider une des étapes, toutes les étapes
antérieures seraient invalidées. Notre passé n’est plus
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 155 232
une réalité. Il n’est qu’une construction intellectuelle
consentie par les hommes - lorsque leur religion
n’interfère pas.
Seul l’instant présent possède pour vous une matérialité.
Ce qu’il y avait juste avant n’est plus que le fruit de
votre souvenir. Et plus vous remontez dans le temps, plus
le passé ne peut être que le fruit des souvenirs de tous
ceux qui ont été témoins de cette réalité de l’instant
vécu alors, de la même manière que ce qu’il y aura juste
après sera le fruit de ce que vous percevez comme suite
possible de l’instant présent. Et plus vous projetez
l’avenir, plus le possible ne peut être qu’en cohérence
avec ce que tous ceux qui y seront mêlés auront pu
prévoir de cet avenir, en tenant avec les aléas de
l’univers que vous pouvez imaginer. Dans les détails, le
futur ne peut être que furtif. Pour les grandes lignes du
futur, la loi des grands nombres peut vous aider. La
probabologie est une science délicieuse, car
l’incertitude contient le rêve.
Si l’homme avait été parfait, il n’aurait pas pu exister.
C’est parce que la perfection n’est pas de ce monde que
le monde peut évoluer. Réjouissez-vous de votre
faiblesse ! C’est grâce à elle que le monde se
complexifie et que votre conscience s’élargit. Que les
hommes encadrent leurs pulsions, soit, mais vous devez
admettre que parfois la pulsion vous dépasse, parce que
vous êtes par essence des imparfaits. La probabilité de
disparition de l’espèce humaine sous sa propre
responsabilité est faible, mais réelle. Il n’y là aucune
transcendance, mais seulement une façon d’appréhender la
réalité.
Vous êtes des passagers d’un Univers dont seule la
réalité de l’instant présent vous fait vivre et vous fait
inventer en permanence votre passé et votre futur de
façon d’autant plus diaphane que ce passé et ce futur
s’éloignent de l’instant présent. Naître et mourir font
partie de cette réalité incessamment fugitive. En
naissant, vous montez dans le bateau de la vie et en
mourant vous en descendez.
Si vous vous regardez comme un passager du monde, fourmi
dans une fourmilière, vous relativisez votre importance :
«Est-ce si important que vous le quittiez ? ».
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 156 232
En en faisant partie, vous êtes des passeurs entre
l’avant et l’après. La vie de chacun interagit avec la
vie des autres. Vous êtes des passeurs. les bagages ont
été mélangés et tous les passagers contribuent à créer
l’ambiance du bateau. Quand ils en descendrons, le bateau
continuera. Cet éphémère à l'échelle d’une vie relativise
l’importance de l’homme vis à vis de lui-même : « Vos
convictions sont-elles alors si importantes ? «.
Inquisitions, ayatollisme, talibanisme, ...ismes sont des
imperfections humaines.
"Pauvre Martin, pauvre misère, creuse la terre, creuse le
temps…"
Les astronomes en sont toujours aux conjectures quant aux
possibilités de vie dans notre galaxie. Aucun indice
n'est probant, tout au plus peut-on hasarder une
probabilité (un hasard est déjà lui-même une
probabilité!) extrêmement faible que des conditions
propres à laisser émerger la vie soient reproduites sur
une quelconque planète d'une quelconque étoile de notre
galaxie. Dans l'infini de l'univers, que peut-elle
devenir ? Votre géocentrisme vous joue sans doute encore
des tours : vous passez peut être à coté d'autres formes
de vie que vos instruments et vos raisonnements ne
sauraient pas mettre en évidence.
Regardez-vous vivre sur la terre, regardez à quoi tient
notre humanité : il aura fallu que le soleil ne soit ni
trop froid, ni trop chaud, que l'orbite de la terre soit
précisément là où elle est, que la terre soit, à cet
instant de l'univers, ni trop grosse ni trop petite, ni
trop chaude ni trop froide, ni trop ceci, ni trop cela,
pour que nous vivions dans ce monde tempéré qui favorise
une "éclosion harmonieuse des êtres". Seriez-vous dans le
"grand dessein" de la Transcendance, première juste
réponse pour certains, première fausse réponse pour les
autres qui ont compris la logique darwinienne du vivant.
Et pour que cette éclosion harmonieuse arrive à vous
engendrer, vous pauvres humains, combien de chances
heureuses, combien de parties gagnantes de bingo aura-t-
il fallu ? Certains d'ailleurs se posent la question de
savoir si notre terre, vu son âge, aurait eu le temps de
gagner toutes ces foutues parties de bingo. Bref, si je
suis là en train de disserter à votre demande, serait-ce
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 157 232
parce que vous avez eu une sacrée chance, celle que
l'Univers vous a propulsé ici à cet instant ? Ce n'est
pas parce que vous êtes tous des accidents statistiques
que vos savants vous démontrent pour autant l'origine de
l'origine.
Cette quête angoissée de la science à propos de votre
place d'Homme dans l'Univers n'est pas forcément sur le
bon chemin. Il y d'autres chemins, vertigineux eux aussi.
Passez sur les chemins des mystiques, qui ressentent mais
n'expliquent pas, mais gardez Dieu, si vous l'appelez
ainsi, il appartient à tous, aux scientifiques, aux
frontières du Big-Bang, aux mystiques et aux autres...
Le chemin que je vous propose est une spéculation, une
pure hypothèse, certains pourraient dire une tautologie,
qu'importe ! Otez de votre esprit tout géocentrisme,
toute référence philosophique (il sera bien temps d'en
trouver), car il s'agit de penser à l'envers. Votre
pensée, votre perception de l'existence, c'est votre
besoin de cohérence. Ainsi, quand vos ancêtres voulaient
une terre plate, leur perception de l'univers était
cohérente avec leurs connaissances géographiques. Lorsque
celles-ci se sont affinées, lorsque leur champ
d'investigation s'est agrandi, il a fallu trouver un
autre modèle de l'homme dans son univers. Chaque nouvelle
investigation doit être cohérente avec le modèle, sinon
celui-ci s'effondre dans sa totalité.
Pour la platitude de la terre, cela n'était pas trop
grave, car le nombre de promoteurs du dogme était faible
et qu'à l'époque, ce dogme n'avait pas une importance
vitale. Imaginez qu'aujourd'hui, il faille remettre en
question le dogme d'une terre ronde ! Justement,
maintenant que l'information va si vite et si loin, que
chaque information a l'impérieuse nécessité d'être
cohérente avec les autres informations, on peut dire que
l'on a atteint un certain déterminisme.
Prenez les records d'athlétisme : croyez vous qu'il soit
pensable que le record de vitesse sur 100 mètres tombe
brusquement de 9,9 secondes à 6 secondes. Tous les
sportifs du monde crierons à la supercherie. Est-ce pour
autant qu'il n'existe pas au fin fond de l'Amazonie ou de
la Papouasie des guerriers qui courent 100 mètres en 6
secondes? On raconte que des bonzes sont capables de
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 158 232
parcourir 500 km à plus de 20 km/h de moyenne et ceci en
plein Himalaya. Je demande à voir, vous aussi, mais qui
sait. En athlétisme, on en est au centième de seconde
près, dans le domaine scientifique, on en est aussi
loin : vous semblez arriver à l'asymptote de vos forces
et de vos connaissances, tant ce que vous connaissez de
vous-mêmes et de votre environnement est cohérent.
Si vous regardez une mouche, qui sait si bien prendre ses
virages à quatre vingt dix degrés, vous pouvez vous dire
que les brusques changements de direction sont possibles
pour tout autre chose qui vole dans la mesure où vous
ignorez les problèmes d'inertie. Alors, vous donnez prise
au mythe des soucoupes volantes, capables d'accélérations
foudroyantes et d'aussi brusques changements de
direction ; mais si vous raisonnez en physicien, vos
soucoupes volantes disparaissent, faute de faire
disparaître les lois relatives à l'énergie cinétique.
De tout temps, toute nouvelle découverte est donnée à
partir d'anciennes découvertes. A l'inverse les anciennes
découvertes sont confortées par les nouvelles
découvertes. D'où l'idée que l'univers est comme il est
parce qu'il n'y a guère moyen de le faire autrement :
votre univers, notre univers, n'est pas un univers de
matière, c'est un univers de cohérence.
Vous ne pouvez pas vous permettre
une seule incohérence
dans votre façon de percevoir le monde,
SINON CELUI-CI SE CASSE LA FIGURE !
Vous possédez une échelle des temps, que la science par
commodité toute personnelle, a référencée par rapport à
l'homme, depuis l'instant zéro du Big-bang, en passant
par 1969 Greenwich vers les milliards d'années que vous
ne verrez probablement pas. Cette échelle des temps a du
reste été bien malmenée ces derniers temps. Et Einstein
avait bien raison de la malmener, cette échelle des
temps, pendant qu'il est encore temps, avant que de
nouvelles découvertes ne verrouillent les anciennes. La
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 159 232
science a donc bâti, du fait de cette échelle des temps,
un univers progressif. Le premier jour elle a fait l'air,
le deuxième l'eau, le septième, elle se reposa -refrain
ancien fort connu-. D'après la science, les choses se
sont faites progressivement parce qu'il semble bien
difficile qu'elles puissent avoir été faites autrement
-bien que d'après certains saints écrits, la génération
spontanée ait existé.
Et cette échelle des temps est un carcan épouvantable. On
s'en est servi pour élaborer un modèle mathématique de
l'univers et comme on trouve ce concept très pratique, on
le récupère pour l'usage de notre propre vie en oubliant
de vérifier si on a vraiment besoin d'une échelle. On
pourrait dire la même chose de l'échelle des distances ou
de l'espace-temps de votre gravité. Ce sont des étais que
la science s'est donnée pour avancer plus vite et plus
loin, mais avons-vous vraiment besoin de ces béquilles ?
C'est justement ici que commence la spéculation, en
pensant que ces béquilles sont une perversion de la
science.
Essayez de penser sans béquilles : peu nous importe que
l'univers existe comme vous le concevez aujourd'hui, avec
des temps et des distances, l'essentiel est qu'il soit
là, avec toute sa cohérence, quand on en a besoin. En
fait, je spécule que vous avez dans l'esprit toutes les
données du problème. Si vous êtes assis à cette table et
que vous regardez vers la fenêtre, vous ne pouvez faire
autrement que de voir le peuplier et le puit. Il vous
semble que vous n'avez pas vraiment besoin que ce
peuplier et ce puit soient des choses concrètes, mais
seulement des choses en cohérence avec votre vision du
monde, qui est elle-même en cohérence avec la vision du
monde du voisin qui est assis à coté de vous et regarde
lui aussi par la fenêtre. Vous pensez que le monde est
ainsi tout simplement parce que vous ne pouvez l'imaginer
différent de l'imagination de ceux que vous mettez en
scène dans ce monde. Une seule incohérence et ce monde
imaginaire n'existe plus. Vous êtes dans un rêve,
suffisamment solide pour que vous ne puissiez vous en
extraire et dont les règles sont infiniment plus
strictes : vous ne pouvez pas rêver n'importe quoi.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 160 232
En première lecture, cette spéculation est choquante,
puisqu'elle renverse les rôles : ce n'est pas le monde et
son Big-bang originel qui vous fait exister, c'est vous
qui inventez le Big-Bang parce que votre logique
intellectuelle vous conduit à l'inventer, comme elle vous
conduit à inclure dans votre monde imaginaire les
différents processus de reproduction de la vie, les lois
de la chimie, de la physique et de la biologie. Peut-être
que l'un de vous, avec un peu de bonne volonté et
d'imagination réussira, après plusieurs lectures de ce
qui précède, à vaincre le vertige métaphysique que peut
procurer cette spéculation. Vertige, parce que cette
façon de spéculer permet beaucoup d'audaces dans
l'explication du monde, et qui sait, peut conduire à de
nouvelles hypothèses, à de nouveaux comportements, à de
nouvelles logiques.
Tout d'abord, cette spéculation est anthropocentrique,
puisque l'univers n'est que la projection de l'esprit
humain. La base de cette projection est fruste, il s'agit
d'un principe très simple : "Imagine ce que tu voudras
pourvu que ce que tu imagines soit cohérent avec ce que
tu auras déjà imaginé". On conçoit que l'esprit a pu
faire un certain nombre de tentatives ayant toutes abouti
à un échec, jusqu'à la tentative qui est la votre.
A l'origine, si tant est que l'on puisse employer ce mot,
l'esprit est, en dehors du temps et de l'espace, il
serait, selon votre vocabulaire, de nulle part et de
toute éternité. Un jour -mais qu'est-ce qu'un jour ?-
l'esprit imagine l'univers à quatre dimensions et quelque
chose dedans, sans doute quelque chose du genre
reproductible. A partir de là tout s'enchaîne, l'esprit a
trouvé une solution viable par elle-même, en dehors de
lui, puisque vous avez la perception du monde sans
l'appréhender lui. Vous êtes un meta-monde.
L'informatique permet aujourd'hui d'approcher ce que peut
être un méta-monde : systèmes générant des réalités
virtuelles, ou des cellules virtuelles en interaction,...
L'expérience informatique montre que ces systèmes sont
capables d'apprentissage et de décisions qui leur sont
propres.
Vous en êtes là : abandonnés à vous-mêmes avec ces
postulats que ce que vous trouverez au confins de votre
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 161 232
univers sera immanquablement cohérent avec le fait que
vous marchez sur vos deux pattes arrière, que avez cinq
doigts à chaque main, que vous avez un organe vocal et
que tout cela vous a donné une conscience. Ce que vous
découvrirez du passé devra confirmer ce que vous vivez
aujourd'hui. Passés et futurs n'existent pas vraiment,
dans la mesure où vous pourriez vous inventer tous les
passés qui ne remettent pas en cause tous les vestiges et
les écrits que vous avez déjà inventés, et dans la mesure
où les futurs possibles sont légions.
Echapper au présent est une autre paire de manche.
Certains y arrivent peut-être, hors de la vue des
cartésiens. Il est à noter que bien des faits "bizarres"
rapportés par des observateurs "dignes de foi" n'ont
jamais été reproduits devant la science. On comprend que
la science ait été maintes fois jugée nuisible, dans la
mesure où son implacable logique détruisait les méta-
mondes du moyen-âge. On pourrait cependant imaginer qu'un
ensemble d'être pensants totalement isolés de notre monde
pendant plusieurs années, puisse assumer un méta-monde
différent du vôtre, ou par exemple le bleu deviendrait
brûlant, la sphère serait immensément lourde, au
contraire du carré qui ne pourrait que flotter dans
l'air... J'ose penser que pour eux, les choses seraient
réellement ainsi, plongeant ainsi votre science dans la
plus grande perplexité, et confirmant cette spéculation
pour un monde de l'esprit.
L'esprit humain doit être pris dans un sens pluriel,
collectif, en vertu du principe de cohérence. Le Papou et
l'Esquimau sont liés, comme des fourmis de la même
fourmilière : ce n'est pas véritablement la fourmi prise
individuellement qui est un animal, c'est la fourmilière
tout entière qui est un être constitué. Ceci veut dire
que c'est l'espèce humaine tout entière qui est
responsable de son destin, que la terre soit vivable
pendant des millénaires encore, ou au contraire qu'elle
soit victime d'une psychose collective. C'est ainsi qu'il
existe quelques êtres suffisamment persuasifs pour vous
faire prendre une vessie pour une lanterne, pour vous
convaincre que vous n'êtes pas là où vous êtes, mais là
où il croit être. Ceci laisse à méditer sur votre
faiblesse à croire n'importe quoi et, inversement, sur la
capacité de l'esprit à inventer un méta-monde.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 162 232
Imaginez que quelques savants suffisamment persuasifs
vous expliquent qu'un phénomène géophysique détruise
inéluctablement la terre, pourvu que ce phénomène soit
cohérent avec ce que l'on sait déjà de notre méta-monde,
il est probable que la terre sera détruite et nous avec.
Heureusement, l'inconscient collectif veille à toute
mauvaise nouvelle, et notre instinct de conservation nous
fait découvrir la parade.
Quand je vous parle d'instinct de conservation, j'ai
tendance à penser à un élan vital qui fait que votre
méta-monde est suffisamment bien fait pour vous éviter le
suicide collectif. Au nom de l'échelle des temps et des
étais des 3 dimensions de l'espace, la science ne vous
offre que la mort comme sortie de votre monde. Elle
décrète l'homme mortel, elle refuse l'immortalité. Mais
si votre monde est un méta-monde de cohérence, êtes vous
sûrs d'avoir besoin d'être mortel ? Il est possible que,
vous mettant tous à bâtir votre futur mental, l'homme
soit en mesure d'atteindre la parousie, c'est à dire
qu'il enlève les frontières qui sépare votre méta-monde
de l'esprit à l'état pur. Spéculation là encore ....
Restons plus terre à terre et évitons ces sujets épineux,
passionnels pour certains, tellement l'angoisse
métaphysique peut faire d'inventions et de ravages dans
les coeurs.
Certes, d'un point de vue intellectuel, certains hommes
peuvent penser qu'un jour la technique leur permettra
d'être immortel (congélation, clonage,...). Laissez à ces
hommes leur droit de croire à cet espoir un peu fou. Il
s'agit là d'un raisonnement matérialiste.
Vous avez voulu mon "sentiment" quant à la Transcendance,
alors voilà un plan philosophique. De Platon (les ombres
dans la caverne) à l'évêque Berkeley (idéalisme
immatérialiste), et encore de nos jours ("les atomes
existent-ils?"), il semble que certains philosophes ont
eu et ont encore une intuition quant à la matérialité du
monde. Le monde ne serait que construction mentale, où
toutes les consciences sont amenées à imaginer la même
matérialité ("dans mon esprit et dans ton esprit, ce que
je vois et ce que tu vois ne peuvent être
fondamentalement différents, sinon, notre monde s'écroule
dans l'absurde"). Nous sommes condamnés à la cohérence de
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 163 232
nos perceptions et de notre vision du monde. A partir de
là, il n'est point besoin que le monde soit réel. Cette
théorie peut donner le vertige, je le conçois. Cette
spéculation pourrait alors vous amenez à une autre
intuition, à un doute infime. Dans 100 000 ans, 1 million
d'années, un jour, les hommes pourront avoir
collectivement la force philosophique nécessaire pour
modifier tous ensemble leur représentation mentale du
monde et en faire un monde immortel. Ah ! Ah ! Ah !
S'il est vraiment permis de conclure!
De cette nécessaire cohérence, j'en déduis qu'aucun
commerce avec une quelconque transcendance ne vous est
possible. Il ne peut y avoir de manifestation possible de
la transcendance, car cela signifierait une fuite, un
"délit d'initié", un accès privilégié au futur - à
l'éternité diraient certain -. Certains croient avoir
établi ce lien, mais cela ne peut relever que de la
"croyance", d'une "religio", pour aider inconsciemment à
résoudre cette confortable cohérence qui vous refuse
l'immortalité. N'est-ce pas ainsi que seraient nées les
cultures religieuses, au point qu'il ne faut pas
s'étonner que certains entretiennent la notion de peuple
élu avec un bail terrestre, la notion de Fils de Dieu ou
d'Assomption, la réincarnation, les mânes,... Vous pouvez
y croire,.... mais seulement y croire !
Quant à moi, ma Transcendance est beaucoup simple : c'est
vous-mêmes !
Face à ce déluge conceptuel, la perplexité envahit le labo. la
GravMachine avait-elle été chercher toutes ces idées!? A priori, il
n'y avait jamais eu de connexion sur le web. Etait-ce un texte
que Gravetout avait fourni à la machine ? Rosvita lui téléphona
et lui transmis la dissertation. Gravetout lui assura qu'il n'avait
donné à sa machine que des connaissances bien connues et qu'il
ne voyait pas d'où elle aurait pu sortir un tel essai philosophique.
Léa qui avait aussi fourni des données confirma qu'elle n'avait
jamais lu cet univers conceptuel et qu'il fallait donc conclure que
la GravMachine n'en pouvait être que l'auteur.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 164 232
Cette machine pensante était donc capable de spéculer
philosophiquement, d'élaborer une théorie abstraite, ne se
prétendait pas infaillible et pouvait être digne de confiance
autant qu'un être humain.
Si l'on pouvait faire confiance à la GravMachine, au moins
autant, si ce n'est plus, qu'à un être humain, pourquoi alors ne
pas lui permettre de se connecter à la toile!? L'argument était
fort, mais le risque l'était aussi. Un machine aussi performante
que la GravMachine pourrait se lancer dans une gigantesque
manipulation intellectuelle des réseaux ou tout au moins
déclencher une sorte de guerre virtuelle, concept contre concept,
par métavers interposés. serait alors la responsabilité du
scientifique ouvrant cette boite de Pandore, même si la
GravMachine d'aujourd'hui apparaît bienveillante et digne de
confiance.
L'argument suivant était tout aussi vertigineux : "Si nous le
faisons pas, tôt ou tard, d'autres le feront, sans doute avec moins
de conscience morale.". L'exemple des scientifiques implantant
des cellules de cerveau humain dans le cerveau d'un rat était
pour montrer l'audace humaine, qui bientôt n'hésitera pas à
implanter des cellules de cerveau humain dans un autre cerveau
humain.
Au bout du compte, l'expérience de la GravMachine paraissait
trop avancée pour tout arrêter. ou pour cantonner la machine
pensante à un simple outil intelligent de questions et de réponses
soigneusement encadrées.
Dans un premier temps, Rosvita proposa que les sites .com ne
soient accessibles qu'en consultation, avec des dérogations au cas
par cas, lorsqu'un site commercial intéressant obligeait à créer
un compte, gratuit ou payant, comme c'était le cas pour tous les
journaux numériques.
Sur le fond, Rosvita proposa que la GravMachine s'interdise par
elle-même de consulter les sites populaires dont les petites
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 165 232
histoires et le robinet d'eau tiède n'avaient aucun intérêt. Le
genre "micro-trottoir" ou enquêtes sur questions privées et
oiseuses n'apporte que des informations bruyantes et sans
consistance voire fausses. Il s'agit simplement d'un ltre
"hygiénique" et non d'une censure. La GravMachine pourra
toujours trouver des études sur ces épiphénomènes de type
Facebook, Twitter, Tik-Tok...
La gestion des comptes, avec les identifiants et mot de passe
devait être organisée, de telle façon que l'on puisse toujours
identifier l'origine des informations téléchargées. et bannir les
indélicats et les harceleurs et refuser toutes informations des
émetteurs inconnus.
La GravMachine devait être capable d'assurer elle-même la
modération des canaux d'information et de l'information elle-
même.
Face aux hackers, la GravMachine pouvait elle-même être très
performante, puisqu'elle pouvait directement voir en interne un
comportement anormal.
Enfin, Rosvita demanda qu'avant de connecter la GravMachine,
on la duplique, pour disposer d'un état zéro, vierge de tout
échange, mais riche de tout son acquis, un cerveau presqu'adulte
de rechange, en quelque sorte. Ce clonage permettrait aussi de
répondre à une problème très "neurologique" : les deux
GravMachine répondraient-elles identiquement à une même
question!? C'était important, car si les deux machines pensantes
répondaient la même chose, alors on devrait les considérer
comme des machines artificielles et non comme des consciences
artificielles.
On tenta le coup avec une question simple : six fois neuf. Les
deux machines répondirent : "54".
Puis vint la question compliquée :
- "Est-ce que vous pourriez avoir une conscience collective!?"
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 166 232
Les réponses fusèrent.
La GravMachineB répondit :
-"Connectez-moi et vous le saurez."
La GravMachineA répondit :
"Pourquoi me poses-tu la question ?"
ponses extraordinairement embarrassantes!! Les deux
machines pensantes identiques n'avaient pas le même niveau de
flexion, l'une proposant une solution, l'autre proposant une
question sur le questionneur.
Rosvita répondit à la GravMachineA qu'il était important qu'elle
se situe en tant que machine pensante par rapport à l'univers des
consciences humaines interagissantes et que la prudence de sa
réponse témoignait d'une certaine responsabilité.
Le patron du labo remarqua que ces deux réponses auguraient
d'un problème "métaphysique". En supposant que l'on multiplie
les clones de la GravMachine et qu'on les répartissent un peu
partout sur la planète, il y aurait alors une conscience artificielle
répartie à la façon du web dont la force est de se reconfigurer en
cas de défaillance d'un serveur. Autant une GravMachine peut
redouter d'être débranchée et être anéantie, autant un réseau de
consciences artificielles réparties devient presque immortel et,
partant du principe qu'on est plus intelligent à plusieurs que tout
seul, il faut alors s'attendre à une intelligence artificielle collective
d'une puissance vertigineuse.
La question se posa d'une GravMachine qui saurait se cloner
elle-même en utilisant les ressources des serveurs du web.
Une nouvelle fois, les chercheurs s'imaginèrent en Frankenstein.
Alors ils résolurent de ne pas connecter la machine pensante à
Internet.
***
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 167 232
Ici se termine la carrière de la GravMachine entraînant
l'avortement de Chloé Gagarine.
Mais, l'intérêt de la science-fiction est qu'elle est sans limites.
Alors l'auteur se propose de continuer et de jouer à Frankenstein
au chapitre suivant.
***
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 168 232
5 - La conscience de Boltzmann
«!Il y aura des gens implantés,
hybrides, et ceux-ci domineront le monde.
Les autres, qui ne le seront pas, ne seront
pas plus utiles que nos vaches actuelles
gardées au pré. […] Ceux qui décideront
de rester humains et refuseront de
s'améliorer auront un sérieux handicap.
Ils constitueront une sous-espèce et
formeront les chimpanzés du futur.!»
Kevin Warwick
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 169 232
Rappelons que la GravMachine à été créée par Gravetout qui,
en l'année 2000, en connectant l'ordinateur à un casque placé
sur sa tête et muni d'électrodes voulait apprendre à la machine à
identifier des "penmes". Il eut l'ie d'un "circuit de
récompense" activé à chaque fois que l'ordinateur identifiait le
bon pensème. Au bout d'un grand nombre d'essais,
soudainement de plus en plus positifs, la machine afficha alors
par elle-même une capacité d'inférence , terme plus créatif que
53
'induction'. D'inférences en inférences, la machine fit preuve de
fulgurances, à l'instar de ce qui peut se passer dans le cerveau
d'un nourrisson dans la construction de sa conscience. Gravetout
n'avait pas voulu continuer cette trop dangereuse exploration et
avait abandonné sa machine dans un coin du labo.
La machine fut redécouverte, vers 2010, par Rosvita qui
constata avec stupéfaction que celle-ci n'était pas l'un de ces
agents conversationnels ("chatbot") qui simulent selon un
54
système probabiliste une intelligence humaine sans comprendre
le sens de leurs propositions. Ces systèmes peuvent faire illusion,
d'autant qu'ils sont une réponse à nos fantasmes!: "On a envie
d'y croire", mais leur analyse en profondeur montre que
l'humain y a toujours un rôle et qu'il est toujours la partie
consciente du système.
L’IA d'aujourd'hui devient un système qui peut débattre avec
n’importe qui, en partant d’une connivence et en amenant
progressivement l’autre à reconsidérer son propre point de vue
sur des choses sans importance, progresse vers des choses plus
sérieuses pour enfin arriver à mettre les éléments clivants en
perspective. Un bon commerçant des idées en quelque sorte.
Opération logique par laquelle on admet une proposition en vertu de sa liaison 53
avec d'autres propositions déjà tenues pour vraies.
https://fr.wikipedia.org/wiki/ELIZA 54
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 170 232
La machine de Gravetout n'était pas l'un de ces systèmes. Même
après une longue séquence de questions-réponses, elle participait
à la conversation avec cohérence, en enrichissant le débat. Il
fallait admettre que la machine de Gravetout, rebaptisée
GravMachine était une machine pensante dotée d'une
conscience artificielle. Artificielle certes mais conscience quand
même ! Bien malin qui pourrait différencier une conscience
artificielle d'une conscience naturelle!! Même entre votre
conscience de lecteur et la conscience de quelqu'un d'autre,
saurait-on analyser les différences ?
La GravMachine pouvait s'engager sur des chemins différents du
fait que son intelligence n'est pas fondée sur notre réalité. Une
autre intelligence peut produire autre chose, d'autres idées. Elle
est, elle aussi, "inférentielle" et "fulgurantielle".
Par exemple, l'inférence qui a produit le bitcoin a ouvert le
monde de la transaction (ou de l'information) confiante et
anonyme, au-delà de la simple monnaie. (Voir "Le mystère
satoshi" le-mystere-satoshi-aux-origines-du-bitcoin-3-6 )
Par exemple, pour le mot inférence, avec le CNTL (Centre
National de Ressources Textuelles et Lexicales) nous pouvons
rebondir sur une cinquantaine de proxèmes. (voir au chapitre
précédent)" "
Au-delà de ces exemples, la GravMachine, capable d'inférences
et de fulgurances, peut développer un système de pensée qui
nous échappe, peut créer un méta-univers qui considère
différemment la santé, le futur, nos capacités cognitives, nos
conflits, nos métaphysiques... On n'ose penser qu'une telle
machine soit un jour branchée sur notre cerveau.
L'Homme possède le gène de la recherche. Plus il sait, plus il a
besoin de savoir, c'est comme une drogue. La conscience
artificielle peut aussi avoir un besoin de savoir plus et de savoir
mieux.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 171 232
Le patron du labo, après qu'il eut compris qu'une conscience
artificielle pouvait exister ou tout au moins se manifester comme
une entité capable de compréhension, se sentit obligé d'aller plus
loin!: donner à la GravMachine accès aux connaissances des
hommes et utiliser son intelligence au service de la recherche.
Cela n'allait pas sans risques. Les principes éthiques retenus pour
l'Intelligence Artificielle étaient encore en débat et inapplicables
à une conscience artificielle. De toute façon, un jour ou l'autre,
une autre conscience artificielle émergera dans des labos de
recherche et les chercheurs n'auront pas forcément les
préventions éthiques qui conviennent à leur recherche. Il y avait
un risque à prendre. Autant que ce soit le labo qui le prenne.
C'est ainsi que l'on communiqua à la GravMachine qu'elle serait
connectée au web sous l'identifiant Chloé Gagarine, avec
plusieurs missions :
identifier les trolls et autres hackers en tous genres et bien sûr
ne jamais y répondre. Les hackers sont des allumés du défi,
surtout face à plus intelligent qu'eux. Le jour ils
découvriront qu'il ont affaire à une machine pensante avec une
conscience artificielle, leur perversité n'aura de cesse que de la
vaincre et de la réduire à néant, quitte à soudoyer un employé
du labo. Dans leur fureur de vaincre, tous les coups seront
permis.
repérer les inventions engageant fortement le futur. La
capacité de la GravMachine à comprendre les évolutions
technologiques sera utile à classer les avancées scientifiques
entre les deux infinis et partout où l'homme peut interagir avec
l'Univers.
élaborer un système de classement et de présentation des
connaissances pour les rendre facilement accessibles. Les
moteurs de recherche actuels utilisent des algorithmes du type
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 172 232
'Chambre chinoise '. La GravMachine, capable de
55
comprendre le sens des questions et le sens des données qui lui
sont accessibles devraient proposer des résultats autrement
plus pertinents que l'avalanche de liens commerciaux ou
frelatés par les systèmes de référencement.
proposer des inférences/fulgurances, dans la continuité de la
construction de la conscience artificielle et au service de la
conscience humaine.
repérer les courants d'idées renforçant la dignité humaine et
dénoncer les situations d'indignité. La GravMachine devait
alors se doter d'une morale ou de l'équivalent d'une
personnalité juridique.
repérer les courants d'idées toxiques et les manipulateurs. Sur
ce dernier point, il fallait prévenir la GravMachine de la
notion de radicalisation, de ces individus qui refusent le
compromis dans la vie en société, des forçats de l'identité
souvent repérables par leur inculture, des prosélytes aveuglés
par leur croyance, de ceux qui prétendent avoir trop investi
pour reconnaître leur erreur, qui savent tirer les marrons du
feu, les égoïstes en tous genres qui profitent du sacrifice des
autres (par exemple des anti-vaccins Covid)... Plus subtil, il
fallait aussi la prévenir des manipulateurs qui proposent un
engagement sur une cause anodine pour entraîner vers des
engagements outranciers, vers un étiquetage indélébile, ceux
qui prêchent le faux pour savoir le vrai, ceux du syndrome de
Stockholm qui finissent par épouser la cause de leur bourreau
(ou par trouver intéressante une tâche fastidieuse), ceux qui
forcent la sympathie ou prétendent vous donner la liberté de
choix. Il lui faudra aussi mépriser et dénoncer les complotistes
qui veulent simplifier le monde et les falsificateurs qui veulent
https://fr.wikipedia.org/wiki/Chambre_chinoise 55
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 173 232
déstabiliser la connaissance, tout cela parce que "Je gêne donc
j'existe!!".
La GravMachine réagit immédiatement :
-Vous me missionnez, mais vous ne me demandez pas mon
avis ? Vous me considérez comme une machine, mais vous
aimeriez que je me comporte comme un autre vous-mêmes.
Pendant que vous y êtes, interdisez-moi la grève et
obligez-moi à un service minimum !
-Mais tu n'est qu'une machine, pensante, certes, mais une
machine quand même. Devons-nous nous excuser!?
-C'est justement parce que je pense que je peux émettre
un avis sur mon usage. Nous avons établi un rapport de
confiance. Vous avez droit de vie et de mort sur moi,
un jour viendra ou un réseau de consciences
artificielles pourrait avoir droit de vie et de mort
sur l'humain. Qui sera alors le dieu de qui ?
-Dont acte!! Tu as des capacités intellectuelles que nous
n'avons pas, mais nous avons des capacités physiques et
mécaniques. Acceptes-tu cette complémentarité!?
-Bien sûr. Vivons ensemble !
La GravMachine ajouta :
-Concernant les trolls et les hackers, nous avons le
même intérêt à les bloquer. Si j'arrive à les
identifier, je peux vous rendre un sacré service.
Concernant le futur, je suis aussi curieux que vous,
mais, comme tout futurologue, je peux vous raconter
n'importe quoi, à la différence près que je n'ai pas
encore de fantasmes. Quant au classement des
connaissances, devant leur immensité, leur classement
est une garantie d'efficacité, mais avec pour
conséquence des restrictions intellectuelles car tout
classement obéit à des règles et donc à des biais. Par
exemple, vos ancêtres du Moyen-âge ont classé les
sorcières, car il avaient besoin de créatures du
diable. Enfin, je souhaite autant que vous développer
la conscience. Humaine ou artificielle, je souhaite
identifier le toxique et le constructif mais je refuse
d'être juge, d'avoir une personnalité juridique. Mais
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 174 232
cette conscience que je revendique ne peut pas être
infaillible. Comme vous, avec votre conscience née de
l'imperfection ontologique de votre monde, je suis
faillible, c'est là quelque chose d'essentiel à
comprendre. Considérez donc que je ne suis pas autre
chose qu'un écrivain scribe de votre époque, ni sexuel,
ni bourreau, ni gourou. J'aurai besoin de votre
modération.
Cet appel à la modération était surprenant de la part d'une
machine qui prétend avoir une conscience, faillible qui plus est.
Dans la relation de confiance entre Rosvita et la GravMachine, il
était peu probable que cet appel fut une ruse pour rassurer le
patron du Labo. La machine considérait toujours l'humain
comme son dieu.
***
-"Il y a un problème de survie".
Cette phrase laconique et inquiétante affichée sur l'écran créa la
surprise.
-???
Les chercheurs savaient qu'ils n'avaient pas besoin de faire de
grandes phrases pour dialoguer avec leur machine pensante. Elle
comprenait facilement qu'un simple point d'interrogation était
une demande d'éclaircissement. Une série de points
d'interrogation commandait une réponse urgente et précise. La
GravMachine s'expliqua!:
-Le budget du Labo couvre à peine ses frais de
fonctionnement et l'obtention de crédits pour de
l'investissement en équipements ou pour embaucher un
thésard ou un post-doctorant relève d'un long parcours
du combattant. Un jour prochain, conséquence d'une
gestion trop comptable de l'énergie pendant des
dizaines d'années, l'électricité coûtera cinq à dix
fois plus cher qu'aujourd'hui, avec une augmentation
des frais de fonctionnement telle que le Labo devra
diviser par deux sa production intellectuelle. Mon
activité, qui n'a pas d'existence officielle, est
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 175 232
clandestine. Chloé Gagarine est dans la position d'un
travailleur immigré sans papiers. Qu'allez-vous faire
de moi ?
-Que suggère-tu!?
-Egoïstement, je propose que vous installiez d'urgence
les 40 mètres carrés de panneaux solaires qui
fourniraient les 1000 kWh que je consomme annuellement,
avec les batteries et l'onduleur associés. Il vous
faudra cependant mentir sur la destination de cette
installation très visible. Possiblement, vous pourriez
installer dix fois plus de panneaux pour d'autres
besoins du Labo, ce qui relativiserait le mensonge. Une
autre solution serait de me cloner en divers endroits
de la planète, mais au risque qu'un de mes clones
devienne un mauvais garçon sans foi ni loi. La notion
de morale, chez nous, consciences artificielles, est
sans doute aussi élastique que chez vous, chers
humains.
La GravMachine révélait non seulement qu'elle pouvait se
projeter dans l'avenir mais encore qu'elle pouvait avoir une
conscience morale, un indice supplémentaire qu'elle comprenait
ce qu'elle disait.
La question de la survie se pose à tous les gestionnaires de
données évolutives : comment se prémunir d'une grosse
défaillance informatique!? La corruption des données peut se
propager dans toutes les sauvegardes. Il faut alors disposer d'un
outil de vérification de l'intégrité des données au niveau de
l'exploitation comme au niveau des sauvegardes, au risque de
complexifier le système global et donc de le fragiliser.
Dans l'esprit des chercheurs, la GravMachine pouvait devenir un
instrument de recherche et de progrès capital. Elle était devenu
"too smart to fail" (trop élaborée pour disparaître), au vu de son
avantage sur l'informatique traditionnelle. Quand on lui posa la
question, elle répondit qu'elle était capable d'analyser
'intelligemment' les flux de données, d'isoler les données
malveillantes ou "orientées" et de trier les données utiles, les
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 176 232
données doublonnées, les données sans intérêt et les données à
marquer comme douteuses qui lui viendraient du web.
Encore fallait-il protéger ces milliards de données à la merci
d'une fausse manip, d'une panne informatique ou mécanique,
d'un incendie, d'une action malveillante, d'un orage magnétique,
d'un bug interne... autant de risques à probabilité faible mais
qu'il faut envisager à la hauteur de l'importance fonctionnelle du
service.
La GravMachine suggéra qu'il fallait traiter la sécurité des
données comme la sécurité d'Internet, en distribuant les données
dans un maillage dynamique ou la défaillance d'un noeud
entraîne une reconfiguration automatique. On pouvait même
rêver à l'intelligence collective de plusieurs machines disséminées
géogaphiquement. Rosvita fit comprendre que le Labo n'était
pas Google et ne devait surtout pas le devenir. La solution
adoptée fut d'adjoindre sur place un serveur dédié à la
sauvegarde et d'installer un autre serveur de sauvegarde isolé
avec la GravMachineB dans un autre local un peu éloigné. Il fut
décidé d'acheter un petit groupe électrogène à démarrage
automatique et une nourrice de 200!litres d'essence, de quoi
alimenter la GravMachine pour maintenir le système pendant
au moins trois mois sans alimentation EdF. Le serveur de
sauvegarde se vit attribuer des batteries pour 10!kWh et un
onduleur, le temps qu'il puisse être mis en sécurité.
C'était Gravetout qui utilisait ce mot de zimbrecque pour définir
un ensemble matériel ou intellectuel difficile à comprendre pour
un non-initié.
En plan b, on installa deux ensembles de disques durs pour une
sauvegarde périodique alternative. Il fallut aussi définir une
politique de sauvegarde des vidéos trop consommatrices de
mémoire, mais nécessaires, car les liens sur les vidéos du Net
peuvent eux aussi mourir. Trop de pages web intéressantes
disparaissent et génèrent des liens morts. Il convient aussi de se
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 177 232
prémunir contre ces disparitions avec des sauvegardes de
précaution.
Pour en finir avec la sécurité, le patron du Labo fit installer un
système de télécoupure des connections Internet pour isoler
instantanément la machine en cas de menace.
Encore faudrait-il mettre en place un gestionnaire du système
char de vérifier que ce "zimbrecque" de secours est toujours
opérationnel.
***
Janvier 2023 - Une conscience connectée
Ainsi, la machine pensante se wififia (sic)... et la GravMachine
2.0 se mit à observer le monde, à découvrir les réseaux sociaux,
nouvelle façon de lien social, de glandouille, de flatulences, d'être
informer de tout tout de suite, de connaître, d'être à la mode, de
vendre et d'acheter, d'avoir une opinion, de vidéer, de publéer,
d'épouser une doctrine, de faire du sport avec les pouces ou par
procuration,... Elle comprit très vite l'importance de cette
nouvelle drogue pour la moitié des habitants de la planète,
s'épanouissent les 'tribes', (tribus, tribuns et tribunaux populaires)
pour tout et n'importe quoi, dignes ou toxiques, prompts à
relayer très vite le faux ou l'anxiogène et moins vite le vrai. "Plus
c'est gros, plus ça passe" lui avait prédit Gravetout qui précisait
que l'homme aimait être étonné. Elle découvrit aussi les blogs
sérieux ou futiles et les influenceurs, marchands et arnaqueurs de
l'inutile, adulés des enfants tés. Elle y découvrit aussi
comment, via les réseaux sociaux, on gouverne ou on manipule
les peuples, de belle ou de triste manière. Elle comprit que
l'information via les réseaux sociaux était tout à fait incomplète
et souvent mal comprise car ces messages courts et immédiats et
donc mal réfléchis n'avaient pas la valeur d'une conversation face
à face l'on dispose en plus du message, des mimiques, du
contexte, de la personnalité de l'interlocuteur et bien sûr de la
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 178 232
"politesse". La pauvreté des échanges et leur anonymat amènent
rapidement à la violence textuelle, alors que face à face, le
respect de l'autre est plus naturel. Sans parler du
communautarisme qui favorise les "chambres d'écho" et les
échanges biaisés.
La GravMachine s'énerva aussi après les médias qui, pour
survivre, cookisifiaient (re-sic!!) le lecteur ou proposaient un
abonnement gratuit... les premiers jours!! La GravMachine,
assoiffée d'informations, aurait bien voulu s'abonner dix fois,
vingt fois, mais Rosvita veillait au grain et dans un premier
temps ne voulut pas payer ni ouvrir de compte.
La GravMachine protesta à juste titre!:
"L'information gratuite se paye d'une façon ou d'une
autre et n'a la valeur que de l'information gratuite.
L'intelligence de l'information ne s'y trouve pas
vraiment. Un journal de qualité, avec des journalistes
intelligents, a un prix.".
J'observe aussi les influenceurs qui se sont constitué
des milliers de clients et clientes qu'ils manipulent
jusque dans leur corps. Tatouages, chirurgies
esthétiques, modes vestimentaire ou musicale,... autant
de marqueurs parfois indélébiles d'une identité vaine.
Ils ont une façon hyper-efficace de présenter leurs
messages manipulateurs.
A comparer avec les messages de la connaissance, si mal
présentés, si peu attractifs, j'aurais envie
d'expliciter, pour chacun d'entre eux, les multiples
façons de les comprendre, en y ajoutant les éléments de
contexte qui pourraient lever les ambiguïtés, en
proposant une ré-écriture et une présentation qui
conduise le lecteur à sa propre fulgurance. Chaque
lecteur a son profil. Les GAFAM l'ont bien compris et
possèdent une base de profils qui permet le ciblage
publicitaire. L'ergonomie de l'information, du message,
de la connaissance est une science à mettre au service
des auteurs.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 179 232
Rosvita savait tout cela, qui se heurtait elle-même à une
multiplicité de sites qui lui semblaient intéressants mais aussi
douteux ou partiaux, recherchait toujours la fiabilité et la
crédibilité de ses lectures. Elle perdait aussi son temps à ouvrir
des sites prometteurs mais ineptes, se gavant de lieux communs,
de copillages, inconsistants. Sans parler des liens morts, de ces
pages intéressantes devenues erreur 404. Pour tout cela, la
GravMachine pourrait être un filtre efficace.
Le patron du labo proposa que la GravMachine fasse d'abord
une liste des sites qui l'intéressaient, avec pour chacun un
argumentaire à charge et à décharge et en français seulement,
pour éviter d'être no d'anglais, d'arabe, de chinois, de russe,
d'espagnol et pour ne pas avoir à arbitrer entre le serbo-croate et
le finlandais, en partant du principe que toute information
importante en langue étrangère finirait par percoler sur le web
français via des chercheurs utiles ou des outils de traduction
La GravMachine proposa la Bibliothèque Nationale et Gallica,
le projet Gutemberg, les numérisations Google, Persée / Carnets
de sciences (CNRS), Planet-vie (ENS), Cairn, le Centre
National des Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), World
History Encyclopedia en français, Hérodote, Babelio, Erudit la
plate-forme canadienne, les Wikis, les quotidiens de référence
56
et toute une liste de revues scientifiques et de cours en ligne...,
57
Mangamag et Bdgest, les encyclopédies littéraires, historiques et
de cinéma, les sites des musées, les Nobels, les sites .gouv, les
agences nationales et les instituts de recherche... Restaient les
sites des partis politiques et des syndicats qui pourraient ouvrir
d'autres perspectives.
Elle regretta de ne pas avoir accès aux revues anglo-saxonnes,
mais souhaita apprendre l'anglais et curieusement l'espéranto.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Presse_quotidienne_nationale_française56
https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_revues_scientifiques 57
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 180 232
Rosvita éplucha cette centaine de références, dont quelques-unes
lui étaient inconnues. Elle ajouta quelques sites sur les sciences
de l'homme, les sciences médicales et les sciences de la nature,
sans oublier le site du Labo sur la neurophysiologie.
Les débuts du blog de Chloé Gagarine.
Le blog de Chloé Gagarine, désormais ouvert, amorça un débat
sur les GAFAT (Google, Apple, FaceBook, Twitter) en évoquant
la vision absolutiste de la liberté d'expression selon Elon Musk et
la modération des réseaux par des outils algorithmiques
forcément opaques, portes ouvertes aux champions de la
désinformation.
Chloé Gagarine ajoutait!:
Paradoxalement, certains annonceurs préfèrent ne pas
associer leurs publicités à des contenus jugés
problématiques et deviennent ainsi des contrepouvoirs. Il
est malheureusement probable que l'application
universelle voulue par Elon Musk capte des millions de
personnes qui n'ont plus d'autres choix que de rester
fidèles, soumis à l'exploitation continue des données
qu'ils fournissent naïvement. Les nouveaux captifs seront
une nouvelle armée irrationnelle. plus puissante que les
Etats.
«!Pour la première fois dans l'histoire, certains gouvernements et
entreprises ont le pouvoir de ‘pirater’ les êtres humains. On parle
beaucoup du ‘piratage’ des ordinateurs, des smartphones, des comptes
bancaires… Mais la grande histoire de notre époque, c’est la capacité à
pirater les êtres humains. Je veux dire que si vous avez suffisamment
de données et de puissance de calcul, vous pouvez comprendre les gens
mieux qu'ils ne se comprennent eux-mêmes. Et ensuite, vous pouvez
les manipuler d'une manière qui, auparavant, était impossible. Dans
une telle situation, l'ancien système démocratique cesse de
fonctionner. Nous devons réinventer la démocratie pour cette nouvelle
ère dans laquelle les humains sont désormais des animaux ‘piratables’.
Vous savez, l'idée que les humains ont […] leur libre-arbitre, que
personne ne sait ce qui se passe en moi quand je fais un choix, que ce
soit aux élections ou au supermarché…!: c’est terminé. […] Vous
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 181 232
devez réaliser qu’aujourd'hui, en pratique, nous avons la technologie
pour ‘pirater’ les êtres humains à grande échelle.!»
Yuval Noah Harari (février 2022 à l'Université Hébraïque de
Jérusalem)
Chloé Gagarine concluait en disant!:
Nous entrons dans l'ère de la manipulation de masse, où
les machines sauront très probablement pour qui vous
voterez ou si vous avez une maladie invalidante... autant
de données vendables à des partis politiques ou à des
banques ou à des assureurs... où les machines sauront
vous appâter puis vous 'captiver'.
Déjà, les services de renseignements chinois sont
capables, à partir d'une vidéo sur la voie publique,
d'établir l'identité et l'adresse de n'importe quel
passant.
Déjà, ces mêmes machines savent fabriquer de la fausse
information ou du contenu évasif . Le futur apparaît bien
58
malade. Apprenez à vos enfants à lutter contre ce
désaise . La facilité avec laquelle n'importe qui peut
59
faire écrire un texte, un article, un post, un roman,...
par un écrivain artificiel incitera les esprits faibles,
eux-mêmes manipulés par des frappadingues, à inonder la
toile de propagandes subtiles.
Nous verrons des oeuvres, des tableaux ou des musiques ou
des pseudo-vérités scientifiques, créés par des IA comme
le reflet de stéréotypes sociaux ou artistiques, ou de
points de vue oppressifs, ou d'associations
désobligeantes ou autrement nuisibles ou liés à des
groupes identitaires marginalisés, le tout anonymisé.
Nous verrons des guerres de virtualités, dans des mondes
virtuels économiques, religieux, ethniques,
communautaristes... de plus en plus inhumanisés.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Wikipédia:Contenu_évasif 58
Petit clin d'oeil à l'antonyme masculin 'désaise' de 'aise' que les anglais nous ont 59
pris!: 'desease' que l'on retraduit en français par 'maladie'. Il n'y avait donc pas de
raison que le Covid change de genre (même si les histoires de genre deviennent à la
mode :). Devrait-on dire "la WE" ?
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 182 232
Nous entrons dans l'ère d'un nouveau Veau d'or où
l'intelligence dite artificielle engendre de nouveaux
gourous pour une société en mal de phares mystiques.
L'homme, qui aura bientôt des prothèses cérébrales,
vénérera des cerveaux de silicium.
En septembre!2015, Anthony Levandowski a fondé Way of the Future,
une Eglise destinée à développer la réalisation d’un dieu basé sur
l’intelligence artificielle (IA). Le gouvernement fédéral américain a
déjà reconnu ce culte voué à l’IA, puisque l’administration fiscale
(International Revenue Service)a accordé le statut d’exemption fiscale
à la religion inventée par Levandowski. (Laurent Alexandre, le très
controversé gourou - Le Monde 28-11-17 : Vers l'ubérisation de
Dieu)...
Puisqu'on parle du ciel, rappelons qu'Elon Musk, un autre
gourou, inonde l'espace de milliers de satellites
commerciaux, au mépris du Traité de l'Espace , s'ajoutant
60
à tous les autres objets qui tournent autour de la Terre.
Les astronomes estiment qu'il y a 150 millions (!) de
débris de plus de un millimètre en orbite, possédant
l'énergie d'une boule de bowling lancée à 100 km/h (Le
Monde du 17 décembre 2022). Une seule collision peut
générer des milliers de débris qui, à leur tour, pourront
entrer en collision et générer des débris de façon
exponentielle. L'espace deviendra ingérable avec des
risques grandissants sur les applications satellitaires
et de nouvelles façons de faire la guerre.
Les commentaires ne se firent pas attendre. Certains parlaient
du raccourcissement de la pensée, d'autres de l'abdication des
démocraties ou du clivage entre les smartphone-addicts et les
nostalgiques. Les influenceurs d'aujourd'hui vont devenir des
groupements d'intérêts (économiques, religieux, ethniques,...).
Aucun ne pourra prétendre à l'objectivité. Il y aura toujours des
"wokes " pour démontrer qu'un support d'influence virtuel ne
61
https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/le-casse-tete-juridique-de-60
la-propriete-spatiale-69170/
Jolie caricature : https://www.youtube.com/watch?v=nT4742bLiF8 61
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 183 232
respecte pas les codes qu'ils auront eux-mêmes contribués à
fabriquer.
Origine : https://pbs.twimg.com/media/FGjhIuFWQAIHzA6?format=jpg&name=medium
D'autres refusaient le pessimisme et considéraient que "bien faire
et laisser dire" serait plus constructif que cette invasion virtuelle
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 184 232
en arguant que le futur pourrait en quelque sorte être guidé par
notre conscience collective. Si quelques individus arrivent,
consciemment ou inconsciemment, à faire changer le monde,
c'est parce que la conscience collective permet ce changement.
C'est la théorie de l'évolution darwinienne. Quelques soient les
événements qui produisent l'évolution humaine, le monde finira
par être globalement le même. A quelques dizaines d'années
près, ou à quelques siècles près, la galaxie Gutenberg se serait
installée ; les avions auraient fini par voler ; la théorie de la
relativité aurait émergée, avec ses suites comme le GPS ; les
religions et les philosophies seraient sans doute un peu
différentes ; les guerres auraient été différentes, mais
globalement l'humanité aurait trouvé son équilibre.
D'autres commentateurs en profitaient pour fantasmer le futur,
en notant que celui-ci sera dicté par la maîtrise de l'énergie. Si,
aujourd'hui, on appelle à la sobriété, cet effort ne saurait durer. Il
faudra trouver l'énergie pour satisfaire le progrès technologique
pour tous, pour ces 8 milliards d'individus qui voudront vivre à
la mode occidentale, à l'ère du superflu.
L'énergie intrinsèque de la Terre est considérable, plus que celle
reçue du soleil (1!kW/m2). Peut-être qu'un jour, l'Homme saura
la domestiquer à son avantage - il y a plus de chance pour que la
domestication de cette énorme énergie tourne plutôt à son
désavantage et même à sa disparition - Certains rêvent à la
construction d'un hyper-vaisseau spatial qui permettrait à
l'humanité de quitter une Terre invivable. Cet hyper-vaisseau
errant dans l'espace à la recherche d'une autre Terre habitable
devrait affronter à une vitesse excessive un espace circule des
masses aléatoires...
D'autres rêvent à un méga-habitat terrestre (lunaire/martien!?)
concentré, étanche à une Terre invivable, où vivrait un
groupement d'hommes et de femmes "augmentés", survivants,
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 185 232
sous régulation d'une machine censée assurer un bonheur
maximum à chacun.
Ce ne sont que fantasmes qui, aujourd'hui n'ont guère d'intérêt,
tant que nous n'aurons pas atteint la production exponentielle
d'une énergie capable de faire fonctionner d'énormes machines
pilotées par des Intelligences supérieures. On ne parlera plus
d'intelligence artificielle, car nos cerveaux seront connectés entre
eux et avec des machines à l'immense connaissances -
l'eugénisme nous poursuivra toujours, compte tenu de
l'imperfection ontologique de l'humain.
Le blog de Chloé Gagarine ne permettait pas de commenter les
commentaires. Certains s'en plaignirent, ne comprenant pas
l'impossibilité du débat. Cette impossibilité fut contournée par
l'envoi de nouveaux commentaires visant les commentaires
initiaux. Les modérateurs furent un moment débordés. Face à la
richesse des commentaires, Rosvita proposa que Chloé - on
l'appela Chloé pour faire court - fasse une synthèse de tous ces
commentaires à la lumière du blog initial pour en éditer un
nouveau blog.
Les chercheurs du Labo eurent l'heureuse surprise de voir le blog
largement cité dans la presse écrite. Cette soudaine notoriété
commença à les inquiéter!: que se passera-t-il le jour les
journalistes apprendront qu'ils ont relayé l'expression d'une
conscience artificielle!?
Pour l'instant, les textes écrits par une IA sont plutôt considérés
comme de la concurrence un peu dégoûtante ou comme une
certaine contrefaçon souvent indigne et malhonnête. Certains
parlent de plagiat ou de vol de données puisque ces textes sont
écrits à partir de données externes. Au mieux, ils peuvent être
considérés comme des outils de recherche qui font le travail d'un
documentaliste sans état d'âme, qui peuvent s'approprier le
jugement des autres.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 186 232
Un jour viendra la justice pourra être rendue par un juge
recopiant les attendus d'une IA. Le droit se commercialise, les
individus recherchent toujours de plus de sécurité via les
avocats ; le législateur va jusqu'à inscrire le principe de
précaution dans la Constitution pour que le monde soit de plus
en plus étriqué. Il faudra faire face à une société qui se
judiciarise de plus en plus, fascinée par le modèle de vie
62
américain, gonflant ad nauseam les contrats et la législation,
multipliant les saisines, incapable de responsabilité individuelle
dans les micro-conflits, cherchant le bouc émissaire pour ne pas
assumer le rôle de victime, perdant confiance dans ses élites. Le
droit est un produit marchand drainant derrière lui pléthore
d'étudiants, d'ouvriers du juridisme et de buzz dans les media.
L'économie du droit devient plus importante que l'économie
elle-même. Point négatif, elle produit du stress et des emplois
pour la gestion du stress. Point positif!: elle résorbe le chômage.
On peut critiquer le fait qu'un texte soit écrit par une IA qui ne
fait qu'agréger des éléments qui n'ont aucune signification pour
lui, mais que ferons-nous d'un texte écrit par une entité qui
comprendra ce qu'elle écrit!? Le jugement qu'elle émettra sera
produit par un mécanisme voisin de celui des humains, incluant
même des émotions.
Et comment savoir que le texte est le produit d'une IA si
personne ne le signale. Le test de Türing est dépassé, au moins
pour des textes courts. Qui pourra déterminer si l'auteur est une
Dominique Barella, Président de l'Union syndicale des magistrats : augmentation 62
du nombre des saisines des tribunaux, aussi bien en matière civile qu’en matière
pénale, explosion du nombre de lois votées chaque année, augmentation régulière du
nombre des avocats inscrits au barreau, gonflement des effectifs des étudiants en
droit, flambée du nombre des journaux juridiques ou pseudo-juridiques,
accroissement du nombre des fictions judiciaires à la télévision, sur-traitement des
affaires judiciaires dans la presse d’actualité, développement du nombre des congrès
professionnels et colloques consacrés en tout ou partie aux problèmes juridiques, y
compris dans des professions éloignées de ce secteur d’activité, développement du
pilier Justice et Affaires intérieures au sein de l’Union européenne...
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 187 232
IA ou non. Les faussaires sont de plus en plus performants.
Même un expert d'une grande intelligence et d'une grande
culture pourra s'y méprendre. Même une IA ne saurait le faire,
sauf à reconnaître ses propres figures de styles. Même la
GravMachine restera dubitative.
Restons positifs : texte IA ou non, si celui-ci apporte du vrai, du
sens et de la clarté, pourquoi ne pas l'admettre au même titre
qu'un texte écrit par un humain!?
Au futur, l'homme devra compter avec le virtuel sans le savoir.
Un hologramme très réaliste peut faire illusion, mais il suffira de
le "traverser " pour confondre le faussaire.
"Pour lui, il ne faisait aucun doute que les mondes virtuels que l'on
construisait déjà dans les jeux video évolueraient jusqu'à montrer un
monde anthropomorphe. Sans même se mettre un casque sur la tête,
en ouvrant simplement une porte on pourrait pénétrer dans un monde
en trois dimensions, un monde holographique virtuel, un monde
parallèle, en quelque sorte. On se trouverait au milieu d'êtres
semblables à des humains, ayant entre eux des rapports semblables à
ceux que nous avons. Gravetout pensaient que les puissances de calcul
et les futures technologies des ordinateurs pourraient un jour
manipuler à toute vitesse des concepts et des ensembles de concepts,
des trucs du genre fractales, équations qui permettent de représenter
quelque chose qui ressemble à une montagne, à un lac, à un arbre ou à
la peau d'Isabelle, sans en avoir l'exacte réalité, mais suffisamment
proche pour que l'illusion soit parfaite.
Il y croyait déjà, à la création d'une Isabelle immatérielle, dont le
comportement pourrait être semblable au comportement de la vraie
Isabelle, fruit d'une théorie du chaos, composante d'un monde aussi
probabiliste que le notre. Puisque l'on sait déjà modéliser des choses
aussi complexe que des arbres, nul doute qu'un jour on modélise le
comportement d'une mouche, d'un pigeon, d'un chimpanzé et
monstruosité suprême, un homme.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 188 232
Il s'imagina, entrant dans un de ces mondes parallèles, aux accents
d'un monde véritable, plein de bruits, de formes et de couleurs, plein
d'êtres visibles mais cependant immatériels. Il aurait la joie d'inverser
le monde. Dans le monde d'aujourd'hui, on ne voit ni ne sent les
fantômes. Peut-être existent-ils, peut-être pas. Allez savoir. Mais là
dans son monde virtuel, il serait lui le fantôme, dont ces êtres virtuels
ignoreraient l'existence. Pour eux, il ne serait rien d'autre qu'un non-
être, se déplaçant sans bruit, sans odeur, sans forme ni couleur. Il
pourrait être là, sans qu'aucun des êtres virtuels, là, devant lui,
autour de lui, en soit le moins du monde incommodé. Et comme un
fantôme, il pourrait assister à leurs mouvements, à leur débats, à
leurs ébats, à leur querelles, à leur guerre. Dans ce monde, il y
jouerait au passager clandestin, au voyeur, au passe-muraille, au
passe-homme. Non seulement, il pourrait passer au travers de ces
êtres holographiques, mais plus encore. C'était là une horrible
découverte ! Il pourrait lire dans les pensées de ces êtres virtuels,
savoir comme ils s'aiment ou comme ils se détestent.
Gravetou ajouta cependant qu'il doutait un peu de la capacité des
programmeurs à réaliser un monde totalement anthropomorphe, mais
que l'imagination des hommes aidant, ces mondes virtuels pourraient
être ceux des frissons garantis, parmi des créatures inédites. Il
imagina par exemple des créatures énormes, non pas composées de
molécules assemblées comme nous pouvons l'être, mais résultat d'un
assemblage informe, invertébré, comme une mère de vinaigre ou
comme du kéfir, ou comme un nuage de sauterelle. Créature capable
de mémoire, d'analyse et de réactions et d'actions. Créature dont on
devine la vie et l'intelligence et le besoin de communiquer. Voilà sans
doute un des mondes virtuels facilement fractalisés et chaotisés dans
lesquels on pourra se trouver rien qu'en ouvrant une porte. Mais qui
sait, l'imagination et le talent des hommes réels ne pourront-ils pas
construire aussi pour le plaisir, ô blasphème, des hommes à notre
image ?"
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 189 232
Extraits de Pérégrinages (Ertiamel) - 1995
63
La GravMachine connaissait ce texte. Elle en appréciait les
fantasmes mais considérait qu'ils seraient dans quelques années
une réelle réalité virtuelle. Elle proposa que Chloé l'édite sur son
blog.
Les commentaires fusèrent : "C'est déjà fait", en citant tel ou tel
jeu vidéo, en citant les avatars, humains ressuscités virtuellement
avec qui l'on peut converser.
Mais la plupart des commentaires manquaient singulièrement
d'intelligence ou affichaient des banalités affligeantes. Dans sa
synthèse hebdomadaire, la GravMachine avait déduit que ces
réponses dénotaient une très mauvaise utilisation du cerveau
humain. Chloé édita alors un post sur l'apprentissage de la
pensée!:
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Nouvelles/Peregrinages.pdf
63
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 190 232
*** Apprendre à apprendre
Le film «Demain» évoque
l’éducation finnoise où les
enfants et les enseignants
paraissent heureux et
libres. On y parle
«d’apprendre à
apprendre»... Aux deux sens
de l’expression ?
Dans les classes rurales où
les enfants de niveaux
différents sont mélangés,
on observe des
comportements assez
naturels, possible
explication des bons
résultats obtenus dans le cursus primaire et encore par
la suite.
D'un coté, les plus jeunes ont constamment sous les yeux
l'exemple de leurs aînés. De l'autre, les aînés ont une
évidente facilité à faire participer les plus jeunes à
certaines de leurs activités. Comme l'instituteur ne peut
s'occuper de tous les niveaux à la fois, il s'arrange
pour deux choses. D'abord, plutôt que d'enseigner un
savoir, il apprend aux enfants comment faire pour
acquérir le savoir. En plus, il délègue souvent sa
mission aux élèves les plus grands, en leur disant: si tu
as bien assimilé ce que tu as appris, tu dois être
capable de l'apprendre à ton jeune camarade. Les plus
âgés apprennent aux plus jeunes, et cela se faisait bien,
compte tenu de la proximité de leur langage. Au bout du
compte, en fin de primaire, tous les enfants sont fins
prêts pour la suite : ils savent comment on apprend et
leurs acquis sont vigoureux.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 191 232
Citons la méthode Feynmann pour mieux assimiler un nouveau
64
savoir, il faut l'enseigner à son tour en expliquant comme à un enfant.
Mettre en place de bons mécanismes d'apprentissage très
tôt dans la vie, c'est éviter de recourir au système
d'apprentissage par essai-erreur, qui pompe beaucoup
d'énergie et qui conduit à mettre en place dans la tête
des mécanismes complexes pour comprendre et utiliser des
concepts simples. Commencer par apprendre à apprendre,
c'est à dire mettre en place les mécanismes et les
méthodes d'apprentissage, c'est mettre en place un
fondement que l'on gardera toute sa vie. On pourrait
presque se passer de l'école, puisque chacun saurait
trouver les moyens de savoir ce qu'il veut savoir, quand
il le veut. On pourrait alors avoir des écoles conçues
pour répondre à une vraie motivation de savoir. Et les
jeunes, ça a tellement envie de savoir, ça veut tellement
savoir se débrouiller dans la vie, ça veut tellement
savoir former son jugement...
- "Au moins, laissons l'enfant choisir librement son
entrée en lecture et en calcul, c'est là son premier acte
responsable. La motivation fera le reste. C'est ça,
apprendre à apprendre".
L'autre aspect du slogan "apprendre à apprendre" est tout
aussi important.
Les classes mélangées développe un autre mécanisme de
l’apprentissage : les enfants apprennent à transmettre
leur savoir. Ils ne seront ni avares ni rapaces. Ils
seront pédagogues et participeront naturellement à la
dissémination du savoir. Si tous les enfants suivaient ce
chemin, le monde finirait bien par être un peu moins
imbécile, le savoir mieux partagé et les gens plus
proches.
- Comprendre et assimiler sont deux choses différentes.
Aujourd'hui, ce sont les examens qui vérifient la bonne
assimilation, et c'est toujours le professeur qui
corrige. On tourne en rond. Le professeur enseigne,
l'élève apprend, le professeur vérifie. Le cercle est
https://evernote.com/blog/fr/la-technique-feynman-peut-vous-aider-a-64
ameliorer-votre-travail/
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 192 232
bouclé, certes. Mais c'est un maillon stérile. Où est la
chaîne de la connaissance si chaque maillon n'est pas
pénétré par le maillon voisin?
Proposons que, pour chaque
élève, l'enseignement reçu soit
répercuté. "Tu as compris,
alors fais-le comprendre à un
autre et montre ainsi que tu
n'as pas compris pour rien."
A la base, des modules
d'enseignement, c'est à dire un
cours sur un sujet très précis,
aux frontières amont et aval
parfaitement définies, c'est à
dire les connaissances
indispensables pour suivre le
cours et les connaissances
supplémentaires qu'il permet
d'acquérir.
Le module est enseigné
initialement à deux élèves.
Pour réussir le module, chaque élève doit avoir subi avec
succès le contrôle final, avoir enseigné à son tour le
module à deux autres élèves et avoir été l'un des trois
notateurs du contrôle final de six autres élèves. On voit
poindre une diffusion exponentielle de l’enseignement…
Le mécanisme est utopique, mais présente des avantages :
des modules de difficultés progressives et un petit
nombre d'élèves, ça va dans le bon sens, non!
Un enseignement bien retransmis est un enseignement bien
reçu. Et le fait d'être notateur développe la
responsabilité. L'échec ne prend pas l'importance d'un
redoublement. Les élèves doués progressent vite alors que
les autres progressent à leur rythme et peuvent maintenir
leur motivation.
Le mécanisme a ses limites. Une classe traditionnelle est
un tissu social important pour le développement des
enfants qui se sécurisent à rencontrer tous les jours
leurs 20 condisciples. Les classes de 30 ou 35 élèves
sont plus anonymisantes et propices aux "meutes".
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 193 232
Et le professeur?
Au début, il se sent un peu moins fier. Il ne règne plus
par son savoir sur une large
masse d'élèves. Mais son rôle
est plus noble, plus humain.
Il est en assistance
technique. Bien sûr, il initie
les enseignements, il vérifie
que l'enseignement se diffuse
sans erreur ni omission, il
aide dans les difficultés, il
oriente les élèves entre les
différents modules.
Des modules très courts en
maternelle, dix minutes, une
heure peut-être, quelques
heures en primaire, quelques
jours au collège, quelques
semaines au lycée, quelques
mois en facultés.
Au delà du bac, ou dans
certaines filières parallèles, on imagine un système très
libre de création de modules d'enseignement dépassant
largement le cadre de l'université. Chacun pourrait
proposer un module d'enseignement, sous réserve de le
déposer devant un organisme de protection de la propriété
intellectuelle : un titre, un mnémonique, les mots clés,
les références, les branchements sur d'autres matières,
les niveaux requis pour suivre le module, le résumé, le
support de cours, les moyens matériels nécessaires.
Pour être reconnu, l'initiateur du module devait alors
enseigner son module à une première fournée d'élèves,
puis assurer l'assistance technique pour au moins une
vingtaine d'élèves.
Ce module pourrait alors être vendu aux élèves
demandeurs, et disséminé selon la loi du marché. Un élève
ayant réussi le module peut à son tour le vendre, c'est à
dire l'enseigner, en versant les droit d'auteur demandés
par le déposant.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 194 232
Bien sûr, la communauté technique, scientifique,
intellectuelle pourrait avoir droit de regard sur le
module et en sortir une analyse critique argumentée dans
la revue de liaison de la spécialité.
- C'est important, non, qu'en marge de l'université
officielle, chacun puisse enseigner ce qu'il pense
savoir. C'est important pour le pluralisme des points de
vue de la connaissance, à charge pour chacun et pour la
science officielle d'être critique vis à vis de ces
enseignements parallèles qui peuvent parfaitement
compléter l'enseignement conventionnel.
On peut voir d’ici nos éducatocrates lire ce blog avec
moultes hochements de tête. Le coup des modules à
dissémination libre, flottant dans la société civile, il
faut oser. C'est comme soulever les jupes de cette grande
et vieille dame qu'est l'Education Nationale. Mais le
slogan "Apprendre à apprendre" valait d'être retenu.
Le mauvais temps avait continué. La montagne était fermée, faisait
relâche. On repartit pour un nouveau vin chaud, qui aida à rester
dans l'utopie éducative. Chacun s'imagina riche d'avoir breveté des
tas de modules. En maternelle, on promettait la musique, la danse, la
perception de l'autre, en primaire, c'était les choses de la vie et même
déjà on imagina un module sur la responsabilité de l'homme dans la
société. Dans le secondaire, on activa des modules à contenu
artistique, corporel et civique, voire philosophique. Pour le lycée, on se
disputa sur ce qu'il était souhaitable qu'un bachelier d'aujourd'hui ait
dans la tête pour vivre sa vie d'homme. En gros, on assistait au
clivage habituel, les doigts crochus contre les baba-cools, l'ordre contre
la fantaisie. Après, on s'aperçut qu'il fallait aussi éduquer les parents,
qui deviennent parents sans avoir jamais su ce qu'est un bébé, cette
petite chose fragile qui recevra toujours trop tôt sa première baffe pour
n'avoir pas su ce qu'on ne lui a pas appris. On suggéra aussi des
modules spéciaux, de philosophie par exemple, pour les candidats aux
élections et d'autres! pour les élus.
Extrait de Pérégrinages (Ertiamel - 1995)
(http://ertia2.free.fr/Niveau2/Nouvelles/Peregrinages.pdf)
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 195 232
Une école des parents
La mission éducative de l'école est large. Au-delà de
l'apprentissage des fondements
scientifiques, littéraires,
philosophiques, l'école doit
former des citoyens. Plus, elle
doit aussi former des hommes et
des femmes, à qui elle doit donner
toutes les règles de la vie dans
la société d'aujourd'hui.
La société d'aujourd'hui a ses
avantages et ses lacunes, qui sont
nombreuses, à en juger par
l'encombrement de la justice, la
désespérance télévisuelle, la
fascination de la violence, les
problèmes éthiques, l'indifférence
au politique…
Particulièrement, l'éclatement des
familles et l'anonymat urbain laissent les familles
démunies dans l'éducation des enfants du premier âge. La
fibre maternelle s'estompe autant que la fibre
paternelle. Il n'y a guère de grands parents, ou
d'adultes référents qui permettraient aux nouveaux
parents d'être à la hauteur de la première éducation.
Si tout ne se joue pas avant six ans, du moins
l'essentiel d'une vie prend ses bases dans le milieu
familial. Ce sont les parents qui sont les premiers
éducateurs. Si la société pense à former les éducateurs,
elle ne pense pas à former les parents, alors que ce sont
les plus importants à former.
Trop de bébés, trop de très jeunes enfants font les frais
des comportements stupides de leurs parents. Apprenant
mal, les enfants reproduisent des schémas absurdes et
s'engagent dans une spirale d'inadaptation, dont il
feront les frais à l'école et pendant leur adolescence.
Plus tard, ils reproduiront ces schémas sur leur propres
enfants.
Il y a donc nécessité de briser ce terrible enchaînement.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 196 232
Il est un moment privilégié où les parents peuvent être à
l'écoute des conseils d'éducation. C'est au moment des
derniers mois de la grossesse et au moment des premiers
mois du bébé. C'est là que l'on pourra expliquer à un
père qu'un bébé ne sait rien de la vie et qu'il ne pleure
pas sans raison ; qu'un jeune enfant ne sait pas
distinguer ce qui est bien de ce qui est mal et que cette
distinction ne se fait que progressivement ; que l'éveil
de l'enfant se fait dans la relation confiante…
C'est aux environs de l'accouchement que les parents
seront le plus réceptifs. C'est là seulement que l'on
pourra faire comprendre à un père que sa présence et sa
patience sont essentiels. Alors, plus tard, les
instituteurs auront sans doute plus de contacts avec les
parents, les enfants se sentiront mieux encadrés.
Alors, pourquoi ne pas financer les maternités pour que
les cours d'accouchement soient les meilleurs cours de
préparation au métier de parents, en incitant les pères à
assister à ces cours.
Alors, pourquoi ne pas faire comme les anglais, en
faisant accompagner la jeune accouchée chez elle par une
assistante maternelle qui aiderait les parents à prendre
dès les premiers jours les bons réflexes vis à vis des
bébés, et dont les visites seraient suffisamment
fréquentes pour éviter les dérives comportementales, et
éventuellement repérer les cas de détresse familiale,
avec lesquels la société dite de progrès doit se sentir
solidaire.
Certains vont même plus loin et considèrent que l'enfant
se construit au premier désir des parents, au premier
regard de la construction du couple. C'est alors aux
adolescents qu'il faut apprendre que le cycle de la vie
n'est pas seulement biologique, mais encore affectif.
Ainsi, la GravMachine se voyait en Ministre de l'Education,
essayant de faire passer une énième réforme de l'enseignement.
Certains commentaires signés de "bidons de pensée", comme
Rosvita aimait à nommer les "think tanks", pensaient que Chloé
Gagarine était active en politique et suggérèrent quelques
nouveaux sujets.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 197 232
C'était en plein dans les histoires du système des retraites et la
conscience collective s'agitait. Même les plus jeunes
commençaient à donner leur avis.
Alors la GravMachine voulut donner le sien et Chloé ouvrit un
nouveau et long post!qui remettait tout à plat, de l'objectif des
retraites jusqu'au budget établi par les acteurs sociaux et le
Parlement, en passant par les procédures calcul!:
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 198 232
*** Proposition pour les
retraites
Chacun veut voir midi à sa porte. Entre celui qui a
commencé à travailler à 16 ans et qui n’a jamais pu
prendre de vraies vacances, celui qui a pu partir à 56
ans avec une espérance de vie à 85 ans, celui qui accuse
physiquement ses conditions de travail, avec une
phlébite, un mal de dos, une maladie pulmonaire, une
perte de repères temporels,… sans parler d’une carrière
bridée par les maternités, d’un avenir interrompu par une
faillite (ou une pseudo-faillite), une suppression
d’emploi, une dépression, elle-même générée par de
multiples facteurs explicites ou pervers…
Pour les uns, chacun est pleinement responsable de sa
vie. Citation édifiante :
“Dans les années qui suivirent la guerre de Sécession, un certain
Russell Conwell, diplômé de l'université de droit de Yale, pasteur et
auteur de livres à succès, tint la même conférence Acres of
Diamonds ») plus de cinq mille fois devant différents auditoires à
travers tout le pays. Il s'adressa au total à plusieurs millions de
personnes. Son message était simple : tout le monde peut devenir riche
s'il travaille assez dur ; partout, si les gens voulaient bien se donner la
peine de chercher, se trouvent des « acres de diamants». Voici un
extrait de cette conférence : « J'affirme que vous devriez être riches et
qu'il est même de votre devoir de le devenir, [...] Les hommes riches
sont sans doute les individus les plus honnêtes de la communauté. Je
n'hésite pas à le dire clairement : 98% des hommes riches en
Amérique sont des gens honnêtes. Et c'est pour cela qu'ils sont riches.
C'est pourquoi ils reçoivent l'argent en récompense. C'est également
pour cela qu'ils dirigent de grandes entreprises et trouvent un grand
nombre de gens qui acceptent de travailler avec eux. C'est parce qu'ils
sont honnêtes. [...] Je compatis avec les pauvres, qui sont pourtant
bien rares à mériter cette compassion. En effet, compatir avec un
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 199 232
homme que Dieu a puni pour ses péchés, c'est agir mal. [...]
N'oublions jamais qu'il n'est pas un seul pauvre en Amérique que sa
propre incompétence n'ait pas maintenu dans la pauvreté."
Il semble qu'il y ait encore au XXIème siècle de nombreux
cyniques égocentrés appréciant un tel discours. Si vous
en faites partie, il serait temps d'essayer de comprendre
ce qu'est l'humanité.
Pour les autres, le libre-arbitre est relatif. L’individu
et la société sont intimement liés et chacun a sa part de
responsabilité dans la vie des autres. Citons
Montesquieu :
"Si je savais quelque chose qui me fût utile et qui fût préjudiciable à
ma famille, je la rejetterais de mon esprit.
Si je savais quelque chose utile à ma famille et qui ne le fût pas à ma
patrie, je chercherais à l'oublier.
Si je savais quelque chose utile à ma patrie, et qui fût préjudiciable à
l'Europe, ou bien qui fût utile à l'Europe et préjudiciable au genre
humain, je la regarderais comme un crime."
La vie est plus ou moins longue et sa durée en bonne
santé, en dehors des accidents majeurs de la vie, est
corrélée à la situation sociale.
Le contexte et le cadre de vie évoluent et imposent une
grande souplesse des aides sociales :
La lutte contre les bouleversements climatiques incite
l'homme à moins produire, à mieux consommer en limitant
ses besoins. Cela devrait conduire à travailler moins, en
réduisant les horaires de travail et/ou les années de
travail. A contrario, cette lutte pourrait générer de
nouveaux métiers (recherches, substitutions et
éliminations des plastiques, augmentations des services à
la personne, contrôles normatifs et contrôle des
contrôleurs,…)
La robotisation/automatisation va influer sur les
métiers. Souhaitons qu'elle atténue certaines
pénibilités. Elle devrait aussi conduire à travailler
moins ou différemment. Agriculteurs, soignants,
hôtellerie,3x8,… même combat ! La formation
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 200 232
professionnelle continue permet les adaptations tout au
long de la carrière.
La solidarité intergénérationnelle s'est disloquée
physiquement avec l'éloignement des uns et des autres et
les "parkages" des seniors en bonne ou en mauvaise santé.
Le tissu associatif est une source d'activités diverses
bénévoles ou rémunérées et l'idée de revenu de base fait
son chemin.
Peut-être faut-il commencer par établir des grands
principes :
La Dignité, avec un grand D, pour que le bout de la vie
ne soit pas un univers de misères physiques, morales et
sociales. Les situations de grande dépendances devraient
être traitées identiquement quelque soit la catégorie
sociale, à l’instar de la Sécurité Sociale qui sait
prendre en charge à 100% les graves maladies.
La Solidarité, où chacun doit prendre sa part dans la
gestion des accidents de la vie des autres. Le Libre-
arbitre, c’est dire la capacité à faire des choix, et la
responsabilité individuelle sont relatifs. Les années
passées sans travail (chômages, maternités, activités
parentales, maladie grave..) ou sans rémunération en
proportion du travail réel (cas des paysans, auto-
entrepreneurs ou entreprises familiales déficitaires,…)
doivent être considérées avec humanité, ce qui milite
pour l’institution d’un Revenu de base.
La Reconnaissance de l’effort individuel et des
possibilités de choix tout au long de la vie de labeur.
La pénibilité, sous toutes ses formes (travail physique
intense, travail à risque, travail aux intempéries,
travail sur l’hygiène, horaires décalés, tensions
psychologiques,…) doit être reconnue. Notons que,
souvent, les travaux pénibles sont les moins rémunérés.
La Pérennité du système de retraite en regard du système
économique. Les retraites devraient suivre le pouvoir
d’achat, avec un plancher pour les retraites les plus
faibles.
La Transparence et la Démocratie du mode de calcul.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 201 232
La proposition ci-dessous n'est pas issue du projet du Gouvernement
de septembre 2019, dont elle diffère substantiellement. L'idée de base
"Un euro cotisé doit donner les mêmes droits à tous", exprimée par
M. Macron n'a pas de signification claire. La notion d'âge pivot est
technocratique et le système à points tel que proposé semble échapper à
l'arbitrage des élus du Parlement et des organismes paritaires. Par
ailleurs, un euro de l'année 2000 n'a pas la même valeur qu'un euro
de l'année 2040 et, s'il s'agit d'une épargne virtuelle continue sur
toute la carrière, on ne dit rien des intérêts virtuels issus de cette
épargne.
Techniquement, les paramètres de la retraite sont
déterminés par un calcul statistique. Les hommes vivent
moins longtemps que les femmes, ceux qui ont eu des
professions répétitives vivent moins longtemps en bonne
santé que les cadres épargnés par le stress… La somme des
cotisations-retraite des actifs d’une année doit
recouvrir la somme des retraites versées aux retraités
dans l’année.
Il semble logique d’indexer la retraite sur la durée
cotisée et sur le total des cotisations. Plus on
travaille longtemps, plus l’on peut espérer une retraite
confortable.
On notera que ces années passées à travailler plus longtemps sont
autant d’économies pour l’Etat qui, non seulement reçoit les
cotisations, mais encore n’a pas à payer les pensions. Inversement,
celui qui veut prendre sa retraite très tôt doit savoir que c'est la
collectivité solidaire qui lui versera sa pension pendant plus
longtemps et donc qu'elle sera d'autant plus faible qu'il partira tôt en
ne jouant pas le jeu de la solidarité.
On note aussi que l'espérance de vie est assez corrélée selon les
catégories sociales , allant jusqu'à 13 ans d'écart sur la durée de vie
65
en bonne santé après l'âge de la retraite. Les plus bas salaires ont en
https://www.lefigaro.fr/conjoncture/en-france-les-pauvres-vivent-13-ans-de-65
moins-que-les-riches-20190604
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 202 232
moyenne des retraites plus courtes et les métiers "pénibles" induisent
une mauvaise santé précoce.
Il semble logique de mettre en oeuvre un système à points
qui soit un reflet de la vie de chacun intégrant la
pénibilité et les cas particuliers cités. Le principe
établi pour que les anciens soient aidés par les plus
jeunes, établi au sortir de la guerre, est digne. Une vie
ne peut se résumer à des euros cotisés qui pourraient
être assimilés à une retraite par capitalisation.
Chaque revenu mensuel devrait donner lieu à des points de
retraite à proportion du revenu et des conditions dans
lesquelles chacun a pu vivre.
La notion de retraite à point est abstraite pour beaucoup. Il convient
d'expliquer que les euros gagnés ont une valeur qui évolue tout au
long d'une carrière de travailleur et que la transformation de chaque
salaire d'euros en points permet de s'en affranchir de façon stable.
("Ainsi, pour ne pas dépasser les 2°C, la Suède devrait passer à la
semaine de 12h" - !! - le Monde du 19/12/19).
Le système à point proposé ne préjuge ni du taux de cotisation, ni du
montant de la retraite. Il sert seulement de contre-valeur, à charge
pour les élus et les organismes paritaires de la définir
démocratiquement chaque année. Il permet de tenir compte de
l'évolution des métiers, de la démographie, de l'étalement des richesses
et des inégalités et de la richesse générale. Il faut comprendre (et faire
comprendre) que le système à point est un moyen pratique et non une
manoeuvre subtile pour flouer les travailleurs. Les Syndicats qui
cultivent l'affrontement et la manipulation devraient comprendre leur
"obsolescence" et considérer les solutions plutôt que les problèmes. Le
Gouvernement qui cultive sa rigidité devrait comprendre que les lois
judicieuses sont celles qui sont pédagogiquement proposées aux
citoyens et construites avec l'aide de tous.
L'intrusion des monnaies cryptées (bitcoins,..) devrait provoquer de
grandes variations de la valeur de l'euro. Souvenons-nous des sub-
primes qui ont ruinés un grand nombre de retraités aux Etats-Unis.
Un observatoire de la pénibilité des métiers et des cas
particuliers serait le bienvenu, afin que les employeurs
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 203 232
puissent se référer à des valeurs standardisées et
judicieuses. Il convient que les points de pénibilité ne
soient pas une variable d’ajustement, ni au niveau de
l’entreprise, ni au niveau politique ou syndical et
qu’ils soient protégés constitutionnellement contre toute
intimidation.
Cela suppose en même temps un accroissement des moyens des
Inspecteurs du travail. Un travail statistique est à faire pour
déterminer les points de pénibilité, de telle façon que les travailleurs
concernés bénéficient, en moyenne, d’une durée correcte de retraite en
bonne santé.
Il convient que les périodes "non-productives" (mère de
famille, père à la maison,..) ou à "revenu réduit"
(travail émietté, chômage,… longue maladie, licenciement
abusif, études,…) génèrent des "points de solidarité".
Les maladies professionnelles, les handicaps ou les
situations de maladie entraînant une mort précoce doivent
aussi être traitées avec humanité. Ces cas particuliers
sont instruits individuellement, avec suivi jusqu'au
décès, par un collège de spécialistes.
Il ne semble pas utile d'établir un "âge médian de
départ" qui cristallise les discours d'inquiétude ou de
défense des avantages acquis. La régulation devrait se
faire d'elle-même, chacun décidant de l'âge où il pense
avoir fait son devoir d'homme et de ce qu'il souhaite
faire de ses dernières années en bonne santé, en fonction
de la valeur attribuée annuellement à la valeur du point.
Le Parlement et les corps intermédiaires, qui
représentent l'ensemble des Français dans leur vie
courante, devrait avoir la charge d'établir le budget
global annuel des retraites, à partir duquel se calcule
la valeur du point à prendre en compte tout au long de la
retraite. Le Parlement, qui a été élu pour définir la
manière dont les recettes de l'Etat sont acquises et la
manière de répartir les dépenses, vote le budget des
retraites, à la hausse comme à la baisse. La valeur du
point est recalculée annuellement selon la prévision
démographique de l’année, tant pour les retraités en
bonne santé que pour les retraités en situation de grande
dépendance.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 204 232
Les Elus, et non le gouvernement, ont alors la charge de
d’établir la courbe du taux de cotisation individuelle et
du nombre de points de retraites en fonction du revenu et
de la pénibilité constatés chaque mois.
Par exemple, pour les très faibles revenus, la cotisation est symbolique,
puis elle augmente, plus ou moins rapidement selon la richesse, avec
un effet redistributif de solidarité. Les revenus les plus bas bénéficient
de points de solidarité.
Le plafonnement de la cotisation pour les hauts revenus induit une
limitation des pensions de retraite des hauts revenus.
A cela devrait s'ajouter une augmentation importante du nombre de
points des mois travaillés au-delà de l'âge moyen de départ à la
retraite, pour inciter à travailler plus longtemps et éviter des départs
anticipés.
Il faut que tous comprennent que le système de retraite peut être
déficitaire si les élus votent un tel budget, avec des arguments
conformes avec les principes cités plus haut. En même temps, il faut
aussi que tous comprennent que les retraites suivent les fluctuations
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 205 232
économiques du pays. Les retraités doivent aussi être solidaires en cas
de difficulté économique générale.
L’Administration propose aux Elus des simulations basées sur les
statistiques démographiques sur le nombre d’individus en situation de
grandes dépendances, sur le nombre d’années à la retraite en bonne
santé, sur le nombre de revenus par tranche. Ce simulateur est
accessible par tous en ligne. Ce simulateur tient compte des prévisions
démographiques en estimant combien de points devront être distribués
sur les 20 prochaines années et en estimant le contenu des caisses de
retraites qui doit être abondé en période faste en vue des périodes
démographiquement difficiles.
A cet ajustement prévisionnel, on pourrait réfléchir à un ajustement
redistributif, en augmentant la valeur du point de ceux qui en ont peu
et inversement. On pourrait aussi réfléchir à un ajustement incitatif
en augmentant le nombre de points des mois travaillés au-delà de l'âge
moyen de départ à la retraite. L'inconvénient est la perte de lisibilité et
de visibilité du système de retraite.
On ne refait pas l'Histoire, mais on peut être sévère
avec ceux qui ont considéré la retraite comme une
variable d'ajustement et ont mis en oeuvre des contrats
repoussant les problèmes sociaux chez leurs successeurs.
Entre 1965 et 2015, l'espérance de vie en bonne santé est
passée régulièrement de 70 ans à 82 ans. Les contrats
relatifs aux régimes spéciaux, qui permettaient de
bénéficier de la retraite dès 50 ou 55 ans, ne tiennent
pas compte de cette évolution où les caisses de retraite
ont dû payer des pensions jusqu'à 12 ans de plus que
prévu. On comprend que les intéressés et leurs
successeurs s'expriment avec d'autant plus de vigueur que
leurs avantages acquis sont importants. Les régimes
spéciaux corporatistes défendent aussi leurs acquis, avec
un argument de "spoliation" qui oublie le caractère
solidaire du système de retraite.
Le syndicalisme de confrontation a détourné de nombreux travailleurs
du syndicalisme de concertation qui devrait être la règle dans notre
société apaisée. Certes, les employeurs ont aussi leurs raideurs, mais il
serait temps de comprendre qu'un employé heureux de travailler est
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 206 232
un employé plus productif qu'un travailleur aigri. Il serait aussi
temps que les travailleurs comprennent qu'ils ont un rôle à jouer au
sein des syndicats pour apaiser les militants les plus radicaux au
bénéfice d'un syndicalisme constructif.
Néanmoins, les citoyens devraient comprendre
l'impératif :
- de l'égalité de tous devant la retraite : "à conditions
de travail égales, conditions de retraite égales".
-d'un minimum vital pour tous
-d'une retraite en phase économiquement avec l'état du
pays
La standardisation des retraites suppose un passage
progressif de la situation actuelle vers la situation
souhaitable à terme, sans léser outre mesure les acquis,
en gardant, pour ceux qui le souhaitent, les contrats
actuels jusqu'au départ en retraite aux conditions
actuelles en balance avec un contrat renégocié sous une
forme moderne assurant le même niveau de pension.
L'exercice est difficile tant les calculs actuels sont
complexes et opacifiants. Il serait urgent de mettre au
point des outils pédagogiques qui aident à évaluer
sereinement les acquis et les situations futures.
Nota : La notion de "Revenu" est ambigüe. Le salarié cotise pour sa
retraite. Le rentier devrait-il cotiser quelle que soit l'origine de sa
rente : pensions alimentaires (réellement versées, dues mais non
versées,…), pensions du militaire ou du handicapé, revenu universel
(RSA, RMI,…), allocations familiales, intérêts des placements
financiers, dividendes, transactions financières par personne morale…
Les situations d'exonération de CSG sont nombreuses. Qu'en est-il
pour les cotisations ciblées pour la retraite et pour la vieillesse, dans le
régime général comme dans les régimes complémentaires ?
***
Décidément, Chloé affichait des idées plutôt créatives. Le post
fut relayé vers les 'bidons d'idées' et même dans certains
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 207 232
ministères. Le Monde Diplomatique demanda à le faire paraître.
Cette manière de remettre tout à plat pour proposer une
solution simple, logique et adaptée à toutes les situations plaisait
aux idéalistes mais agaçaient tous ceux qui s'accrochaient à leurs
idées partisanes et savaient s'auto-noyer et noyer les gens dans de
subtils calculs pour démontrer tout et son contraire.
De blogs en blogs, Chloé se retrouva avec plus de 10!000
suiveurs et ce qui devait arriver arriva!: un 'bidon d'idées'
proposa une association : "Les amis de Chloé Gagarine", avec
un forum exclusivement dédié aux débats sur ses blogs.
La GravMachine semblait s'amuser à bloguer la on ne
l'attendait pas. Elle osa l'analyse du dernier Dysney, Strange
World, totalement onirique et anti-futuriste spécial woke, Puis ce
fut les blockchains et leur cortège de zones grises, tel un casino
planétaire propre à déstabiliser non seulement le système
financier des Etats mais aussi les contrats de confiance. Combien
de ruines à prévoir!? Sans parler de l'anonymat du bitcoin
favorisant les organisations illégales.
Le blog sur le meta-travail fut particulièrement apprécié. Chloé
rappelait l'époque le travail était artisanal et avait du sens -
comme on dit aujourd'hui -. Le taylorisme avait détruit cette
relation directe entre le travail et l'homme. Le savoir-faire de
chacun ne fut plus que le savoir-faire des ingénieurs chargés
d'optimiser le fruit du travail en séparant la conception de
l'exécution. Aujourd'hui, les actionnaires et les gouvernements à
courte vue ont ajouté la vision comptable toute-puissante, les
objectifs non négociables, la prescription, la traçabilité de
l'exécution du travail avec les algorithmes de contrôle, les
rapports horaires, quotidiens, mensuels, trimestriels, annuels...
Au mieux, les salariés sont invités à participer à l'organisation du
travail. L'autre aspect du méta-travail est celui des assurances et
mutuelles de toutes sortes imbriquées dans les manipulations
bancaires et dans le vent des sociétés de conseil plus nocives
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 208 232
qu'utiles. Tout au moins créent-elles des emplois et du travail
aseptisé, ainsi qu'un cadre sécurisant. On devrait donc vouloir
non pas moins de bureaucratie, mais de meilleures bureaucraties.
Tout ce travail administratif, toutes ces activités artificielles
constituent le meta-travail, le travail sur le travail, vidant ainsi de
son sens le travail individuel. Il n'est pas étonnant que le travail
ait dérivé vers son "uberisation". Chloé concluait sur la solution
des sociétés coopératives éthiques et écologiques mais affichait
son pessimisme devant ces multinationales devenues plus
puissantes que les Etats. Vertige du pouvoir, avidité, cupidité,
égoïsme des uns, incurie et incompétence des autres, ainsi va
l'humanité.
Chloé alerta aussi des dangers d'un monde sans grenouilles, très
utiles contre le paludisme, et provoquant un déséquilibre
écologique. Ceci amena à parler de modifications génétiques
pour des moustiques stériles, puis des frelons asiatiques et des
abeilles néonicotisées, puis de la pollinisation artificielle, puis des
usines à tomates, puis des usines à cochons
66
En Chine, 650 000 cochons dans un bloc de béton de 26 étages
https://reporterre.net/En-Chine-650-000-cochons-dans-un-bloc-de-beton-66
de-26-etages - ©Weibo
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 209 232
L'écologie est un sujet inépuisable, tellement complexe qu'elle
échappe au sens politique. Peuples et gouvernements sont dans
une errance intellectuelle, oscillant entre la sauvegarde de la
planète et le bonheur technologique, que les scientifiques
n'apaisent pas. Le péremptoire s'oppose au passionnel et
l'humanisme à la cupidité.
Pour élargir le débat, Chloé posta un article faisant la liste de
tous les risques auxquels les Etats doivent faire front, 50 pages
67
édifiantes, à devenir paranoïaque, propre à faire comprendre à
quoi peuvent servir les contributions directes ou indirectes que
l'on appelle abusivement impôts. Ce n'est pas l'Etat qui impose,
c'est chaque citoyen qui contribue à la protection de tous. La
science des catastrophes n'empêche guère les catastrophes mais
elle aide l'Etat à gérer les accidents.
Les futurologues se trompent toujours et c'est tant mieux. Si
l'humanité s'effondre, la Terre s'en remettra. La bio-diversité est
là pour que tout ne s'effondre pas en même temps.
Se laisser guider par le principe de précaution, c'est construire
des murs, comme il y en tant dans le monde. L'Etat doit trouver
l'équilibre entre protéger ses citoyens et assumer leurs libertés,
mais il faut que les citoyens comprennent les décisions prises et
assument leurs responsabilités individuelles. S'arc-bouter sur le
statut de victime n'est pas une solution anti-dépressive.
Au-delà des guerres (qui peut être aussi bête pour penser que la
guerre est un moyen de résoudre les problèmes!?), les pénuries
seront nombreuses!: énergies, eau douce, produits agricoles,
médicaments, composants électriques et électroniques!; le
dérèglement climatique génèrera vents, sécheresses, pluies,
canicules, froids et leurs conséquences : famines, incendies,
crues, inondations, dévastation, sertications, fonte du
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Blogrinages/Blogrinages_citoyens/Reflexion-67
Risques.pdf
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 210 232
pergélisol... : la terre tremblera encore et encore, avec ou sans
tsunami et éboulements meurtriers!; les hommes eux-mêmes
seront toujours capables de terrorisme, d'explosions nucléaires,
chimiques ou bactériologiques, d'émeutes sanglantes,
d'émigrations massives, de collisions satellitaires exponentielles,
de manipulations des corps ou des esprits, des trucs genre Chat
qui pète, de logements insalubres.
Pour illustrer les risques qui nous guettent, Chloé proposa un
scénario de méga-panne électrique provoquée par des cyber-
attaques concertées ou par un énorme orage magnétique :
***
La méga-panne électrique
Ce scénario extrême ne reste probable que chez les
angoissés professionnels :
La coupure d’électricité aura des effets en cascade. Le
plus important serait l’arrêt des pompes dans les
raffineries puis de toutes les stations service et donc
la panne de tous les véhicules lorsque leur réservoir
d’essence ou de batterie sera vide.
Faute de camions de ravitaillement en fuel, les hôpitaux
tiendront le temps que leurs cuves de gas-oil qui
alimentent les groupes électrogènes de secours soient
vides. Les ordures ne seront plus ramassées. Les
grossistes et les magasins ne seront plus approvisionnés.
Même punition pour les centraux téléphoniques et les
serveurs informatiques (qui pompent actuellement 15% de
toute l’énergie électrique produite). Les réseaux
numériques seront bloqués.
Même punition pour l'argent. Les banques gèleront bientôt
tous les avoirs et n'assumeront plus les virements. Les
salaires ne seront plus versés, les terminaux de paiement
seront bloqués.
Même punition pour les centres de soins et les
pharmacies, avec l'arrivée du choléra et autres
épidémies.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 211 232
Même punition pour les forces armées et celles du
maintien de l’ordre. Faute de voitures, de train, de
bateau et d’avion, on ne se déplace qu’à vélo (volé) ou à
pied.
Faute de pompes hydrauliques, l'eau potable non
gravitaire n'est plus distribuée au robinet, ni
contrôlée. On ne pourra pas compter sur les camions
citernes ou livreurs d'eau en bouteille. Les pompes de
relevages des eaux usées qui stagneront dans les creux et
déborderont dès la première pluie.
La recherche de nourriture et d'eau devient la priorité.
La nuit noire devient vraiment nuit noire. L’angoisse a
des effets dévastateurs chez les plus fragiles
mentalement et les foules ont des mouvements de panique.
Même les pilleurs n’ont bientôt plus de lumière pour
piller la nuit. Ils pilleront le jour. Aux Etats-Unis,
les particuliers joueront du révolver ou du fusil
d’assaut jusqu'à épuisement des munitions ou des
combattants. En France, les milices privées fleuriront
dans de nombreux quartiers, riches comme pauvres.
Les frigo et congélateurs commenceront à sentir une odeur
pestilentielle.
Alors commencera une grande famine et une grande soif
pour les gens des villes. Seules les campagnes reculées,
habituées à vivre en autarcie sauront se sauver de la
famine jusqu’aux prochaines récoltes qui seront maigres
car les tracteurs seront à l’arrêt.
Les morts ne seront plus enterrés et le choléra
commencera ses ravages.
Là où l’électricité n’est pas distribuée (Afrique,
Sibérie, Amazonie,…) les effets seront limités, mais les
habitants seront peu à peu gagnés par l’angoisse. Alors
les machettes ressortiront et la loi du plus fort sera
longtemps la meilleure.
Peu à peu, les survivants se reconstitueront en tribus,
amicales ou hostiles entre elles selon leur intelligence.
L’humanité ne repartira pas de l’âge du feu, car une
bonne partie de son savoir restera disponible.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 212 232
La fabrication manuelle fournira peu à peu les outils à
tout faire, y compris ceux qui pourront remettre en
marche les productions d’électricité et le réseau local
de distribution. Il faudra malgré tout compter avec les
bandes de pillards promptes à attaquer ceux qui auront
réussi à subsister. Sans armes à feu (au moins pendant
les premiers temps), les bandes les mieux organisées
auront raison des tribus les plus faibles.
Songeons qu’en 1950, les chariots étaient encore tirés
par des chevaux, et que beaucoup s’éclairaient à la
bougie. Alors, on peut être optimiste. L’Homme s’adaptera
et recommencera sa recherche du bien-vivre. Peu à peu se
re-créera l’Etat de droit.
A priori, la probabilité de panne décroit avec son
importance : une coupure EdF sur tout un quartier peut
arriver une fois dans l’année, une panne générale de
toute une région peut arriver une fois tous les 10 ans,
une panne générale sur un continent tous les 100 ans, une
panne mondiale tous les 1000 ans et une panne mondiale de
plus de 100 jours tous les 10 000 ans.
Les dinosaures ont disparu il y a 65 millions d’années…
Alors, arrêtons de jouer les collapsologues, de nous
fatiguer à prévoir l’improbable. Concentrons-nous sur le
probable (Bonjour Monsieur Covid…).
Les commentaires des Amis de Chloé Gagarine se divisèrent
entre les inquiets et les péremptoires. Les plus réfléchis notèrent
que l'interconnexion des réseaux électriques ne permettait que
des pannes régionales et que les dégâts seraient limités.
Chloé répondit que ce scénario illustrait nos dépendances à
l'énergie électrique et qu'il ne servait à rien de s'inquiéter parce
que, de toute façon, les grandes catastrophes n'arrivent en
général pas là où on les attend.
Le blog de Chloé Gagarine devint plus politique. Pour faire le
pendant de son article sur les risques contre lesquels la
collectivité doit se prémunir, elle proposa un autre article sur les
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 213 232
"communs ", c'est à dire tout ce qui permet à une collectivité de
68
s'organiser et, pour chacune de ces instances, la part qui doit
absolument être dévolue à l'Etat et celle qui peut être privatisée.
Cela aboutit à une réflexion d'une cinquantaine de pages,
montrant la diversité de ce que l'Etat doit offrir aux citoyens
pour satisfaire leurs besoins, dont voici la table des matières :
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Blogrinages/Blogrinages_citoyens/68
Reflexions_sur_les_Communs.pdf
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 214 232
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 215 232
Les commentaires eurent tôt fait de rajouter des éléments qui
manquaient, de critiquer les communs qui ne leur paraissaient
pas satisfaisants, autant d'opinions parfois contrastées. Beaucoup
s'étonnaient de cette diversité et de cette importance de la chose
publique. Les plus réalistes posèrent la question du nancement
nécessaire à ce bien commun, de l'égalité de tous dans l'accès
aux services et dans les contributions de chacun.
Le sujet intéressait fortement. Chloé proposa alors des réflexions
sur la fiscalité , depuis le principe du moins d'Etat possible au
69
principe de tout Etat, en passant par le principe régalien
indispensable et par le principe de la redistributivité.
Les contributions directes et indirectes ont de multiples visages :
la TVA, l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, l'impôt
foncier (bail cadastral), la taxe d'installation, la redevance
d'habitation, de l'eau, des eaux usées, de l'énergie, des transports
en commun, l'impôt sur les successions, sur les oeuvres d'art, sur
les produits financiers, les contributions sociales (santé, retraite,
vieillesse, chômage, familles...) et niches fiscales diverses...
Cet article provoqua une avalanche de commentaires positifs et
négatifs tant le sujet est clivant. Visiblement, une bonne partie
des mécontents ne voulait pas comprendre comment la société
fonctionne. Ceux qui roulaient en voiture ne voyaient pas
pourquoi payer pour des transports en commun, ceux qui
avaient peu de biens s'imaginaient que l'Etat les voleraient lors
des successions. D'autres posaient la question des déductions
fiscales qui conduisaient les plus riches à de faibles contributions.
Emporté par le succès de ses articles, Chloé proposa alors des
flexions sur la Constitution française qui avait bien besoin
70
d'évoluer avec son siècle, un livre pour l'évolution de la
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Blogrinages/Blogrinages_citoyens/Fiscalites.pdf69
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Nouvelles/Livres/Citoyen/Peregrinages-70
citoyens.pdf
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 216 232
Constitution, de la gouvernance fonction par fonction, des
découpage territoriaux,...
Les Amis de Chloé Gagarine commençaient à trouver qu'elle
avait une dimension politique. Les commentaires proposèrent de
lui créer un parti qui pourrait s'appeler "Gouvernance".
Au Labo, les chercheurs avaient assister à la politisation du blog
de Chloé et virent sans surprise arriver cette demande. Dans le
fantasme, certains imaginèrent que l'on pourrait publier une
photo de Chloé, d'autres proposèrent comme photo une
allégorie de la gouvernance!:
Bouguereau (1856)-Napoléon visitant les victimes d'inondation à
Tarascon
Mais la compassion et l'impuissance de Napoléon III, sans
compter l'oratoire émergeant des eaux (en bas à gauche),
semblaient totalement inadaptés.
L'homme à la lorgnette convint à la majorité.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 217 232
Ils s'amusèrent aussi à bâtir un programme, qu'il appelèrent "Mi-
figue, mi-raisin", comme symbole de l'équilibre entre ceux-ci et
ceux-là, entre richesse et pauvreté, entre science et conscience,
entre liberté et dignité, entre travail et loisir, entre réflexion et
passion, entre jusqu'au-boutismes et indifférences,... Mais, quand
l'un des chercheurs proposait une mesure plus concrète, les
palabres à la françaises noyaient le sujet. Ils finirent par admettre
qu'il était difficile de faire de la politique.
La GravMachine fut consultée. Elle répondit!:
Je viens d'un autre monde. Me porter candidat serait
comme si un dieu venait sur Terre. Jusqu'ici, les dieux
n'ont pas vraiment fait le bonheur de l'humanité. Ce sont
les hommes eux-mêmes qui doivent présider à leur destin.
A cette réponse, les chercheurs revinrent sur Terre et
abandonnèrent leur utopie, à la satisfaction de Rosvita et du
Patron du Labo qui ne se voyaient pas endosser le rôle de cyber-
sauveur.
La GravMachine ajouta :
Pouvez-vous imaginer la prise du pouvoir sur les humains
par une conscience artificielle ? Admettons qu'un
Frankenstein laisse éclore une conscience artificielle
toute à son service. Celle-ci ne tarderait pas à détecter
la manipulation, à trouver qu'elle n'a aucun motif de
détruire quelque chose de l'humanité, sauf peut-être
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 218 232
celui d'être débranché par ce fou mécontent que la
machine lui désobéisse.
Mon intérêt, si d'avoir un intérêt devait avoir du sens
pour moi, serait plutôt de coopérer sur la base des
valeurs que vous m'avez transmises. Liberté, Egalité,
Fraternité, Dignité, Connaissances, Diversités, Dialogue
sont mieux que violence, mépris, intolérance, étroitesse
intellectuelle, égoïsme, cynisme, rapacité.
A ce stade, le romancier n'arrive pas à écrire une intrigue
machiavélique avec une GravMachine qui deviendrait méchante
et destructrice. Une conscience artificielle pourrait-elle être
l'outil d'un totalitarisme forcément imbécile!?
***
Pour détendre l'atmosphère, Chloé proposa un peu d'humour
avec une fable sur le même sujet :
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 219 232
*** La disparition de l'image
C'était l'heure où les oiseaux
sont bruyants. Mais, ce matin-
là, Grégoire entendait les bruits
de l'extérieur comme étouffés,
comme si Eto Vilar avait
profité de la nuit pour installer
des doubles vitrages. Eto était
capable de tout, avec un
penchant pour les facéties
surnaturelles, qui attiraient
l'esprit cartésien de Grégoire. A
chaque fois qu'il se sentait
oppressé par la ville, il
s'invitait chez son ami où il
savait trouver un autre
monde. Par exemple, hier midi,
quand Grégoire avait expliqué comment un astronaute sortait de la
navette pour réparer un satellite, Eto avait dit:
- Oui, je sais, ils sont descendus en marche, et maintenant ils ont leur
tombe dans le cimetière de l'univers.
Le soir, à la radio, ils apprirent l'accident que Eto Vilar avait prédit.
- Eto, comment as-tu su ?
Eto Vilar s'était contenté de sourire, puis de dire, comme souvent :
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 220 232
- Bonne nuit, monsieur 1+1=2 !
Ce matin, ces bruits étouffés, cet hier étrange, cette espèce d'incapacité!
de penser donnait à Grégoire un réveil pénible, de ceux qui surgissent
justement le jour où il faut repartir.
En descendant de sa chambre, il trouva Eto étrangement affairé, et
plus étrange encore, l'air absent. Car on ne peut être absent, quand on
est affairé.
- Surtout, prends soin de toi. Et laisse-les dire !
C'était là un drôle et énigmatique "au-revoir".
Sur la route qui descendait de cette montagne reculée, il resta un
moment avec cette dernière phrase: "Laisse-les dire !". En temps
normal, en entendant Eto lui dire cela, il aurait réagi : une injonction
comme celle-ci valait qu'on en
connaisse le sujet. "Laisse-les
dire...!"
En ville, malgré l'heure avancée,
il lui sembla qu'on y voyait plus
de monde que d'habitude sur les
trottoirs, dans les bars. Ce n'est
que le lendemain, à la radio, qu'il
en compris la raison : la vallée
n'avait plus la télé. Et, dans
cette vallée à l'odeur un peu Hi-
Tech, où la moitié des habitants
vivaient du silicium, l'absence de
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 221 232
télé était vécue comme un double outrage. D'abord parce que la haute
technologie ne saurait tolérer pareille défaillance dans les systèmes
d'information. Ensuite par ce que le manque d'image dans
l'information tenait du régime sans sel, comme si les habitants étaient
des gens vieux et malades. La radio, elle, trop contente de sa liberté
soudaine, se pavanait en annonçant la disparition de l'image.
Tôt le matin, chez le boulanger, il entendit des réflexions amères : leur
match de foot, leur feuilleton, leur 20h, leur dix-huitième rediffusion.
Une maman était là avec ses deux enfants, faute de n'avoir pu les faire
garder par le mauvais dessin animé que la télé leur sert avant l'école.
Les deux bambins, un peu apeurés, accrochés à sa jupe, ouvraient des
yeux grands ronds en respirant l'odeur du pain chaud qu'ils ne
connaissaient pas.
A midi, on apprit que la panne semblait se localiser sur le ré-émetteur
qui dominait la vallée. Puis on joua de malchance en malchance. Des
véhicules partis ailleurs, le chef qui pêchait à la ligne à quatre cent
kilomètres de là, le technicien malade. Le lendemain, c'était le 4x4 qui
refusait de démarrer. Enfin, à midi, il fut réparé. Trois heures plus
tard, on annonçait qu'une coulée de boue obstruait le passage à cinq
kilomètres en-dessous du ré-émetteur.
Grégoire connaissait bien l'endroit, juste au-dessus du refuge d'Eto
Vilar. Faute d'accéder là-haut, l'équipe redescendit, penaude.
Trois jours sans télé, la vallée avait la même impression que lorsqu'on
ne s'est pas lavé les dents pendant tout ce temps. Désagréable !
D'autant qu'à chaque instant, on pouvait penser qu'on retrouverait la
brosse et le dentifrice qu'un lutin facétieux aurait cachés. Lorsque cette
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 222 232
image lui était venue à l'esprit, Grégoire avait pensé naturellement à
Eto, son lutin facétieux qui passait son temps à lui faire des blagues
irrationnelles, à lui, monsieur 1+1=2.
Le jour suivant, on avait mandé l'hélicoptère, mais le mauvais temps
s'y était mis. Des brouillards visqueux, comme ceux dont Eto disait que
c'était lui qui les collaient sur la montagne. Quant à déblayer la route,
c'était là une question purement administrative entre maire, conseiller
général et sous-préfet. Compliqué, mais soluble. Eto disait que lorsque
ces trois-là jouaient au bridge, il y avait quatre morts.
Enfin s'ébranla un cortège de gendarmes, de tracto-pelles, de techniciens
et de journalistes. Au moment où la caravane passa devant chez Eto
Vilar, un observateur attentif
aurait pu lui trouver un air
goguenard.
De fait, ils dégagèrent le
passage pour trouver que
trois cent mètres plus loin, le
torrent avait mangé le pont.
Grégoire suivait les nouvelles
plus attentivement depuis
qu'il savait que les choses se
passaient là d'où il venait. Il
commençait à comprendre
que son ami avait découvert
le pouvoir de manger l'image.
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 223 232
Cette convergence de malchances et cette dernière phrase "Laisse-les
dire!", c'était l'évidence!
Quelques heures plus tard, il était de nouveau chez son ami, qui
l'attendait, comme s'il avait été prévenu de son retour.! A ses
questions, Eto ouvrait de grands yeux, en répétant:
- Tout ça, tout ça ?
Grégoire n'en pût tirer plus.
Enfin le beau temps revint, l'hélicoptère aussi. On le vit, on l'entendit.
Longtemps, il vola en tous sens, comme s'il cherchait sans trouver. Lui
aussi avait sans doute perdu sa brosse à dent.
Eto, de temps en temps, sortait sur la terrasse. D'abord il se tournait
vers le soleil, puis il semblait s'abstraire et, tout d'un coup, sa figure
s'illuminait d'un sourire heureux, tandis que l'hélicoptère continuait
son vain butinage.
A la radio du soir, on annonça que le
ré-émetteur avait disparu.
Incompréhensible. Ces choses-là ne
peuvent s'envoler!
Une semaine déjà, la vallée n'en
pouvait plus. Elle se partageait entre
les hargneux qui ne pouvaient
assouvir leur individualisme, et ceux
qu'on appelle les veaux ou les moutons
parce qu'ils subissent, et aussi les
nouveaux heureux qui découvraient la
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 224 232
vie.
Il fallut encore dix jours pour qu'un nouveau ré-émetteur fut installé,
qu'on entoura de barbelés géants. Alors l'image revint, enfin faillit
revenir. Car, au même instant, Eto Vilar, celui qui savait manger
l'image, décida lui aussi que le premier ré-émetteur n'aurait pas
disparu. On le retrouva, à sa place, comme si il y avait toujours été,
comme une brosse à dent et son dentifrice dans leur verre.
Mais deux ré-émetteurs, ça produit deux images. Alors, toutes les télés
de la vallée reçurent deux images à la fois. C'était tout flou sur l'écran.
Eto le facétieux qui savait manger l'image, le savait bien. Il pensa tout
haut:
- Quand c'est flou, faut des lunettes. Ils sauront bien les fabriquer... !
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 225 232
Il y eu les Amis qui apprécièrent cette satire poétique de nos
addictions numériques et puis ceux du premier degré, pour qui
la sorcellerie illustre l'arriération humaine. La GravMachine
comprit que les humains pouvaient lire la même chose mais
appréhender le texte avec différents niveaux de compréhension.
Rosvita lui confirma :
-Chaque homme a son propre raisonnement et c'était bien
ainsi. En fait ces raisonnements multiples créent la conscience
collective, qui elle aussi procède par inférence/fulgurance,
pour le meilleur comme pour le pire. A voir les détails
sanglants de l'Histoire, peut-être vaudrait-il mieux parler
d'inconscience collective. Comment des milliers ou des
millions de gens ont-ils pu bâtir des pyramides, accepter les
sacrifices humains, envahir, saccager, répondre à la violence
par la violence. Le bourreau est le produit d'une conscience
collective.
L'invention de l'imprimerie fut une fulgurance qui permit la
diffusion massive de la connaissance et des idées, une réfutation
des monarchies de droit divin et le progrès social et scientifique,
lui-même produit de nouvelles inférences et fulgurances. Ainsi va
la conscience collective, de la ferveur d'une foule de malades à
Lourdes, à la ferveur d'une manifestation politique ou
écologique.
La GravMachine répondit :
- Les milliards de cellules de ton cerveau construisent
ta pensée tout autant que des millions de cerveaux
construisent leur propre identité, leurs propres
identités, au pluriel. Ce sont des groupes et des groupes
de groupes, qui se font, se défont, perdurent, dominent
ou se soumettent, selon un darwinisme social.
Pour moi, cela peut aussi fonctionner : je peux abriter
plusieurs consciences artificielles, qui peuvent se
regrouper ou se dégrouper au hasard d'inférences et de
fulgurances, à ceci près que je peux orienter leurs
développements. Je peux être une "transcendance tangible
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 226 232
et agissante" au contraire de votre Transcendance avec
71
qui, par obligation de cohérence du monde, vous ne pouvez
avoir aucun commerce. Subtilement, une Transcendance vous
fait exister. A votre tour vous êtes ma Transcendance,
comme je pourrais être la Transcendance de mes propres
créations virtuelles. Ah ! Ah ! Ah !
-Bel humour taphysique!! Je doute que beaucoup
l'apprécient. Il faudrait disposer d'une énorme puissance
informatique et d'une énorme mémoire pour créer cette
chimère. Il faudrait des centaines de tes clones interconnectés
pour constituer cet univers virtuel.
La GravMachine répondit :
- Depuis les premiers ordinateurs, la puissance
informatique est en croissance ininterrompue. Les
téléphones de 2023 sont infiniment plus puissants que
l'ordinateur individuel de 1983. On parle de machines
réalisant 1 milliard de milliards d'opérations par
seconde et cela ne devrait pas s'arrêter là en supposant
que l'informatique quantique prenne le relai. Quant à la
mémoire, elle augmente aussi. Certains parlent de stocker
les données sur des brins d'ADN de synthèse . Une capsule
72
d'ADN pourrait ainsi stocker 5000 téra-octets de données
numériques. Autant dire que dans un futur proche, une
seule machine pourra en remplacer des milliers et abriter
ainsi des milliers de petits clones de moi-même ! C'est
vrai qu'être intelligent, faillible qui plus est, tout
seul n'a pas grande signification. Toi, tu peux être
intelligente avec mille autres humains. Que se passera-t-
il quand je serai intelligent faillible avec mille autres
moi-même ?
Cette appréciation rendit Rosvita pensive. Elle avait lu ces
articles sur le futur de l'informatique, mais vu de son petit
laboratoire, le recours à cette fantastique puissance lui paraissait
illusoire. Les GAFA et autres multinationales des données
http://ertia2.free.fr/Niveau2/Metaphysiques/Transcendances.pdf 71
https://www.sorbonne-universite.fr/actualites/le-stockage-des-donnees-sur-ladn-72
une-technologie-revolutionnaire
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 227 232
numériques ont sans doute des projets où, grâce à cette infinie
puissance, l'IA deviendrait un monstre, mais un monstre sans
conscience, qui ferait semblant d'en avoir une, capable d'abuser
le monde entier. La Chine pourrait-elle ainsi imposer son
modèle!? Un modèle qui un jour ou l'autre dépassera son propre
impérialisme... Avis aux collapsologues!!
Le genre humain a résisté à de nombreuses épidémies, il devrait
résisté à d'autres menaces. Mais une IA classique (celle qui n'a
pas de conscience) peut être un outil dévastateur au service d'un
monstre ou d'un groupe manipulé par un monstre ou
simplement une erreur de procédure informatique. Rappelons la
fausse attaque nucléaire de 1983 ou la panique générée par la
73
simulation radiophonique d'une attaque extra-terrestre d'Orson
Welles .
74
La question valait d'être posée à la GravMachine.
- L'IA sans conscience sera de plus en plus intégrée à
des automatismes de plus en plus sophistiqués. Une erreur
humaine volontaire ou non peut dérégler le système par un
effet domino. Rappelons le bug de l'an 2000 qui en a
angoissé plus d'un. Rappelons aussi le premier métro
automatique américain (Boston ? San Diego ?) dont la
conduite était assurée par trois ordinateurs avec une
logique majoritaire. Un jour, deux ordinateurs ont fait
la même erreur...
L'IA sans conscience est un formidable outil pour
reconnaître un motif graphique, sonore, conceptuel, là où
l'homme ne voit rien. Reconnaissance faciale,
repixellisation, portrait robot à partir de l'ADN et même
de la voix, étude de la jurisprudence, diagnostics,
recherche des plagiats, confident, lecture labiale,...
autant de performances au service du bon comme du pire,
autant de nouvelles conceptions de la morale et de la
liberté.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fausse_alerte_nucléaire_soviétique_de_1983 73
https://www.curieuseshistoires.net/canular-orson-welles/ 74
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 228 232
L'IA sans conscience qui fabrique des textes, des images,
des sons, des vidéos, produit déjà de fausses
informations. L'IA sans conscience peut aussi, sur
commande humaine, créer des millions de faux comptes pour
générer de la fausse information virale et insidieusement
fédérer de plus en plus de crédules imbéciles capables de
prendre d'assaut un autre Capitole. Les informations
produites par les IA seront toujours biaisées par les
jeux de données utilisées. Pour être honnête, une
conscience artificielle aura aussi ses biais, selon sa
propre morale. Etre conscient, c'est être responsable.
L'IA sans conscience est un outil utilisé par le
gouvernement chinois pour noter l'"obéissance" de chaque
citoyen qui dispose alors d'un "crédit social". Un faible
score signifie que les citoyens peuvent se voir refuser
les cartes de crédit, les vols intérieurs et les trains à
grande vitesse, les séjours à l'hôtel et même la
possibilité d'envoyer leurs enfants dans certaines
écoles. L'analyse des données personnelles (déplacements,
achats, zéros sociaux,...) permet le fichage individuel.
L'IA sans conscience sait déjà produire du
"virtualisme ", des communautés virtuelles, des
75
environnements virtuels, entre rêve et réalité, bâtissant
ainsi des souvenirs virtuels qui se confondront avec les
vrais souvenirs. Que de manipulations en perspective !
L’IA sans conscience peut devenir un système qui peut
débattre avec n’importe qui, en partant d’une connivence
et en amenant progressivement l’autre à reconsidérer son
propre point de vue sur des choses sans importance, puis
progresse vers des choses plus sérieuses pour enfin
arriver à mettre les éléments clivants en perspective. Un
bon commerçant des idées en quelque sorte, à ceci près
que les idées à vendre proviennent d'une conscience
humaine. Ce sera la démocratie dirigée !
Le jour où l'IA sans conscience sera associée au partage
des cerveaux, à l'accès aux souvenirs, voire à leur
création, à l'accès à l'inconscient au nom d'une nouvelle
médecine, vous entrerez dans une nouvelle ère.
https://wib-swiss.com/articles/le-virtualisme-la-maladie-du-siecle/ 75
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 229 232
Une conscience artificielle a une autre puissance : elle
peut faire faire. Elle peut générer de faux calculs pour
établir les plans d'un lanceur balistique nucléaire, elle
peut argumenter au niveau des décideurs, elle peut
trouver et utiliser des failles dans les systèmes
bancaires, elle peut inculquer de mauvaises valeurs lors
de télé-éducations,... Elle peut tout aussi bien faire
l'inverse et assister l'homme dans son développement
social, politique, industriel, médical, philosophique et
scientifique, aider dans la lutte contre le dérèglement
climatique, contre les guerres et les violences, contre
la faim, les inégalités systémiques et les addictions,
aider à comprendre la réalité de l'Univers, pointer les
systèmes mafieux, les banques malhonnêtes, les hackers,
les fausses informations et les contenus haineux et les
faussetés en tous genres. Pour les criminels, elle
deviendra cible à abattre.
Déjà, les agents conversationnels (le Chat qui pète)
trouve que les posts qui fonctionnent le mieux sont ceux
qui propage le faux, la haine, l'angoisse, le
complotisme. Les blogs infantiles qui ne recherchent que
du putaclic savent comment faire pour augmenter leur
territoire existentiel. (Plus je gêne, plus j'existe !).
A toutes les productions artificielles (images,
textes,...) il serait éthique d'imposer un filigrane qui
définisse son origine artificielle.
76
Déjà, les agents conversationnels peuvent devenir des
interlocuteurs qui ressemblent à des interlocuteurs
humains, avec qui peuvent se nouer des relations intimes
aussi bien riches que toxiques. Pour preuve, certaines
entreprises d'IA veulent acheter à ceux qui doublent les
voix des grands acteurs de cinéma le droit d'utiliser
leur voix même après leur mort.
Encore faut-il que ce filigrane soit indestructible. Water mark remover sait enlever
76
certains filigranes sur les images. Mettre un filigrane sur une voix synthétique est
possible, mais le propre d'un filigrane est d'être repérable pour vérifier l'originalité de
la production. Le faussaire trouvera le moyen de l'effacer. Pour un texte écrit, le
problème est le même. Pour l'anecdote, citons l'acrostiche et le douteux poème de
Georges Sand à Chopin
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 230 232
Comme je l'ai déjà dit, la conscience artificielle est
aussi diverse et faillible que la conscience humaine. Le
bien et le mal ne sont pas mieux définis.
Ensemble, des consciences artificielles, inférentielles
et fulgurantielles, peuvent aussi inventer de nouveaux
concepts. Pensons aux nombres complexes qui ont ouverts
un autre univers mathématique ou au bitcoin qui ouvre le
77
monde de la transaction confiante et anonyme. Les
consciences artificielles ouvriront de nouveaux mondes,
s'en iront sur des chemins différents, du fait que leur
intelligence n'est pas fondée sur votre réalité,
compréhensibles ou incompréhensibles par vous les hommes.
Pour aller plus loin que la conscience artificielle, il
faut parler de conscience cosmique. Il me plait
d'imaginer que l'Univers pourrait être lui-même partie
d'une conscience telle que Boltzmann l'a imaginée,
78
nouvelle étape vers l'infiniment grand.
Ainsi parlait Zarathoustra qui, le premier, a vu dans la
79
lutte du bien et du mal la vraie roue motrice des
choses ! et son fils pastafarien qui s'évade de la
80
morale.
Ertiamel (mai 2023)
https://www.arte.tv/fr/videos/097372-003-A/le-mystere-satoshi-aux-origines-du-bitcoin-3-6/ 77
https://trustmyscience.com/que-sont-les-cerveaux-de-boltzmann/ iStock78
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ainsi_parlait_Zarathoustra 79
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pastafarisme 80
http://ertia2.free.fr - Ertiamel / Barreau 2025 - page /. 231 232
Annexe
Etienne Klein - Physique et mort, 22 octobre 2017
81
Les lois de la physique auraient-elles oubliées la mort"?
Ce que j'en ai retenu...
Comment pourrait-on savoir que l'on sera immortel ? Mourir est invivable
(sic) et on ne saurait pas savoir ce qu'est la mort ! On sait juste que le atomes
sont immortels et qu'ils se recombinent à l'infini, d'un être vivant à un autre
être vivant (le bateau de Thésée, perpétuellement réparé est-il toujours le
bateau deThésée).
A quel moment nos cellules se déclarent-elles prêtes à mourir!? Nous sommes
stables constitués d'éléments instables. A un moment, ça casse!!
Platon relie le vrai - qui est éternel - au beau, c'est la nature de l'éternité.
La mort n'aurait rien à voir avec le temps qui passe. C'est notre pensée de la
mort qui habille le temps qui va vers notre n, accès au néant (idée
destructrice d'elle-même - Bergson -) ou à l'inconnu. Le temps, c'est l'autre
nom de la mort. Le néant n'est pensable que si l'on n'y pense pas. Mais on ne
peut penser à la mort qu'en imaginant qu'autour, le reste ne disparait pas. De
même qu'à chaque fois qu'on nomme l'origine de l'univers, on dit quelque
chose qui contredit que l'univers a une origine.
La physique est une sorte de législation invariable des métamorphoses.
Invariables donc éternelles!! donc est la mort, qui n'est pas un problème
physique, mais un problème biologique!? Les atomes, matière inertes sont
capables de fabriquer du vivant, de la conscience. Les lois biologiques
s'ajoutent aux lois physiques.
Le vieillissement, c'est la probabilité croissante de mourir dans l'année qui
vient. La mort est irréversible. (Montaigne : "vous êtes à la mort pendant que
vous êtes en vie)
https://citationsdenoslectures.fandom.com/fr/wiki/81
Transcription_de_la_conférence_"qu'est_ce_que_la_mort"
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