Sondages, vous pervertissez
!
Trois exemples (1988) parmi tant d'autres montrent que le sondage est un instrument "déroutant" :
Avant l'ouverture du procès de Poitiers, un sondage annonçait que 60% des français trouvaient anormal que les médecins impliqués dans le décès d'une patiente puisse encore exercer leur activité; 30% pensaient le contraire et quelques uns seulement ne se prononçaient pas !
Avant la remise des Césars, un sondage annonçaient qu'une grande majorité des français qui ne vont pas plus d'une fois par an au cinéma peuvent donner un avis personnel sur les meilleurs acteurs de l'année !
Quelques remous autour du Paris-Dakar incitent la 5 à demander aux français s'il pensent que le rallye peut se faire en 15 jours. Seulement 4% des personnes interrogées n'ont pas d'opinion !
Dans le premier exemple, la justice elle-même a innocenté les médecins : comment 60% des gens interrogés ont-ils pu avoir un jugement aussi dénué de fondement? Dans le deuxième exemple, comment des gens qui ne vont jamais au cinéma peuvent -ils apprécier les acteurs des films récents? Dans le troisième exemple, comment répondre à une question aussi technique qu'une organisation de rallye où seule une poignée de spécialistes peuvent avoir un avis circonstancié.
Sondage oblige ! Doit-on croire que les français donnent leur avis sur tout, même sur ce qu'il ne connaisse pas? Est-il malséant de ne pas avoir d'avis tout simplement parce que l'on ne dispose pas des éléments nécessaires?
De grâce, chers compatriotes, si l'on vous demande votre avis, osez dire que vous ne savez pas si vous ne savez pas. Sinon qui croire ?
A voir les exemples cités plus haut, on peut frémir de la fragilité du jugement du citoyen français : qu'on ne s'étonne pas de le voir emboîter le pas d'un tribun habile ou d'un gourou.
Qu'ont fait les journalistes en publiant ces sondages ? Ils ont présenté les faits, l'implacable statistique, la norme, que certains pourraient même appeler "démocratie", puisqu'elle est l'expression d'un échantillon représentatif du plus grand nombre. Et dans ce monde d'incertitude, angoissant de chômage, de souffrance, de violence, comment ne pas comprendre qu'un sondage de plus c'est une incertitude de moins, alors qu'en fait les certitudes du sondage ne reposent que sur du sable, ou sur l'habileté (ou l'inconscience) de ceux qui les font.
C'est aux journalistes de réagir contre cette perversité, soit en dénonçant clairement le procédé, soit en publiant parallèlement aux résultats un dossier des éléments de réflexion sur le thème. Si tout les sondages étaient présentés dans ces conditions, au lieu de semer au hasard quelques chiffres, peut-être garderaient-ils la crédibilité qu'ils sont en train de perdre.