L'anglais sans peine

 

Entrefilet du 25 mars 1989 : les Québécois protestent contre la décision de l'Institut Pasteur de publier ses revues scientifiques en anglais exclusivement !

 

Première réflexion : Parle-t-on anglais, exclusivement, dans les couloirs de l'Institut Pasteur ? Les biologistes ne parlent-ils des amours cellulaires qu'en américain? La renommée d'un scientifique est-elle proportionnelle au nombre de voyages effectués aux Etats Unis? Nos étudiants en biologie devront-ils bientôt se contenter de cours en anglais?

 

Autant de questions qui viennent à l'esprit face à ce signe tangible de colonisation douce ou de dure logique économique : si l'Institut Pasteur s'est américanisé, c'est probablement qu'il est plus rentable de publier en anglais qu'en français.

 

Deuxième réflexion : Heureusement que les Québécois sont là pour nous rappeler que le français est aussi une langue scientifique. Ils sont peut-être mieux placés que nous pour savoir que l'anglais a des avantages mais aussi des inconvénients et qu'il est prudent de maintenir la diversité des langues pour maintenir la diversité des hommes, aussi scientifiques soient-ils.

 

A l'appui de cette contestation québecoise, on peut constater que l'ensemble des grands programmes technologiques de la Communauté Européenne, tels que ESPRIT, PROMETEUS, ou DRIVE sont de fait lancés en langue anglaise, sans traduction dans chacune des langues officielles de la Communauté. La langue anglaise n'est jamais mentionnée explicitement comme la langue de travail, mais il va de soi que les réunions entre chercheurs se font en langue anglaise. Tant pis pour ceux qui ne possèdent pas cette langue, il resteront à l'écart de la chose européenne.

 

"Il faut une langue internationale : la langue anglaise occupe le créneau, utilisons-la". Ce raisonnement tranquille de nos élites politiques, scientifiques, industriels et commerciaux est-il aussi celui des élites culturels, tant il est vrai que langue et culture sont indissolublement liés?

 

Personnellement, je regrette que la Communauté Européenne laisse pourrir le problème de la langue internationale européenne jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour faire un choix de société conscient. A quelques semaines des élections européennes, ne pourrait-on pas demander aux candidats de préciser leur position sur ce problème de communication qui deviendra majeur en 1992.

 

A l'éveil de l'Europe, si l'on me demandait de voter pour une langue véhiculaire - ce qui me semblerait la plus naturelle des choses démocratiques - je donnerais mon suffrage à une langue qui respecte toutes les cultures, qui soit facile à apprendre, capable de traduire sans contre-sens et sans ambiguïté toutes les nuances de la pensée originale. Utopie! me direz-vous. Certes non, la solution existe, et prouve sa valeur chaque année dans des centaines de congrès internationaux scientifiques ou littéraire, de Chine jusqu'en Amérique: il s'agit de l'Esperanto.