Lettre aux députés européens

 

Le 1er mai 1989

 

 

       Monsieur le Député,

 

 

         La Communauté Européenne est une réalité dont vous êtes un des soutiens. Notre communauté se veut multilingue, mais il est un fait que qui ne parle pas l'anglais n'a pas sa place au sein des débats.

 

         Aujourd'hui, ces débats sont ceux d'une élite qui n'a aucune peine à admettre l'anglais comme langue véhiculaire. Demain, ces débats seront ceux de tous. La Suisse nous montre que le multilinguisme est vivable, mais la Belgique nous montre le contraire : Il n'y aura de langue européenne qu'une langue admise par tous. L'anglais comme langue véhiculaire représente plus l'hégémonisme américain que l'identité européenne et l'Europe risque de souffrir longtemps de réaction de rejet de cette langue imposée par le marché économique.

 

         C'est pourquoi une langue véhiculaire indépendante de tout intéret national devrait être choisie pour devenir le ciment indispensable de la construction d'une Europe de fait plutôt qu'une Europe de droit.

 

         L'espéranto, par ses emprunts à l'ensemble des langues indo-européennes et par la cohérence et la simplicité de sa grammaire est une langue facile à apprendre et à prononcer, au contraire de l'anglais ou des autres langues européennes trop chargées de particularismes pour être facilement assimilables par tous les citoyens européens.

 

         Par ailleurs cette langue simple (mais non simpliste comme on a trop tendance à le dire !) est reconnue comme étant la plus fidèle dans la traduction des nuances et des sentiments exprimés dans la langue d'origine. C'est la langue internationale la plus capable de respecter les cultures nationales.

 

         En tout état de cause, l'Europe de 1992 ne se fera efficacement que si le débat sur la langue véhiculaire est clairement posé dans la tête et le coeur de tous ses citoyens. Rien n'indique qu'aujourd'hui une majorité se satisfasse de l'anglais qui pourrait être ressenti par beaucoup comme une langue coloniale. L'espéranto représente sans doute un compromis idéal à proposer à tous, dans la même veine que la création de l'Ecu (Aurait-on pu prendre le dollar américain ou la livre comme unité de monnaie européenne?).

 

         J'en appelle à vous, pour poser le problème de l'interlinguisme dans son urgence.

 

         Restant à votre disposition, veuillez croire, Monsieur le Député Européen, à ma profonde gratitude pour l'action que vous menez et à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.